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La bioéconomie serait-elle l’avenir de l’élevage ? Ce terme désigne, selon la Commission européenne, une économie fondée sur une utilisation accrue de biomasse. L’objectif étant de répondre de façon durable aux enjeux de production alimentaire, d’énergie et de matériaux, tout en préservant les ressources naturelles.
Dans ce contexte, une étude a été menée en 2019 par l’Inrae sur les productions animales dans la bioéconomie. Elle montre que les travaux sur cette thématique se réfèrent de façon surprenante assez peu à l’élevage. Ils concernent principalement l’utilisation des effluents d’élevage pour la méthanisation.
Assurer sur une même exploitation le compromis entre culture alimentaire et culture énergétique peut néanmoins se montrer rapidement compliqué dans un contexte de recherche d’autonomie alimentaire et énergétique tout en préservant l’air, l’eau et les sols exploités.
Cet article est à lire dans le cadre de notre grand format sur la bioéconomie : La biomasse agricole, une mine encore inexploitée
C’est pour répondre à ce triple objectif de production alimentaire, énergétique et de protection des ressources, que le projet réseau de sites démonstrateurs* du pôle de compétitivité industries et agro-ressources (IAR) est né en 2015.
À travers la mise en place de quatre plateformes expérimentales dans les Hauts-de-France, le projet a permis d’étudier la possibilité de développer des filières énergétiques innovantes (méthanisation, agro-matériaux ou bois énergie) pour trois territoires pilotes, afin de répondre aux enjeux et attentes des acteurs de chaque territoire.
* Le projet est porté par Agro-transfert ressources et territoires en partenariat avec différents acteurs régionaux et nationaux. Il est soutenu financièrement par le Feder, le FNADT et la Région Hauts-de-France.
UniLaSalle Beauvais a ainsi mis en place une plateforme expérimentale pour des systèmes innovants ayant pour but de maximiser la production de biomasse en polyculture-élevage bovin lait, tout en réduisant les impacts environnementaux et en préservant le revenu des agriculteurs (voir le schéma ci-dessous).
À partir d’une rotation classique en polyculture-élevage bovin lait, à savoir maïs ensilage / blé / colza / blé, l’objectif a été d’augmenter la productivité grâce à l’introduction de cultures intermédiaires récoltées et d’obtenir des mélanges performants en termes de production de biomasse, d’unité fourragère ou encore de potentiel méthanogène.
Deux systèmes innovants ont donc été comparés au système classique pendant cinq ans, un système appelé “alimentation prioritaire” et un deuxième appelé “biomasse prioritaire”.
Le suivi de la productivité de chaque scénario sur la durée a révélé un gradient de productivité annuel moyen allant de 10,7 tonnes de matières sèches (tMS)/an/ha pour un système classique, à 12,5 tMS/an/ha pour un système “alimentaire prioritaire” et à 15,2 tMS/an/ha pour un système “biomasse prioritaire”.
On obtient le même gradient pour la production d’unité fourragère laitière et le potentiel méthanogène, à savoir 4,6 U/an/ha et 1 621 m3 de méthane (CH4)/an/ha pour le système classique, 6,5 U/an/ha et 2 218 m3 CH4/an/ha pour “l’alimentation prioritaire” et 13,8 U/an/ha et 3 488 m3 CH4/an/ha pour le scénario “biomasse prioritaire”.
L’évaluation des pratiques a démontré la complexité de produire trois cultures sur deux ans, compte tenu de fenêtres d’action météorologique parfois très étroites.
Par ailleurs, l’expérimentation a mis en évidence un risque de faible disponibilité en eau pour le maïs précédé par une culture intermédiaire. Mais aussi l’apparition d’une flore adventice plus importante pour le scénario biomasse prioritaire. Et également de faibles différences d’indicateur de fréquence de traitements phytosanitaires (IFT) entre les systèmes innovants et le système classique. Les résultats sur les émissions de gaz à effet de serre et de stockage de carbone sont, quant à eux, plus mitigés en raison de la faible durée de l’expérience.
Il est ainsi possible de créer des systèmes de polyculture élevage maximisant la production de biomasse. Mais la performance globale de tels systèmes dépend également des besoins des filières sur chaque territoire.
Julien Guidet, ingénieur d’étude, Plateforme agronomique, UniLaSalle Beauvais