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Des diagnostics précoces mais des traitements peu efficaces

20-09-2024

Actualité

C’est tout frais

À l’occasion de la journée mondiale de la maladie d’Alzheimer, qui a lieu samedi 21 septembre, Jean-Charles Lambert, spécialiste du sujet à l’Inserm à Lille, fait un point sur cette maladie : ses formes, facteurs de risques et traitements.

Jean-Charles Lambert travaille sur la maladie d’Alzheimer pour l’Inserm. © Inserm

Le 21 septembre est la journée mondiale de la maladie d’Alzheimer. Découverte en 1906 par le médecin et psychiatre allemand Aloïs Alzheimer, elle reste encore aujourd’hui difficile (voire impossible) à traiter et soulève encore des interrogations.

Jean-Charles Lambert, généticien – directeur de recherches à l’Inserm et responsable de l’équipe “Recherche des déterminants moléculaires de la maladie d’Alzheimer et syndromes apparentés” dont les laboratoires sont à l’Institut Pasteur de Lille – fait le point.

Une forme de démence

On estime qu’environ 1,2 million de Français souffrent d’Alzheimer. “Ce chiffre pourrait atteindre un peu plus de 2 millions d’ici 2050, en raison du vieillissement de la population”, explique le professeur Lambert.

Dans les Hauts-de-France, en 2023, selon les chiffres de l’Agence régionale de la santé, 70 000 personnes présentaient cette pathologie. “Mais on estime aussi que 40 % des malades ne sont pas diagnostiqués. Ça ne veut pas dire qu’ils ne sont pas pris en charge, mais que le diagnostic n’a pas été posé.”

Alzheimer est, en effet, une forme de démence, qui peut se confondre avec les autres formes de démence : “On estime qu’Alzheimer représente 50 à 70 % des cas de démence. Mais il y a un continuum entre ces formes de démences, aussi il peut y avoir des erreurs de diagnostics (entre 10 et 20 %), poursuit Jean-Charles Lambert. Pour déterminer si une personne souffre d’Alzheimer, il faut observer si son cerveau est atrophié mais également la répartition et la quantité de dépôts amyloïdes et de dégénérescence neurofibrillaire. Ce sont les deux principales liaisons qui déterminent la maladie.” Autrement dit, si tout un chacun peut produire en vieillissant des dépôts amyloïdes, c’est bien la quantité et la répartition de ces derniers qui posent problème car avec la dégénérescence neurofibrillaire, elles entraînent la mort neuronale.

Mais attention, la maladie d’Alzheimer est associée au vieillissement mais le vieillissement n’est pas un facteur déclencheur de la maladie, il faut bien dissocier les deux”, rappelle Jean-Charles Lambert.

Il existe deux formes d’Alzheimer : l’une sporadique et l’autre monogénique. La forme sporadique, qui touche 99 % des patients, est la combinaison de plusieurs facteurs de risques, à la fois génétiques (60 à 80 % des cas) et “sociétaux”. La forme monogénique, qui représente 1 % des cas, est, quant à elle, 100 % génétique : “C’est une fatalité familiale, vous êtes porteur du gène. Ce sont généralement des formes précoces et l’évolution de la maladie est très rapide.”

Détecter la maladie : des progrès fulgurants

Pour diagnostiquer la maladie, il n’y avait, jusque dans les années 2010, que les tests neuropsychologiques. Mais depuis 15 ans, deux autres méthodes sont venues élargir les outils de diagnostic disponibles : l’IRM et le Petscan. “Avec l’IRM cérébral, on vient observer s’il y a un hippocampe (partie du cerveau) atrophié, ce qui peut être un signe (mais pas toujours) de la maladie. Avec le Petscan, on vient mesurer la présence de dépôts amyloïdes et de dégénérescence neurofibrillaire.”

Autre outil, qui cette fois vient confirmer à 100 % en cas de doute : la ponction lombaire. “On mesure dans le liquide céphalorachidien les protéines comme la bêta-amyloïde ou la protéine Tau, dont le niveau est un signe d’Alzheimer ou non.”

Une simple prise de sang pourrait à l’avenir suffire à permettre de détecter la maladie. “Pour cela, on se réfère aux biomarqueurs plasmatiques, notamment la protéine Tau. C’est un vrai progrès car cela est moins invasif que la ponction lombaire et, là où l’on pouvait détecter la maladie trois à quatre ans avant les premiers symptômes cliniques, avec la prise de sang on pourrait la détecter 10 ans avant !” Attention néanmoins, « on est encore au stade de la recherche pour cet outil. Et puis, ce diagnostic très précoce pose des questions éthiques. Diagnostiquer à quelqu’un un Alzheimer 10 ans avant les symptômes cliniques, ça change la perception qu’on a de la malade et de la personne qui devient un malade… Et quelle prise en charge derrière ? »

Une personne diagnostiquée Alzheimer alors qu’elle n’a pas des symptômes cliniques est une personne au stade asymptomatique ou au stade de mild cognitive impairment, comprenez à un stade de troubles cognitifs légers. Mais surtout, une personne à qui l’on ne peut – en l’état actuel – ne proposer aucun traitement remboursé par la Sécu pour stopper la maladie ou freiner l’apparition des symptômes.

Un traitement… qui tue

Car du côté des traitements, « on n’en a pas, ou du moins ils ne sont pas remboursés par la Sécurité sociale… »

Concrètement, il existe quatre molécules qui permettent de lutter contre la progression de la maladie d’Alzheimer. Or, depuis 2018, le ministère de la Santé a décidé leur déremboursement. « Le fait est que ces molécules ont été considérées comme peu efficaces avec des effets secondaires importants. En réalité, ce sont des molécules qui sont efficaces lorsqu’elles sont prescrites à un stade bien donné de la maladie. Si on les prescrit trop tôt ou trop tard, effectivement, leur efficacité est très relative… C’est un problème de bonne fenêtre ou non. » Donc, aujourd’hui, le seul traitement médicamenteux possible est à la charge des patients.

Un espoir s’était dessiné il y a quelques années avec le développement de l’immunothérapie. « L’idée est d’injecter des anticorps permettant d’éliminer les peptides amyloïdes, qui semblent être le composant toxique principal des dépôts amyloïdes. Cette immunothérapie repose sur la théorie de la cascade amyloïde : le corps produit des peptides amyloïdes qui tuent les neurones et endommagent les connexions neuronales. Or, dans la maladie d’Alzheimer, c’est surtout cette perte de connexions neuronales qui provoque les effets cliniques. »

Problème, si l’immunothérapie a été homologuée aux États-Unis, au Japon ou encore en Chine, l’agence européenne du médicament, l’Efsa, a refusé son homologation dans l’Union européenne. Et pour cause, « les effets bénéfiques sont minimes mais surtout, les effets secondaires sont très lourds et nécessitent un suivi important en imagerie médicale puisqu’il y a des risques d’hémorragie cérébrale, d’encéphalite ou encore d’inflammation. À l’heure actuelle, 18 patients sont décédés à cause de ce traitement. »

Facteurs de risques et signes

Les facteurs de risques de la maladie (hors génétique) sont : le diabète, l’obésité, l’hypertension artérielle (toutes les pathologies liées aux risques cardiovasculaires), le tabagisme, l’inactivité physique ou encore l’isolement social. « Pour certains de ces facteurs, notamment l’isolement social, c’est la perpétuelle question de l’œuf ou la poule… L’isolement social a-t-il participé au développement de la maladie ou bien l’évolution de la maladie a-t-elle provoqué un isolement social ? En tout cas une chose est sûre, ce sont des facteurs de précarité social qui démontre qu’on n’a pas tous accès de la même manière à une même qualité de vie. »

En effet, il semblerait que plus le niveau d’éducation est élevé, ce qui va souvent de pair avec un accès à une “bonne” qualité de vie, plus les symptômes d’Alzheimer mettraient du temps à arriver. « Étant donné qu’il est essentiellement question de connexions neuronales, plus on en a et plus le cerveau peut compenser longtemps. Aussi, une personne malade d’Alzheimer avec un niveau d’éducation “faible”, aura une évolution de la maladie plutôt linéaire. Pour celle qui a un niveau d’éducation “élevé”, les signes cliniques mettront du temps à apparaître mais généralement la chute est vertigineuse. »

Mais alors, comment repérer la maladie si le cerveau compense et qu’en plus, « la première phase de cette maladie est le déni et la mise en place de stratégies d’évitement » ? « Il y a souvent un événement marquant qui alerte la famille », un déclencheur qui s’ajoute à une accumulation de petits événements. Parmi les choses à repérer : les problèmes de gestion d’agenda, de budget, des pertes de repères spatiaux ou encore « un changement de comportement brusque, comme une agressivité jusque-là inconnue… »

Autre découverte récente : le covid est un accélérateur de l’évolution de la maladie. « On sait désormais, avec le recul, que le covid est responsable du passage du stade de troubles cognitifs légers au stade de maladie d’Alzheimer. On a encore des doutes sur les effets à long terme du covid vis-à-vis d’Alzheimer… »

Aussi, et pour conclure, Jean-Charles Lambert adresse un message de prévention : « Il faut faire prendre en charge ses pathologies avec des risques cardiovasculaires, pratiquer une activité physique régulière, ne pas attraper le covid trop souvent et se faire vacciner ! »

églantine Puel Epuel@terresetterritoires.com

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