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Novembre 2023, le Pas-de-Calais connaît le premier épisode d’une série d’inondations. Des pluies milléniales provoquent une crue centennale. Puis en janvier, des pluies cinquantennales suffisent à déclencher une nouvelle crue centennale. Emmanuel Macron et ses ministres se succèdent sur le terrain (lire nos éditions de l’hiver dernier). À la tête de la DDTM, Édouard Gayet vit « une année qui compte double ».
Les équipes sont sur le front avec des actions immédiates et d’autres sur le long terme, qui implique, de changer certaines pratiques afin que « le territoire soit plus résilient ». De quoi faire dire au Belfortain que la structure qu’il dirige est « au croisement de tous les enjeux de la société. » Rembobinons.
Nous sommes en 2004, Édouard Gayet est tout juste diplômé. Il a choisi de se spécialiser en économies et politiques agricoles. Le monde agricole, il ne le connaît « pas plus que ça ». Il a bien quelques cousins éloignés qui mêlent vigne et élevage dans la vallée de la Saône, mais cela s’arrête là pour ce fils d’ingénieur et de professeure. Pour autant, il est attiré par l’impact de la PAC sur les territoires, « comment les pratiques changent et sont influencées par elle, précise-t-il. Comment la même PAC se traduit différemment selon les pays ou même en France ». C’est donc une découverte « dans sa version sociologique et économique » que fait celui qui est passé par Lyon, Paris, Dijon avant d’être affecté pour son premier poste à Orléans aux services vétérinaires.
Remontant plus au nord encore, il s’installe ensuite en Picardie. Drir, Diren, Dreal, les acronymes s’enchaînent au fil de ses missions. Dans la dernière, il « apprécie travailler avec la profession agricole dans sa diversité ». Les dialogues sont constructifs, « c’est comme ça que je mène des actions », annonce-t-il.
Il y a près de 10 ans, il reprend la route du nord, terminus juste avant la mer : le Pas-de-Calais l’accueille en tant qu’adjoint au directeur chargé du patrimoine du conseil départemental. « Qualité d’écoute des interlocuteurs », « riche humainement », « coopération importante », le territoire est fidèle à sa réputation. « Les gens travaillent ensemble pour trouver des solutions. C’est vrai sur tous les territoires du Pas-de-Calais. Ça rend le travail constructif : on avance », apprécie-t-il.
Quelques années plus tard, il intègre la DDTM, en tant qu’adjoint d’abord, puis intérimaire et, officiellement directeur en 2021. Logement social, permis de conduire, eau potable, recul du trait de côte : les dossiers sont aussi riches que variés. Ce qu’il veut, c’est « sortir de la technocratie pour les mettre en œuvre de façon intelligente sur un territoire donné ». Cela nécessite de comprendre les gens, les territoires. Il se passionne pour le jeu d’acteurs qui se déroule dans une salle lorsque se construit une solution. Chacun entre dans son rôle avec sa partition à jouer sur le dialogue à mener, la façon de parler.
Parmi les combats à mener, il y a la lutte contre l’artificialisation. « Le département est le cinquième ayant le plus consommé de terres agricoles, naturelles et forestières entre 2010 et 2020 », n’applaudit pas le DDTM. D’autant que la période était « stable » en termes d’emploi et de population. « C’est une mauvaise place », juge-t-il. Des modes d’aménagement peu dense ont généré d’autres phénomènes telle que la dévitalisation des centres de toutes tailles qui ont perdu des habitants au profit des périphéries. Ce qui génère de facto des difficultés dans le maintien des services. « Les effets négatifs de cet étalement urbain se font ressentir dans les politiques publiques qui vont vers davantage d’habitants et d’emplois par hectare », reprend-il citant les logements d’une part, les zones d’activité de l’autre.
Autre sujet : le phénomène d’érosion actif et le recul du trait de côte. Son maintien au même endroit coûtera de plus en plus cher, pose-t-il. « Nous ne devons pas nous engager dans des politiques que nous ne pourrons pas mener. » Une dizaine de communes du littoral sont concernées par une érosion significative, cite-t-il en évoquant les premiers rachats de biens exposés au recul de la falaise. Le rachat de biens concerne aussi ceux sinistrés par les inondations et dont le propriétaire en formule la demande. La DDTM a reçu 120 dossiers, dont la moitié d’ores et déjà validée.
Sur le volet agricole, « indéniablement il y a des choses à faire sur la simplification, reconnaît Édouard Gayet, y compris pour l’administration elle-même ! » Alors quand il a la possibilité de créer des dispositifs simples (aide de trésorerie post-inondation) ou de crise (calamités, soutiens financiers…), il l’assure : il le fait. Les dernières manifestations ont pour lui « la cohérence » en trame de fond : que veut-on manger ? C’est une préoccupation régulière du monde agricole : l’équité entre ce que l’on fait ici et ce qu’on importe. Il garde en tête, toujours, les agriculteurs les plus fragiles, économiquement comme psychologiquement, et compte une bonne partie de ses agents formés à prendre en compte les situations difficiles. Quant aux contrôles, s’ils « soulèvent des inquiétudes disproportionnées », ils sont en réalité « globalement conformes » et ne concernent que 1 % des exploitations chaque année (déclarations PAC et aides surfaces).
L’avant et l’après 2023 se perçoit aussi à l’échelle des « efforts financiers » et de la « mise en œuvre » consacrés à la lutte contre les inondations. « Multipliés par trois ou quatre. » Curages, réparations des berges, voiries, zones d’expansion de crue ou encore pompes, cite-t-il. Les travaux structurants sont financés à 80 % par l’État, ceux d’urgence et de réparation entre 70 à 100 %, croit-il bon de rappeler. Voilà qui est dit.
Louise Tesse
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