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Ce lundi, la Région Hauts-de-France a accueilli à Lille une journée de réflexion intitulée « Semences et plants, leviers d’avenir pour la région des Hauts-de-France ». Coorganisée par le Semae, l’interprofession française des semences et plants, cette rencontre a réuni agriculteurs, élus et experts. Parmi les temps forts, la seconde table ronde de la journée, qui a exploré comment les progrès génétiques peuvent aider à préserver la productivité agricole face aux aléas climatiques.
Romain Valade, ingénieur d’étude chez Arvalis, a ouvert la discussion en retraçant 60 ans d’évolution variétale. Avec des données illustrées, l’expert a montré que les rendements de toutes les céréales à paille (blé, orge, avoine, seigle notamment, ndlr) ont longtemps progressé en France, atteignant un gain annuel de + 1,3 q / ha jusqu’en 1996. Mais depuis cette date, la progression s’est fortement ralentie, plafonnant à + 0,09 q / ha / an. Cette stagnation s’explique, selon lui, par deux facteurs principaux : les aléas climatiques, comme les stress hydrique et thermique, mais aussi la pression accrue des bioagresseurs, tels que les maladies, virus, ravageurs.
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Le progrès génétique a pourtant joué un rôle essentiel pour maintenir des rendements hauts. Depuis 1984, les avancées en sélection variétale ont permis de compenser en partie ces contraintes, avec un gain moyen de + 0,54 q / ha / an. Romain Valade a insisté sur l’importance de continuer la recherche pour stabiliser les rendements et améliorer la qualité technologique et sanitaire des grains. « Sans les innovations génétiques, les rendements en grandes cultures auraient chuté bien plus fortement face aux contraintes climatiques », a-t-il précisé.
La table ronde a ensuite mis en lumière les priorités des sélectionneurs pour répondre aux défis du changement climatique. Notamment le développement de variétés résistantes aux pathogènes et capables de maintenir leur productivité face à des stress de plus en plus fréquents. « Créer une nouvelle variété est un processus de long terme, qui prend entre 10 et 15 ans », a rappelé Romain Valade. Un délai qui impose d’anticiper dès aujourd’hui les conditions climatiques futures en testant les variétés dans des environnements variés et imprévisibles.
Outre la recherche de résistances spécifiques, l’objectif des sélectionneurs est aussi de développer des variétés multirésistantes, capables de lutter simultanément contre plusieurs bioagresseurs. Ce travail est d’autant plus complexe que le changement climatique favorise l’émergence ou la réémergence de maladies, comme la rouille noire, maladie fongique qui affecte plusieurs cultures.
Pour accélérer ces recherches longues et complexes, l’intelligence artificielle (IA) s’impose comme une solution prometteuse pour les acteurs de la filière semences et plants. « On peut tester virtuellement bien plus de croisements que dans les champs », a expliqué un intervenant. Grâce à des simulations à grande échelle, l’IA permet d’identifier rapidement les croisements génétiques les plus prometteurs et de réduire les délais avant la mise en culture. Cet outil, « complémentaire des outils traditionnels », offre un gain de temps crucial face à l’urgence climatique.
Cependant, l’innovation génétique et les outils numériques ne suffisent pas à eux seuls. Thierry Momont, président de la section Céréales à paille et protéagineux du Semae, a souligné la nécessité d’une « approche globale pour rendre l’agriculture plus résiliente », qui passe notamment par la diversification des cultures, une gestion optimisée de l’eau, et des rotations culturales adaptées. Ces leviers agronomiques, associés aux progrès génétiques, sont, selon lui, essentiels pour « construire un système agricole mieux préparé aux aléas climatiques ».
Julien Caron