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A-t-on le sentiment d’écrire une page d’histoire, quand on participe à la création d’une nouvelle commune ? « Eh bien il y a 500 ans, Charles Quint fondait Hesdin. Aujourd’hui, nous donnons naissance à Hesdin-la-Forêt alors oui, on a un peu l’impression d’être dans l’histoire », ne cache pas Matthieu Demoncheaux. Celui qui avait été élu maire (divers droite) d’Hesdin en 2020 est, depuis le 5 janvier, le premier maire de l’histoire de la commune nouvelle du Pas-de-Calais. À ses côtés, les maires des autres communes, Marconne, Huby-Saint-Leu et Sainte-Austreberthe, nommés maires délégués de facto. Tout ça vaut jusqu’à mars 2026, date des prochaines élections municipales lors desquelles tout sera remis à plat : on élira alors le maire, les autres feront partie des adjoints.
Ce mariage et cette naissance simultanés, célébrés devant 800 personnes le dimanche 5 janvier, sont une histoire au long cours. « C’est un projet vieux d’un siècle puisque l’État préconisait déjà de créer une petite capitale rurale au cœur du territoire des 7 vallées », indique l’édile.
C’est André Fréville, maire socialiste de 1971 à 1989, qui commencera sérieusement à travailler à « ce mariage », insiste Matthieu Demoncheaux, sensible aux éléments de langage et qui balaie l’idée de « fusion ». Le projet de rapprochement concerne alors Hesdin et Marconne qui, c’est une particularité de ce territoire ultra-imbriqué, entoure complètement la petite commune de 90 hectares. « Certaines rues sont à cheval sur trois communes, le cimetière d’Hesdin se situe en réalité à Marconne, la forêt domaniale d’Hesdin, deuxième plus grande du département, se situe à Huby-Saint-Leu, le Lidl est bâti à Marconne mais son parking est à Sainte-Austreberthe », liste l’élu qui démontre combien est ici respectée la condition pour créer une commune nouvelle : les communes doivent être limitrophes.
Suite à cette première cour, les prétendants ne concluent pas et le projet est remis sur le métier au début des années 2000, avant un nouvel échec. « Quand je suis élu en 2020 à la mairie d’Hesdin, je comprends vite la nécessité de réunir nos communes pour peser, non pas sur le territoire mais à l’échelle supérieure : nous formons un pôle d’équilibre territorial et rural (PETR) avec le Ternois : une échelle où sont prises certaines décisions, comme celles du Scot (schéma de cohérence territoriale). Or, dans ce pôle, Saint-Pol-sur-Ternoise (5 000 habitants) prenait le dessus sur Hesdin », n’accepte pas celui qui est aussi président de la communauté de communes des 7 vallées. « Certes la commune d’Hesdin était plus petite, mais nous avons toujours fonctionné sur le principe du grand Hesdin : des communes qui se partagent services, équipements et commerces. »
Les maires commencent par partager un déjeuner, lors duquel Matthieu Demoncheaux explique combien Hesdin, labellisée “Petite ville de demain”, pourra faire profiter ses voisines des avantages induits. Les réunions de travail sont élargies aux adjoints, puis à l’ensemble des élus. Cinq communes sont alors concernées, Hesdin, Marconne, Huby-Saint-Leu, Sainte-Austreberthe et Marconnelle, qui préférera quitter le projet le 9 juin 2023, quand les communes seront amenées à délibérer, chacune en même temps, sur le vœu de créer une commune nouvelle.
Une première étape qui permet de publier les bans, reste à établir le contrat de mariage. Au deuxième semestre 2023, des groupes de travail sont créés : les projets entamés ou promis sont mis dans le pot, une méthode de travail est établie et on écrit une charte fondatrice, qui reprend les principaux souhaits à commencer par la conservation du nom de chaque commune, qui devient commune déléguée, représentée par un maire délégué, « pour que ceux qui nous succéderont n’oublient pas ces bases », explique le maire d’Hesdin-la-Forêt. S’ensuit « en 2024, la phase de concertation avec la population », primordiale. « Au début, ils (les habitants, ndlr) ne parlaient que du taux d’imposition, du prix de l’eau (alors que celui-ci n’est pas de compétence municipale, ndlr) et des détails classiques comme le changement d’adresses. »
Aux permanences des élus, réunions publiques et autres cafés rencontres s’ajoute l’envoi d’un questionnaire qui doit permettre de rassembler idées et suggestions, y compris pour le nom de la commune à naître. Trois d’entre eux ressortent : Hesdin-le-Grand, Hesdin-sur-Canche et Hesdin-la-Forêt, qui sera finalement retenu avec près de 72 % des voix suite à un vote lancé auprès de la population et auquel 3 000 personnes participeront.
Le 19 septembre, les quatre communes délibèrent en même temps sur la création de la commune nouvelle : trois voix contre, sur les 59 que comptent les conseils municipaux additionnés. Le 1er janvier 2025 naît officiellement la commune nouvelle d’Hesdin-la-Forêt, dont le premier conseil municipal s’est réuni le 5 janvier pour élire le premier maire de son histoire. Un préfet lui avait dit un jour que reconstruire une église ou une école, ça arrivait dans une vie de maire, mais que créer une nouvelle commune, ça n’arrivait jamais. Ou presque.
La nouvelle commune d’Hesdin-la-Forêt, c’est désormais 4 700 habitants (les 2 200 d’Hesdin, les 1 100 de Marconne, les 900 d’Huby-Saint-Leu et les 300 de Sainte-Austreberthe) : « Une échelle qui commence à peser », pense Matthieu Demoncheaux qui précise : « La communauté de communes des 7 vallées regroupe 69 communes dont la plus petite compte 24 habitants, qu’est-ce que vous voulez faire à cette échelle ? »
Voilà comment est née Hesdin-la-Forêt. Et pourquoi, alors ? « Parce qu’en pleine période d’incertitude budgétaire, notre dotation globale de fonctionnement est gelée, jusqu’à la prochaine loi. Parce que nous sommes accompagnés par l’État, à raison de 15 € par habitant et par an pendant trois ans, pas rien à notre échelle. Parce que nous allons pouvoir donner un coup d’accélérateur aux projets en cours et rêver plus grand pour ceux à venir : le stade synthétique, la navette électrique, l’élargissement du périmètre de la police municipale et le déploiement de la vidéoprotection », égraine le nouvel édile.
Les plus petites communes gagneront des services jusqu’alors concentrés sur Hesdin, qui, elle, « va y gagner en termes de ressources humaines », estime son maire démissionnaire (la condition pour être élu à la tête de la commune nouvelle. Son ancienne adjointe aux finances devait être élue maire déléguée mercredi 15 janvier) : « On va pouvoir recruter et spécialiser les équipes, on a déjà réorienté les secrétaires de mairies, on va créer une brigade dédiée à l’entretien des quatre cimetières. On va mutualiser, rationnaliser », imagine déjà celui qui a commencé par devoir ruser pour atteindre la parité (les communes de moins de 1 000 habitants en sont exemptées). Faire du neuf avec de l’ancien, c’est le défi de cette nouvelle page de l’histoire des 7 vallées.
Justine Demade Pellorce