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C’est dans la nuit de vendredi 17 à samedi 18 janvier que le Sénat a pris une décision, pour le moins inattendue, celle de supprimer l’Agence bio et ce avec l’aval du gouvernement (lire notre édition du 24 janvier). Jean Verdier, président depuis 2024, l’a appris au réveil, par voie de presse. “J’étais estomaqué !, réagit-il par téléphone quelques jours plus tard. Personne n’avait été averti.”
Personne, ce sont notamment les sept familles professionnelles qui composent l’Agence bio depuis sa création en 2001, et qui représentent la bio de la production jusqu’à la consommation en passant par la distribution et la transformation.
Personne, ce sont aussi ses 20 salariés, “de droit privé“, précise-t-il, aujourd’hui dans une incertitude complète.
D’autant que le président n’entend ni ne comprend l’argument économique. “Nous sommes d’une efficience remarquable, lâche-t-il. Nous n’avons que 20 personnes, nous partageons nos locaux avec d’autres agences et nos fonctions sont transversales.”
En revanche, il sort la carte “Cour des comptes”, qui a rendu en juin 2022 un avis favorable sur l’Agence bio. Cette même Cour des comptes, qui “sert aujourd’hui de référence pour le dossier retraite“, soulève Jean Verdier. L’institution recommandait notamment de “conforter et élargir les missions de l’Agence bio, et de lui donner les moyens financiers et humains correspondants par une mobilisation financière sensiblement accrue des interprofessions agricoles et par l’accroissement des subventions pour charges de service public.” L’inverse, donc, de ce que propose aujourd’hui le sénateur Laurent Duplomb (LR).
Le budget de l’Agence bio s’élève à moins de 3 millions d’euros, souligne son président, qui insiste sur l’effet levier du fonds Avenir bio qu’elle gère avec une expertise et un travail sur mesure “reconnus” et “uniques“. “Lorsque l’on verse un euro aux entreprises ou porteurs de projet, ils arrivent à lever quatre euros auprès des banquiers, des Régions qui abondent, de l’Europe ou encore des actionnaires.”
De la même façon, lorsque l’Agence bio finance 1 000 euros d’une campagne de communication, le relais est quadruplé, “grâce aux interprofessions (viande, lait, légumes, etc.) qui abondent“. L'”efficience” se situe donc aussi pour le président “au niveau des aides et leviers que l’on distribue“.
Bilan, “si ce n’est mettre à mal un système qui marche bien, je ne vois pas l’intérêt“.
L’ingénieur agronome et producteur bio se dit ainsi “attaché” à ce “lieu où se crée le consensus avec sept familles professionnelles”. Sept familles “unies” qui ont “exprimé leur demande de maintien de l’Agence bio dans son format actuel“. Le consensus, c’est d’ailleurs ce qui caractérise la réaction suite à l’annonce du Sénat, quels que soient les syndicats, quelles que soient les filières. “Dans ce marasme, s’il y a bien quelque chose de plaisant, c’est de voir l’unité de la vision de l’agriculture bio.“
À une exception. La ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a apporté son soutien à la proposition sénatoriale.
“Incompréhensible”, pour Jean Verdier. “Peut-être n’est-elle pas entièrement informée des tenants et aboutissements de l’agriculture bio, s’agace-t-il. On va mettre ça sur le fait de l’encombrement de sujets, de l’accumulation des crises. Mais je lui redirai que ce n’est pas le moment d’ajouter la crise à la crise.“
Pour le président, c’est “un mauvais signal pour 2,9 millions d’euros dépensés de façon correcte avec un contrat d’objectif signé avec le ministère. On n’est pas dans notre coin mais sous la loupe permanente de nos tutelles (les ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique, ndlr) et en copilotage avec les sept organisations professionnelles“. La “force de l’Agence Bio” est pour son président sa transversalité sur les métiers et les filières.
“Un agriculteur sur six est engagé en agriculture biologique” et “30 à 40 % de ceux qui veulent venir en agriculture le veulent en bio“, poursuit-il. “Et dieu sait si on cherche des candidats à la reprise !“, appuie-t-il. Quant au rôle de la bio sur les territoires, “il est essentiel ! Combien de maires sont engagés sur un label territoire bio engagé ?, argumente-t-il. L’agriculture biologique a aussi un rôle sur le maintien de la potabilité de l’eau dans les captages dans les communes rurales.”
La copie du Sénat a désormais pris “le chemin de la commission paritaire mixte“, détaille Jean Verdier qui reste dans l’optique de “réussir à convaincre” les sept sénateurs et les sept députés à qui revient la décision finale. Il y voit “une sortie de route” que peut rattraper la commission paritaire.
Et si ce n’est pas le cas ? “Déperdition, gâchis et perte de temps à un moment où nous sommes encore dans la crise mais commençons à voir des hirondelles dans les circuits spécialisés et la vente directe.” En 2024, l’agriculture biologique affiche en effet une croissance de 8 % en circuit spécialisé, “ce n’est pas rien, cela porte le marché à 4 milliards d’euros”, et la “vente directe a augmenté également“. Le président poursuit : “Nous sommes en négociations des accords 2025, j’ai bon espoir que la grande distribution référence de nouveau des produits bio.”
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La notion de gâchis, il l’accorde aussi au social, se disant “très sensible sur le sujet.” “Quel gâchis de licencier une équipe pour en reformer une ! C’est une dissémination de la qualité du travail et du savoir faire. Nous faisons tout pour rassurer les 20 collaborateurs qui travaillent dans l’Agence.” D’autant qu’il “n’imagine pas les conséquences en termes de Prud’hommes” d’une telle “déclaration de licenciement collectif faite sans les démarches préalables qu’impose le Code du travail“.
Dans quelques semaines, l’Agence bio a prévu de lancer une nouvelle campagne de communication à l’occasion du Salon de l’agriculture. Jean Verdier se dit “confiant. On lancera cette campagne : le plan B de l’annuler n’a pas été évoqué !“
Louise Tesse