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Création d’entreprise : l’épicerie fine de Justine Couttenier lauréate du prix du public du réseau Initiative France.
“Le prix du public était le seul que je visais, le seul qui compte pour moi.” Dans sa jolie boutique du quartier de Rosendaël, à Dunkerque, Justine Couttenier pétille. Parce qu’elle a remporté le prix du public du concours de pitch organisé par le réseau Initiative France, mais pas seulement. Les paillettes, la bonne humeur, ça fait partie de la nature de la jeune femme qui aime aussi “le rose et les fleurs“. C’est même probablement pour ça qu’elle a remporté le prix national, “devant des pointures, des gens qui faisaient des cookies au cannabis ou de la bière pour sportifs. Moi, je fais du traiteur et de la boucherie“, se marre la cheffe d’entreprise qui a su vendre ce qui faisait sa force : “Moi“, dit-elle sans arrogance.
“ Pendant quatre mois, je trouvais ça horrible. Et un jour, je me suis levée et j’adorais. La vente m’amusait et, surtout, j’aimais les gens“. Justine Couttenier, fille et petite-fille de commerçants repentie.
Le naturel définit celle qui marche sur les traces familiales après longtemps avoir voulu s’en éloigner. La native d’Herzeele, dans les Flandres, est fille de commerçants. “Mon père avait repris la petite alimentation de proximité de ma grand-mère : je les ai toujours vus dans leur magasin et je n’avais qu’un rêve, faire autre chose“, lance la vingtenaire. Passionnée d’équitation, elle se lance dans des études agricoles, à l’institut de Genech où elle passe un bac STAV (Sciences et techniques de l’agronomie et du vivant) option zootechnie. Son rêve ultime : intégrer le groupe Gènes diffusion et lancer un élevage de chevaux, mais un problème de santé la pousse à être déscolarisée. Elle obtient son bac en candidate libre mais, sortie du circuit scolaire, abandonne son premier projet. “Et là mon père m’a dit : “hors de question que tu quittes l’école, je te fais un contrat d’apprentissage au magasin et si tu n’aimes pas tu arrêtes”. J’y suis allée en traînant les pieds. Pendant quatre mois, je trouvais ça horrible. Et un jour, je me suis levée et j’adorais. La vente m’amusait et, surtout, j’aimais les gens“, raconte à mille à l’heure celle qui se définit elle-même comme un moulin à paroles.
C’est à ce moment que frappe le covid. Elle l’attrape immédiatement, et voit de loin tout ce petit monde se démener dans un contexte d’anxiété grandissant. Elle voit son père en première ligne, et l’angoisse qui gonfle jusqu’à le pousser à arrêter. “Il fallait reprendre. Mon frère ? Non. Moi ? Je me suis posé la question, pas longtemps, avant de refuser à mon tour.” Justine Couttenier veut alors partir de son village et s’installer en ville. Ligne de mire : Dunkerque où elle emménage dans le quartier de Rosendaël – un village dans la ville – avec l’envie d’ouvrir son commerce. Coup de chance, une amie lui parle rapidement d’un local à céder à quelques rues de là, elle visite et signe le lendemain.
Passionnée de cuisine, c’est vers une activité de traiteur qu’elle dirige son projet, “mais j’avais de la place et le goût des produits locaux, je me suis lancée dans une crémerie-charcuterie-traiteur. Puis les gens m’ont réclamé du pain, puis les produits d’épicerie, puis les fruits et légumes.” Aujourd’hui on peut se fournir de A à Z chez Just’in vos papilles, pour un repas à mijoter ou du clé en main, grâce à son activité de traiteur quotidien ou sur mesure.
La boutique ouvre en décembre 2022, après quelques galères de fourniture EDF, autorisations et autres livraisons de matériel et si elle aime son métier plus que tout, Justine Couttenier n’a pas peur de dire que “c’est parfois difficile” et qu’elle ne dort “pas bien toutes les nuits“. Après l’annonce de son prix, “c’était la folie avec 15 personnes” dans la boutique ; “aujourd’hui ce sont les vacances et il faudra attendre le soir pour voir si c’est une bonne journée“.
Le concours de pitch (3 000 euros en jeu), c’était l’opportunité de financer le développement de l’activité rôtisserie. “Tous les accompagnés en 2022 par le réseau âgés entre 18 et 30 ans pouvaient participer en envoyant une vidéo de deux minutes trente présentant leur concept.” Justine Couttenier, accompagnée par une autre Justine, Berthe, du réseau Initiative Flandre à Dunkerque, se lance.
“Vous aimez les gens sympas ? Vous aimez les bons produits ? C’est ici que ça se passe.” Toute de rose vêtue, what else, la commerçante annonce la couleur dans une vidéo rythmée qui, avec l’aide de son réseau local, la propulse en finale du concours de pitch. C’était le 17 octobre dernier, à Paris : dix finalistes (sur 207 candidats ; elle est la seule régionale) pour cinq prix dont celui du public. “Il fallait que les gens votent pour moi. Et c’est finalement le prix qui a le plus de valeur à mon sens : je préfère convaincre les gens que je vois tous les jours que cinq personnes que je ne reverrai jamais“, formule-t-elle tout en servant leur repas à deux ou trois habitués ou en accueillant un ami de la famille qui vient lui commander un plateau de fromages pour son anniversaire. “Et puis tu l’apporteras et tu resteras boire un verre“, ne lui laisse-t-il pas le choix. Un village en ville, un goût des autres primé à Paris.
Justine Demade Pellorce
Le concours de pitch dont Justine Couttenier est lauréate est porté par le réseau Initiative France et ses déclinaisons en région et sur le territoire. Créé en 1984, il œuvre à “l’accompagnement des porteurs de projets en leur faisant des prêts d’honneur à taux zéro dans l’optique de création, reprise ou développement d’entreprises“, détaille Justine Berthe, conseillère à Initiative Flandre. Basée à Dunkerque, l’agence intervient sur le territoire de la Communauté urbaine de Dunkerque (CUD), ainsi que la CCHF (Communauté de communes des Hauts de Flandre). 117 projets ont reçu un prêt à taux zéro en 2022, mais le suivi peut aussi inclure un système de parrainage, sur deux années, entre chefs d’entreprise en activité ou retraités et porteurs de projets.