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Marc Madiot est un personnage du cyclisme français. Grande gueule mais sincère. Bourru, encore, mais sûrement moins qu’avant : « J’ai évolué avec mon temps », sourit-il. Le bonhomme de 64 ans a parcouru le monde du vélo en long, en large et en travers. Il en a connu les heures sombres comme les jours de gloires.
Marc Madiot a deux Paris-Roubaix à son palmarès de coureur, en 1985 et 1991. Deux grandes lignes, les plus éclatantes sur son CV, qui placent un coureur dans l’histoire du cyclisme tricolore. Pourtant, sa course préférée est encore plus au nord. C’est le Tour des Flandres, un autre des cinq Monuments (les cinq courses cyclistes d’un jour les plus prestigieuses), « pour la course, pour l’ambiance, pour les gens ». Il faut dire que les Flandres belges sont le berceau de la petite reine. Des paysages faits de petits patelins, de fermes et de côtes. Un territoire vallonné à l’image de la Mayenne, le berceau de Marc Madiot.
« Je suis né dans une ferme, dit-il fièrement. Je suis fils de paysan. » Le petit Marc a baigné dans le monde rural toute sa jeunesse et il en garde un attachement viscéral à sa « terre » comme il le raconte : « C’est une partie de notre ADN, c’est un ancrage. » Aujourd’hui, il a racheté la ferme familiale, parce que « c’était important », et il y retourne dès qu’il peut. « Là-bas, je me sens en sécurité. C’est chez moi. Je suis reposé. »
Marc Madiot a vu, dans sa Mayenne natale, son père se « tuer à la tâche ». Alors, aujourd’hui, il se sent légitime pour en parler. « Parce que je connais le monde agricole et ses difficultés. L’espèce d’abandon de ce monde-là », lâche-t-il. Ce sentiment, il le conserve depuis le début de sa carrière, dans les années 1980, quand, déjà, il revendiquait ses origines.
Toujours, Marc Madiot a défendu les agriculteurs : « Vous voyez bien, aujourd’hui, il y a de moins en moins d’agriculteurs. C’est un métier hyper dur. On travaille 365 jours par an, on ne gagne pas grand-chose… »
Le Mayennais oscille entre l’admiration pour ces hommes et ces femmes et l’énervement face à l’indifférence qu’ils subissent à ses yeux. Il est pourtant catégorique : il n’aurait pas pu être agriculteur. Son truc, ce n’était pas le tracteur, mais le vélo.
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Très vite, le petit Marc avait montré « un brin de talent » sur sa bicyclette, alors pas question de laisser passer sa chance. Car s’il n’a pas suivi les traces du paternel, il en a gardé sa mentalité : toujours faire les choses à fond. Ce sera le cas tout au long de sa carrière de cycliste puis de dirigeant d’équipe. Un second chapitre entamé en 1997 quand il monte La Française des Jeux (devenue Groupama-FDJ), dont il est toujours à la tête.
26 ans plus tard, le cyclisme a bien changé et Marc Madiot en est le témoin : « On devient un sport business, dit-il simplement. J’ai l’habitude de dire qu’à mon époque, être coureur, c’était un art de vivre. Alors qu’aujourd’hui, être coureur, c’est un métier. »
Selon lui, le cyclisme de 2023 a perdu en spontanéité. Et parce qu’aujourd’hui tout (l’entraînement, l’alimentation, la course…) est sous contrôle, le directeur sportif regrette le « romantisme » du temps où il portait le cuissard.
Paradoxalement, il participe pourtant à ce nouveau système. Il est le patron de l’une des principales formations françaises, l’une des mieux entraînées et des plus structurées. Il a dirigé des Thibaut Pinot ou Arnaud Démare vers les succès ces dernières années et il assure même prendre plus de plaisir à savourer leurs performances que les siennes. « C’est plus jouissif. On profite plus. »
D’ailleurs, quand on lui demande son meilleur souvenir, Marc Madiot ne cite pas une course, mais un moment. Quand Luis Ocaña, la légende espagnole et son idole de toujours, lui a rendu visite chez lui en Mayenne après son succès roubaisien de 1991. « C’est le sommet de ma carrière », dit-il, les yeux brillants. Avant d’ajouter : « L’homme était largement à la hauteur du champion. » Tous les deux ont passé la soirée ensemble ce jour-là. Dans le canapé de la ferme familiale, bien sûr.
Kévin Saroul