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Né en 1986 à Abbeville, Bertrand Mouillon a grandi à Rue, dans la Somme. Sans être issu directement du milieu agricole, il s’est toujours senti connecté à la nature et à la ruralité. Son père, instituteur et chasseur passionné, l’a emmené dès l’âge de 3 ans à la chasse au gibier d’eau. « Toute ma vie est orientée canard », plaisante-t-il, évoquant son propre élevage de colverts et de canards sauvages.
Son intérêt pour les territoires ruraux s’est confirmé lors de son parcours scolaire, où il a accumulé les diplômes : un bac sciences et technologies de l’agronomie et du vivant (Stav), un BTS en services en espace rural (SER), une licence en gestion de l’eau, puis un master en développement territorial et valorisation du patrimoine.
Après des débuts professionnels à la mairie du Crotoy dans le développement touristique, il a travaillé pendant sept ans dans le syndicalisme agricole. « J’ai découvert le monde du syndicalisme agricole, ça m’a passionné, mais travailler dans l’opposition, c’est très fatigant », explique-t-il. En 2021, il rejoint la Safer Hauts-de-France, attiré par un métier plus technique et surtout plus proche du terrain.
Aujourd’hui, Bertrand Mouillon est conseiller foncier en charge des arrondissements de Boulogne-sur-Mer et Montreuil-sur-Mer, un secteur où l’élevage prédomine et qui s’étend de la baie d’Authie au marais de Tardinghen. Ses journées s’organisent autour d’un objectif principal : l’acquisition foncière. « Mon objectif, c’est d’acheter des terres au nom de la Safer. Les gens m’appellent pour me dire “Je vais vendre mes terres” ou “Untel va vendre ses terres”. C’est là que commence mon travail d’enquête », raconte-t-il. Une fois informé d’une vente, il se rend sur place pour évaluer la situation géographique et la qualité des terres, rencontre les vendeurs et négocie un prix à l’hectare pour un achat à l’amiable.
Mais son rôle ne s’arrête pas là. Une fois les terres achetées, Bertrand Mouillon prépare les dossiers d’attribution des terres pour les soumettre au Comité technique départemental de la Safer. Cet organe consultatif, composé de représentants des organisations agricoles, évalue chaque projet et désigne les futurs attributaires des terres achetées par la Safer. « En tant que conseiller foncier, mon rôle est de présenter en détail le profil de chaque candidat, leur projet, leur parcellaire. Ce sont les membres du comité technique qui prennent la décision finale et choisissent un attributaire », éclaire-t-il. Ce processus garantit une juste répartition des terres agricoles, même si Bertrand Mouillon le reconnaît, « quand il y a 20 candidats pour une terre, il y a toujours 19 déçus ! »
Pour le conseiller foncier, chaque dossier est unique. « Il n’y a jamais deux situations similaires. Il faut s’adapter à chaque contexte, aux attentes des vendeurs, mais aussi aux besoins des agriculteurs qui veulent s’installer ou se développer. » Et convaincre n’est pas toujours simple. « Acheter des terres est beaucoup plus facile si les vendeurs partagent les enjeux Safer, à savoir préserver le tissu rural, encourager l’agriculture familiale, ou permettre à un jeune de s’installer. Sinon, ce n’est même pas la peine d’essayer de convaincre un vendeur de travailler avec nous ! »
Souvent méconnue, la Safer joue un rôle clé dans l’aménagement rural. Créée dans les années 1960 pour organiser une redistribution plus juste des terres agricoles, elle intervient aujourd’hui sur l’ensemble du foncier rural. « Quand on parle de la Safer, on pense tout de suite au droit de préemption. Mais en réalité, 95 % de mes dossiers sont à l’amiable !, précise Bertrand Mouillon. Le droit de préemption est un outil parfois critiqué, mais il faut comprendre que c’est surtout un outil de persuasion. »
Sur le terrain, Bertrand Mouillon agit comme un facilitateur, créant des opportunités pour des agriculteurs qui n’en auraient jamais eu. « Il y a des fermes dans mon secteur qui n’existeraient pas sans notre intervention. On aide des agriculteurs compétents dans leur domaine, à savoir l’agriculture, mais qui ne sont pas forcément des commerciaux, ajoute Bertrand Mouillon. Je pense qu’il est important de rappeler que la Safer est une société créée pour des agriculteurs, gérée par des agriculteurs, et au service des agriculteurs. Notre objectif est de les conseiller et de les aider à pérenniser leur foncier ou à s’agrandir. »
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Dans les Hauts-de-France, où le marché foncier est particulièrement tendu et les prix élevés, chaque intervention de la Safer peut faire la différence. Bertrand Mouillon se souvient de l’achat de 25 hectares à Embry (62), qui a permis l’installation de cinq jeunes agriculteurs en polyculture. « Ce genre de projet, c’est l’essence de notre métier, confie-t-il. On aide les petites structures à se maintenir ou à se développer. » Et son métier repose beaucoup sur la confiance. « Si un voisin voit qu’une transaction s’est bien passée, il fera appel à nous. La réputation locale est essentielle. »
Malgré la complexité de certains dossiers et les critiques que la Safer peut essuyer, Bertrand trouve du sens dans son travail. Et quand il n’est pas sur la route ou en rendez-vous, il retourne à sa passion première : la chasse au gibier d’eau. Chaque semaine, il se rend à la hutte, avec ses deux fils ou un ami. « Pour être honnête, je n’aurais peut-être pas candidaté à la Safer si ce n’était pas pour ce secteur rural que j’adore. Je me sens profondément chez moi ici ! »
Julien Caron