« Une partie de notre ferme est sur le territoire d’Esquerchin, l’autre de Cuincy. D’où son nom ! », nous expliquent d’emblée Louise Wacheux et Thibault Huyghe. Le couple de trentenaire a relancé en 2022 la Chèvrerie des deux villages, avec l’idée d’y ancrer un projet à la fois agricole et artisanal mais avant tout humain.
Louise est ici chez elle. Elle représente la sixième génération à faire vivre cette ferme fondée dans les années 1800. Ingénieure agronome diplômée de l’ISA (Institut supérieur d’agriculture, aujourd’hui Junia) Lille, elle a d’abord travaillé dans le conseil technique et en gestion agricole. Elle reprend officiellement l’exploitation au printemps 2022.
À ses côtés, Thibault, lui aussi diplômé de l’ISA, a travaillé pendant six ans comme conseiller foncier à la Safer Hauts-de-France. En 2023, il quitte son poste pour rejoindre la ferme comme conjoint collaborateur. Il consacre aujourd’hui une journée par semaine à l’enseignement, à l’institut de Genech, où il donne des cours de gestion à des BTS ACSE (analyse, conduite et stratégie de l’entreprise agricole). « On a choisi de reprendre la ferme de ma famille car on voulait faire quelque chose à notre image, explique Louise. Être maîtres de ce qu’on produit, et de la manière dont on le vend. »
« Nos premières chèvres sont arrivées fin 2023, rembobine Thibault Huyghe. Des alpines et des saanen. » En plus des 60 bœufs rouges des prés élevés pour être transformés en viande, l’élevage compte aujourd’hui 80 chèvres, élevées sur paille, nourries avec les cultures de l’exploitation et des sept hectares de pâturage.
« Après les mises bas en février, la production laitière commence début mars. La fromagerie tourne ensuite tous les matins de 6 h à 13 h. Deux traites par jour, sept jours sur sept. C’est un métier de passionnés ! On est avec les chèvres tous les jours dix mois par an », glisse Louise.
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Chaque jour, quelque 250 litres de lait sont transformés dans un laboratoire de 200 m². Crottins, bouchons apéro, palets, bûches, pyramides : au total, une vingtaine de formats, affinés ou frais, tous au lait cru sous label CE (certification nécessaire pour vendre un produit dans l’Union européenne, ndlr).
« On s’est tous les deux formés à la fabrication fromagère lors d’un stage pour adultes à Aurillac (15), mais on a surtout appris en autodidacte, précise Thibault. À terme, on espère élargir notre zone de chalandise et travailler avec des affineurs partout en France, vers l’Espagne ou l’Italie ».
Au lancement, en 2024, ils n’avaient pourtant aucun client. « On a pris notre bâton de pèlerin et on a fait du porte-à-porte pour faire goûter nos fromages. » Aujourd’hui, ils livrent avec un véhicule frigo des crémeries comme celle d’Ophélie, à Lambres-lez-Douai, ou la crémerie du Beffroi, à Douai. Une partie de leur clientèle est également composée d’agriculteurs qui proposent leurs produits à la ferme et de restaurants. « Les restaurateurs ne nous prennent pas beaucoup de fromage, concède Thibault, mais ça permet aux clients de goûter et de connaître nos produits. »
Une boutique à la ferme est également ouverte deux fois par semaine, le mercredi et le samedi matin, de 9 h à 13 h. On y trouve leurs fromages, mais aussi des produits régionaux : bière artisanale La Bellus, fabriquée à Hénin-Beaumont (62), la farine des Trois Terres, de Sorel (80), des œufs locaux, du saucisson, de la confiture… « Avec notre magasin à la ferme, l’idée n’est pas forcément de faire de l’argent en revendant, précise Thibault. C’est de rencontrer du monde. C’est très important pour nous de créer du lien au niveau local. »
Avant les chèvres, il y a eu les gîtes. Dès 2022, le couple rénove deux logements sur l’exploitation. L’un accueille aujourd’hui des travailleurs chinois de l’entreprise AESC, spécialisée dans la fabrication de batteries. L’autre est réservé à leurs apprentis. « Nos gîtes sont moins chers que l’hôtel, et ça permet aux clients de vivre au contact de la nature. On leur montre les chèvres, la traite, le quotidien de la ferme », raconte Louise. Des familles viennent aussi pour les vacances, découvrir une autre vie, entre champs et fromagerie.
Autour des bâtiments, 120 hectares de terre sont également cultivés en blé, maïs, betteraves, colza, pois, escourgeon, luzerne. Une partie sert à nourrir les animaux, l’autre est vendue.
Louise s’occupe de la fromagerie et du suivi sanitaire du troupeau. Thibault gère les livraisons, la facturation, les papiers. « On est très complémentaires », sourit le couple.
Mais leur ferme, c’est aussi celle de leurs enfants. Un garçon de 7 ans et une fille de 10 ans. « Ils nous aident à traire les chèvres, à faire les visites le samedi », explique fièrement Thibault. « Ils ont aussi leur propre potager et vendent leurs légumes dans notre boutique. C’est très rigolo à voir », ajoute Louise.
Une enfance les pieds dans la terre, au milieu des chèvres, dans une ferme ouverte sur le monde. Et si c’était ça ce qu’on appelle « l’école de la vie » ?
Julien Caron
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par Justine Demade Pellorce
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