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06-06-2025

La solidarité syndicale, moteur du changement ?

Lors de l’assemblée générale de la FDSEA du Pas-de-Calais ce mardi 3 juin à Vimy, sportif, industriel et éleveur étaient autour de la table ronde pour témoigner de solidarité syndicale comme moteur du changement face aux défis économiques.

Christophe Cambon, Jean-François Niemezcki et Jean-Marc Devise ont apporté leurs témoignages d’éleveur, d’industriel et de sportif. © L. T.

Un ballon, un Comté et quelques grammes de métal : voici ce qu’a extrait de son sac Eric Taisne, responsable de formation à Junia Lille et animateur de la table ronde organisée ce 3 juin à Vimy à l’occasion de l’assemblée générale de la FDSEA 62. Sur scène, Jean-François Niemezcki, Christophe Cambon et Jean-Marc Devise prennent le micro à tour de rôle pour parler football, fromage et métallurgie. Mais pas que. Derrière le ballon, il y a la force d’une équipe que raconte l’ex-sélectionneur de l’équipe de France féminine de football U23. Derrière le fromage, la force d’un collectif que raconte l’un des « producteurs de Comté » – et non de lait, dit-il – et secrétaire adjoint de la FNSEA. Derrière le métal, la force d’un syndicat que raconte celui qui préside la CCI Artois et adhère à l’UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie).

Pour répondre à la problématique lancée par la présidente de la FDSEA 62, « face aux défis économiques, la solidarité syndicale, moteur du changement ? », l’entraîneur de football – et ex-professeur de sport de ladite présidente – fait un saut dans le temps et l’espace. Été 2015, Corée du Sud. L’équipe emmenée par Jean-François Niemezcki décroche l’or aux Universiades, les championnats du monde universitaires. Le moteur du changement, selon le coach, compte plusieurs temps. « La première chose est de constituer un staff, mixte, complémentaire, tant sur les compétences que les caractères et l’état d’esprit. » S’entourer de gens de confiance, les responsabiliser, les écouter, « car il faut savoir déléguer et laisser les gens s’exprimer ». Puis, définir un cadre. Pour le footballeur, cela se concrétise par un projet de jeu et un projet de vie : trois mois en Corée du Sud pour un championnat du monde.

La seconde chose est de confectionner le groupe. « Je n’allais pas forcément chercher le talent mais l’état d’esprit. On ne peut pas avoir que des leaders, il faut aussi des ouvriers. » Puis il reste à les faire adhérer à un projet de jeu réaliste : « des objectifs étagés et progressifs : on gagne, on monte en confiance », traduit celui qui visait l’or secrètement.

Sa stratégie est simple et tient en deux mots. Valoriser et responsabiliser. Capitanat, échauffement, étirements, communication : tout le mode trouve sa place et son rôle. Puis il joue sur les affinités, « c’est important pour la confiance et la compétition ». « Quand tout le groupe tire dans le même sens, là on peut avoir des résultats, commente l’entraîneur. Les individus sont au service du collectif mais le collectif permet de faire émerger les individus. Tout ça dans un esprit de convivialité. » Avec le recul, l’homme originaire de Béthune dit y « avoir trouvé beaucoup de ponts avec ce qu'[il] était dans la vie. Pluridisciplinarité, complémentarité, polyvalence. »

Serrer les rangs

Autre terrain de jeu, la Franche-Comté, et son fromage AOP. Christophe Cambon y élève son troupeau de vaches laitières, il est l’un des maillons de la chaîne qui lie producteurs, transformateurs et affineurs. « C’est grâce à nos aînés qui ont su s’organiser, se mettre autour de la table et faire les bons choix », dit-il avec son « humble regard » sur ces « choix historiques ». La « solidarité syndicale », l’éleveur l’illustre en cas de coup dur, comme la crise du lait de 2009. « Certains ont quitté la filière mais d’autres jouent sur la durée. Quand c’est compliqué, on serre les rangs, quand ça va bien, on en profite. »

Le syndicalisme, Jean-Marc Devise, lui, le décline à l’industrie métallurgique. Pour le président de la CCI Artois, il n’y a « pas de syndicalisme fort sans services forts ». Peu d’entreprises en métallurgie ne passent pas par le syndicat, cite-t-il à propos de l’UIMM d’où sont d’ailleurs issus « beaucoup de présidents historiques du Modef ». « Branche très puissante », « état d’esprit d’influence », l’UIMM a vécu comme une « vraie victoire » le « virage pris il y a quelques années pour réindustrialiser la France. » Le gros vecteur d’influence est pour Jean-Marc Devise les programmes sur la réindustrialisation : « des milliards réinjectés dans l’économie industrielle ».

Une étincelle

Quelle huile, aujourd’hui pour graisser le moteur du changement ? « Il faut des projets forts, assure le coach sportif. Fédérer l’équipe. Il faudra une étincelle pour qu’il y ait une réaction. » Mais c’est aussi l’époque qui le veut, question d’éducation, de génération, pense-t-il. « Je ne comprends pas que dans notre pays, celui de la Révolution, on acquiesce. Je n’ai pas vu qu’on laissait filer autant de choses pour l’héritage de nos enfants », dit celui qui se dit « prêt à retourner sur les ronds-points ». L’homme déplore que l’agriculture, « fleuron de notre société », ait été « abandonnée par les politiques ». « Mais vous n’êtes pas les seuls, lâche-t-il amèrement. Vous êtes des résistants de par votre métier. Vous êtes des militants. »

« Collectif, humain, engagement : ces dernières années, l’individualisme prend de plus en plus de place, rebondit Christophe Cambon, endossant sa casquette syndicale. Nos valeurs agricoles, historiques, du serment d’Eugène Forget à la création du mutualisme de la coopération, ce sont des agriculteurs qui unissent leurs forces pour développer des outils pour l’ensemble des agriculteurs : c’est ça notre histoire ! »

« Les têtes sont blanches dans tous les syndicats, regrette le bien coiffé Jean-Marc Devise. Les gens n’ont plus de temps à perdre. » Plus de temps pour les engagements syndicaux, territoriaux. « On ne vient plus seulement pour un moment convivial, il faut leur donner du service. Pour leur redonner l’envie, il faut retrouver une motivation. »

« À nous de trouver un discours plus motivant, dynamique, enchaîne Christophe Cambon. Prendre le temps de se former à tous les échelons est capital. Mais on est avant tout des chefs d’entreprise, quand on s’engage, il faut trouver les moyens de financer le remplacement », propose le syndicaliste. Avant de conclure, inspiré – peut-être – par l’expérience coréenne de son voisin de table (ronde). « Il va falloir continuer de mouiller la chemise. » 

Lire aussi : Loi duplomb-menonville : les agriculteurs de nouveau mobilisés

Louise Tesse 

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Agriculture FDSEA Hauts-de-France

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