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Du Montreuillois à la mer du Nord, dites Aa

06-07-2023

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En amont, l’Aa est une rivière au cours libre, évoluant en méandres dans un paysage bucolique. © SMAGE

Il aurait fallu ajouter un A pour que le compte soit bon car le fleuve Aa se divise en trois parties, pour autant de paysages différents. La Haute Aa, 40 kilomètres séparant la source, à Bourthes, d’Arques : un cours d’eau plutôt bucolique, laissé libre dans son cours et non navigable ; le marais audomarois, dont on considère qu’il débute après Arques et son ancien ascenseur à bateaux, aujourd’hui remplacé par une écluse moderne, et qui transforme la rivière en cours navigable, mais aussi en centaines de kilomètres de marais ; la Basse Aa entre Watten et Gravelines enfin : 30 kilomètres à travers la plaine maritime jusqu’à la mer du Nord (voir en bas de page).

La segmentation du cours d’eau est notamment liée au contexte géomorphologique entre la partie artésienne, en reliefs et au sous-sol composé de craie, et la partie flamande, plate et argileuse. En conséquence, la gestion comme l’usage du cours se sont façonnés distinctement. Idem pour la pratique agricole, directement liée à ces paysages : polyculture élevage dans la Haute Aa, maraîchage dans le marais et grandes cultures dans la plaine maritime.

Méandres et ascenseur

Levons l’ancre depuis la Haute Aa, où la rivière prend sa source. Ou plutôt ses sources, comme l’indique Agnès Boutel. La directrice du Smage, Syndicat mixte pour l’aménagement et la gestion des eaux de l’Aa, précise : “ Il n’y a pas de source à proprement parler mais une somme de résurgences dans la nappe de craie du Haut pays du Montreuillois. ” Un sous-sol crayeux qui explique le cheminement, ondulant, du cours d’eau : l’érosion façonne un paysage en perpétuelle évolution et crée ces méandres caractéristiques.

Relativement pentue à cet endroit, la rivière a été équipée de nombreux moulins (jusqu’à une centaine au XIXsiècle) qui ont d’abord permis de produire huile et farine et, à partir du XVe siècle avec un essor au XIXe, la papeterie. Des installations hydrauliques qui ont alors modifié le cours naturel de la rivière de façon mesurée.

Aujourd’hui, le parti pris pour l’amont de l’Aa est de laisser libre cours à l’eau, un cours en évolution permanente. ” On gagne sur une rive ce qu’on perd sur l’autre “, rappelle la directrice. Des plantations permettent de limiter l’érosion en offrant un abri à la faune et en créant de l’ombre pour limiter le réchauffement de l’eau. Sur sa qualité, Agnès Boutel salue une nette amélioration depuis les années 80 “ où l’on dit que l’eau changeait de couleur en fonction de la production des papeteries “. Depuis, industries et collectivités se sont dotées de stations d’épuration et les boues papetières ne sont qu’un mauvais souvenir. ” Les fédérations de pêcheurs alertent toutefois sur une diminution des populations de poissons “, relate la directrice qui évoque une qualité des eaux moyenne. ” La diminution du nombre d’insectes a pu précipiter cette chute “, contextualise-t-elle.

Choux-fleurs et bacôves

La transition entre la première partie de l’Aa et la deuxième était jadis marquée par l’ascenseur à bateaux des Fontinettes, sur le ban d’Arques. Un ouvrage qui permettait alors de franchir la crête du canal de Neufossé.

Jetons l’ancre dans le marais audomarois (le gentilé de Saint-Omer) : la rivière est canalisée, des centaines de kilomètres de fossés sont creusées par l’homme pour créer ce qui demeure le plus grand marais maraîcher de France. Une superficie totale de 3 726 hectares de terres et d’eau, dont un peu moins de 500 sont dédiés à la culture légumière sur la partie est du marais, la partie ouest étant elle dédiée à l’habitat. Des logements seulement accessibles en barques à fond plat qu’utilise, entre autres, l’unique facteur en barque de France. Des embarcations appelées bacôves toujours fabriquées à Saint-Omer, dans l’atelier des Faiseurs de bateaux. Le chantier naval, créé il y a une dizaine d’années par Rémy Colin, emploie quatre charpentiers : c’est la dernière fabrique de ces bateaux traditionnels. La construction est concentrée pendant la période hivernale, les beaux jours sont dédiés au tourisme avec la location de diverses embarcations mais aussi l’organisation de croisières thématiques (photo, patrimoine, apéritif…). Quant à l’entretien des esquifs, c’est toute l’année. Hier dédié au transport des choux-fleurs et aujourd’hui à celui de touristes, le bacôve a une taille unique : 2 mètres de large sur 9,5 mètres de long. “On connaît moins l’escute, cette barque plus petite et qui incarnerait, elle, la voiture du marais“, détaille Florent Obert, chargé de mission à l’office de tourisme du Pays de Saint-Omer.

Le tourisme est ici important et le dépaysement insoupçonné. Une richesse naturelle aussi, on pense d’abord aux oiseaux, notamment dans la réserve naturelle du Romelaëre, accessible après une promenade sur des pontons en bois depuis la Grange nature de Clairmarais. Cette ancienne tourbière, qui représente le marais originel, est gérée par l’association Eden 62 et abrite de nombreuses espèces parmi lesquelles encore quelques butors et blongios, emblématiques du marais en voie de disparition. Hérons, busards, cigognes viennent compléter le tableau avien.

Deux rendez-vous : le marché sur et aux bords de l’eau organisé à la halte fluviale de Clairmarais le 14 juillet et, surtout, le cortège nautique, LA fête du marais. ” Plus de 30 000 visiteurs rallient chaque année le quartier du Haut-port, à Saint-Omer, pour le défilé de bacôves décorés “, se réjouit Florent Obert. Une atmosphère unique à découvrir le dernier dimanche de juillet.

Aviron et canote

À la sortie du marais, au niveau de Watten précisément (prononcez ” watte “), l’Aa rejoint les canaux à grand gabarit de la Deûle et de la Lys. Non navigable ensuite (à l’exception de l’unique journée ouverte à la circulation des bateaux à moteurs des plaisanciers depuis Gravelines), le fleuve commence alors sa douce promenade jusqu’à la mer. En arrivant à Gravelines, après un premier pont, puis d’un second, c’est le passage à l’écluse 63 bis, récemment modernisée.

Ici, l’eau commence à se saler. C’est l’arrivée au petit port de plaisance de la ville, le port Vauban, puis une deuxième écluse qui s’ouvre au rythme des marées, l’eau est de plus en plus salée. Sur la gauche, le chantier de construction du Jean-Bart, reproduction à l’échelle 1 d’un vaisseau de haut rang du XVIIe siècle par l’association Tourville. Taverne, forge, musée ou encore saurisserie – où le poisson est séché à l’ancienne – viennent compléter cet îlot hors du temps. Sur la droite, la ville historique et les fortifications en étoile de Vauban. Un coude et on aperçoit enfin la mer. Après avoir joué à saute-chenal, reste à profiter de la mer – Pavillon bleu – où se jette l’Aa.

Justine Demade Pellorce

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