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Rencontre. « Les temps – commerciaux – sont durs, et ça va durer »

07-05-2024

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Les rencontres

« Monsieur Consommation » de RTL et M6 intervenait à Lille pour décortiquer distribution, commerce et guerre des prix.

Olivier Dauvers © L. T.

« Nous sommes confrontés au big bang commercial », annonce d’emblée Olivier Dauvers. Le spécialiste de la consommation montait sur scène pour parler de son sujet de prédilection à l’occasion de l’assemblée générale de la marque Saveurs en’Or, le 18 avril dernier. En guise d’illustration, les courbes du groupe Casino, qui ont connu la spectaculaire chute de 99,9 % entre mars 2014 et mars 2024. En une nuit, celle du 27 au 28 mars dernier, l’ancien patron s’est vu ruiné, résume le chroniqueur aux 180 000 abonnés. « Les temps – commerciaux – sont durs, et ça va durer », pose-t-il.

Le gâteau ne grossit plus

Première explication : le ralentissement de la consommation. Avant 2008, elle évoluait de 2,8 % chaque année. Depuis, elle dépasse à peine le niveau zéro, avec un taux de 0,4 % calculé par l’Insee. « Le gâteau que se partagent les distributeurs se réduit », argue Olivier Dauvers. Parallèlement, l’évolution de la population française a connu pour la première fois en 2023 un solde négatif, soit « moins de bouches à nourrir » : « le gâteau ne grossit plus. »

Deuxième explication : le développement de l’e-commerce. Lui a plus que doublé entre 2015 et 2023, bondissant de 65 milliards (Mds) d’euros à 150. Le chiffre d’affaires non alimentaire a chuté de 8,1 Mds d’€ entre 2010 à 2023, ce qui a eu pour effet de « réalimentariser les magasins. » Un bon point, note l’expert devant l’assemblée de producteurs, artisans et transformateurs labellisés Saveurs en’Or. Reste à vendre la calorie le plus cher possible, incite-t-il. « L’intérêt du distributeur et celui du producteur sont parfaitement alignés », démontre-t-il en affichant deux pots de confiture. L’un de 310 grammes de fruits rouges Saveurs en’Or à 3,25 € et 360 grammes de fraise d’une marque distributeur à 1,35 € : ici, tous ont plutôt intérêt à ce que se vende le premier… « Côté enseignes, le terreau est fertile pour le premium », dit l’un des administrateurs de C’est qui le patron, la marque « qui réussit à faire payer au consommateur un litre de lait 30 % supplémentaires avec des valeurs sociales. »

Troisième explication : l’accroissement de l’offre commerciale. Des magasins ouvrent, des amplitudes horaires s’élargissent. Cumulé au ralentissement de la consommation et au développement de l’e-commerce, l’accroissement de l’offre commerciale finit par abaisser les rendements commerciaux. Trop de capacités commerciales conduit à la fragilisation des modèles économiques et au « big bang commercial » prédit par Olivier Dauvers.

La guerre des prix

Et c’est ici qu’arrive la guerre des prix. Pourquoi cette obsession ? Parce que pour le consommateur, le moins cher est forcément le meilleur, argumente l’ingénieur qui parle du « triomphe du discount », sans condamner pour autant le premium.

Il faut continuer à créer de la désirabilité sur la marque

À l’origine, une frustration croissante du consommateur, qui voit son « vouloir d’achat » augmenter tandis que son pouvoir d’achat, lui, stagne. « C’est un problème de ressenti et non de pouvoir d’achat », rectifie Olivier Dauvers. 100 % des Français affirment que leur pouvoir d’achat baisse. Or, ils diagnostiquent leur vouloir d’achat. Et quand l’un s’éloigne de l’autre, cela crée la frustration. « Tout est concurrent de tout », affirme l’orateur, sortant de sa poche un billet de dix euros. « Si je veux faire plaisir à ma chérie, annonce-t-il en recommandant chaudement de l’imiter, je peux acheter des fleurs, un produit de beauté, ou une bouteille de vin. » Résultat : fleuriste, rayon beauté ou caviste deviennent concurrents. Le client est obsédé par la valeur de ce qu’il dépense, d’où un besoin de réassurance qu’il va chercher par la spécialisation du lieu. Entre une pomme à 1 €/kg chez Carrefour ou 1,20 €/kg chez Grand Frais, le client ne choisit pas nécessairement la moins chère. « Les généralistes veulent devenir des multispécialistes », déduit Olivier Dauvers.

C’est qui le patron ?

Toutefois, ces « réassurances produits » peuvent être avérées – comme c’est le cas pour un produit label rouge ou certifié bio – ou supposées – comme lorsqu’on parle d’origine. Le porc n’est pas meilleur sous prétexte qu’il est breton, cite l’expert.

Par ailleurs, les réassurances produits n’ont d’intérêt que s’il y a un consentement à payer et ce dernier a été bousculé par l’inflation qui à son tour produit un sentiment d’appauvrissement. Moralité : il faut continuer à créer de la désirabilité sur la marque.

« La cause n’est pas perdue pour le premium », rassure Olivier Dauvers. Il n’y a qu’à repenser au lait C’est qui le patron 30 % plus cher… 

Louise Tesse

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