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Actrice de demain. De lait non conforme à caséine industrielle

07-05-2024

Grand format

Bien dans ses bottes

Avec sa start-up Lucky milk, Laëtitia Tardif souhaite que le lait non conforme jeté chaque année puisse devenir de la caséine à usage industriel. Au départ dans le Cantal, Lucky milk s’implante dans le Nord.

En 2016, selon une étude de l’Ademe, 130 millions de litres de lait ont été perdus au niveau de la production et 740 millions au niveau de la transformation. Des millions de litres de lait en grande partie jetés et dont, pour le moment, personne ne fait rien. Enfin, cela, c’était avant que Laëtitia Tardif ne s’y intéresse.

À 33 ans, cette Cantalienne a décidé d’être incubée à Euratechnologies à Lille pour mener à bien son projet : faire de ce lait perdu de la caséine industrielle.

L’entrepreneuriat dans la peau

Originaire de Riom-Ès-Montagnes, Laëtitia Tardif réalise la quasi-totalité de ses études à Clermont-Ferrand. « Dès le début de l’adolescence, j’étais attirée par l’entrepreneuriat et l’idée d’avoir ma propre entreprise a toujours été dans un coin de ma tête. J’étais très influencée par les séries américaines où l’on voyait des femmes d’affaires ! C’est pourquoi j’ai choisi de faire des études de gestion des entreprises avec, par la suite, une spécialisation en supply chain et production », raconte la trentenaire.

Elle réalise sa dernière année de master à Rennes puis part un an en V.I.E (volontariat international) à Bruxelles dans une entreprise pharmaceutique. « Pendant mes stages j’avais surtout travaillé en grande distribution, c’était l’occasion de découvrir autre chose. »

Et le courant est passé puisqu’elle décide de poursuivre dans cette voie en devenant consultante en équipement de lignes de production pour une société de consulting spécialisée dans le secteur pharmaceutique, pendant quatre ans, puis en indépendante (encore aujourd’hui).

Si l’idée d’avoir sa propre entreprise ne la quitte pas, le moment n’est pas encore venu. Pourtant, « l’idée de travailler sur le secteur laitier est là depuis longtemps. En fait, déjà pendant mon V.I.E, alors que de grandes manifestations d’éleveurs laitiers se déroulent, je me suis renseignée et me suis rendu compte qu’il y avait un vrai problème de rentabilité économique ».

De la COOP à la caséine

Puis arrive la révolution start-up et la naissance de beaucoup d’incubateurs de projets. « C’est un ancien collègue qui me relance sur le sujet. En fouillant je tombe sur l’incubateur Landestini, créé par Henri Landes (lire notre édition du 22 septembre 2023) et Fanny Augostini, spécialisé dans les projets agricoles, dans le Cantal. »

Elle se lance donc avec l’ambition de créer une coopérative où le consommateur serait au cœur du dispositif. « Mais au fil de l’accompagnement, je me rends compte que ce modèle n’est pas si simple à mettre en place. Puis je tombe sur l’étude de l’Ademe. Et je me dis qu’il y a forcément quelque chose à faire avec ce lait puisqu’à l’époque, on n’en faisait rien ! »

Son but est simple : « Permettre aux éleveurs de valoriser ce lait afin d’avoir une rémunération complémentaire. La question à ce moment-là c’est : que faire de ce lait ? » Et c’est en tombant sur un article de presse que l’idée lui vient : « Une femme fabriquait sa caséine maison en laissant périmer du lait, pour l’ajouter à sa peinture. En effet la caséine a des propriétés intéressantes pour lier les choses. »

Aujourd’hui, « on part du lait sain pour faire de la caséine industrielle. Mon idée est de faire un circuit parallèle avec le lait impropre ». Lucky milk est né.

Euratechnologies et tests

Aussi faut-il tester son idée. « Seul le lycée agricole de Surgères, en Charente-Maritime, a accepté de m’accueillir pour faire les tests à petite échelle. Si cela fonctionne et que la caséine obtenue est conforme au cahier des charges des industriels, alors on en produira à plus grande échelle pour fournir les quelques industriels qui me suivent déjà (dont Lactips par exemple) pour qu’ils puissent à leur tour tester le produit sur leurs lignes de production », explique Laëtitia Tardif.

Concrètement, « on prend généralement du lait écrémé qu’on acidifie ou auquel on ajoute une bactérie qui permet d’isoler la caséine puis on sèche. Le but de ces tests est de mélanger les laits impropres pour voir si cela fonctionne car l’objectif est vraiment de pouvoir créer une ligne de production parallèle dans les usines de caséine ».

Étant donné l’ampleur que le projet a pris, Laëtitia Tardif a été démarchée par l’incubateur Agtech.

Étant donné l’ampleur que le projet a pris, sortant des frontières du Cantal, Laëtitia Tardif a été démarchée par l’incubateur Agtech, antenne d’Euratechnolgoies. « Nous sommes actuellement en train de préparer le dossier pour être, nous l’espérons, incubé en octobre 2024. »

En attendant, la jeune entrepreneuse en appelle aux agriculteurs et aux industriels : « Plus on aura de lait à tester, mieux on pourra produire une caséine de qualité et trouver un modèle pour rémunérer les producteurs. »

Eglantine Puel

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