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Débat : L’eau fait couler beaucoup d’encre

04-05-2023

Actualité

C’est tout frais

Par médias interposés, les présidents de la FRSEA et de l’Agence de l’eau Artois-Picardie ont débattu autour de la ressource en eau et l’agriculture. Terres et territoires a approfondi le sujet avec les deux protagonistes.

Les dispositifs de micro-irrigation, une solution pour économiser l’eau.
Les dispositifs de micro-irrigation, une solution pour économiser l’eau. © D. R

À l’occasion de la sortie du Plan Eau, dévoilé le 30 mars par Emmanuel Macron, Le Moniteur, revue spécialisée de la construction et des collectivités locales, a réalisé une série d’interviews sur la ressource en eau.

Parmi les personnes interrogées, figurait André Flajolet, président du comité de bassin Artois-Picardie de l’Agence de l’eau.

Estimant que la FNSEA y était identifiée “comme bloquante dans les démarches visant à limiter la pollution de l’eau“, Simon Ammeux, président de la FRSEA Hauts-de-France, a pris sa plume pour lui répondre dans une lettre ouverte.

Échanges croisés alimentés par quelques coups de fil.

“Pas assez d’eau pour tous”

Nous sommes devant un problème très simple, pose André Flajolet. Il n’y a pas assez d’eau pour tous. La conclusion est donc simple. Par ordre alphabétique, agriculteurs, collectivités, industriels et particuliers doivent accepter leur part de restriction.”

Sur ce point, Simon Ammeux approuve. “L’eau est un bien commun dont la préservation en qualité et en quantité relève de la responsabilité collective.” Mais il nuance. “Les mesures d’actions pour les autres [que les agriculteurs] ne sont pas aussi drastiques.”

Et de citer les assainissements individuels ou encore les dysfonctionnements émanant des industries qui “sont sans doute bonnes élèves sur le papier mais pas dans la réalité.”

Le président de l’Agence de l’eau écarte pour l’heure les particuliers, moins consommateurs sur le bassin qu’ailleurs en France – 83 m3 contre 110 par an pour un foyer de cinq personnes – à la faveur des trois “acteurs majeurs du changement“.

Cela suppose, pour les collectivités, de “faire des efforts majeurs”, entendons “réduire les fuites, éviter que les eaux pluviales n’aillent dans les stations d’épuration, protéger les captages – 40 % ont disparu en 30 ans -, favoriser la pénétration de l’eau dans les nappes et les recharger avec la désimperméabilisation des sols et la désartificialisation.”

Également citée, l’industrie doit “avoir des cercles vertueux” en “utilisant les eaux de process, si possible celles d’exhaure (eaux des carrières)” tout en surveillant ses rejets dans la nature.

Pour l’agroalimentaire en particulier, André Flajolet recommande de “soutenir les process intelligents pour les agriculteurs et de leur mettre à disposition des semences ayant moins besoin d’eau.”

Concernant l’agriculture à présent, les avis divergent. André Flajolet regrette que “la majorité du monde agricole ne semble pas avoir pris conscience de l’urgence à changer ses pratiques“, tandis que Simon Ammeux estime au contraire que “c’est une préoccupation forte pour tous les agriculteurs.” Il rappelle que “l’usage de l’eau, c’est la production de l’alimentation de tous, besoin primaire de l’ensemble de nos concitoyens. Prôner la décroissance, c’est substituer l’alimentation de qualité produite sur le territoire par l’importation de produits aux normes de production non maîtrisées.”

André Flajolet nuance et cite quelques bonnes pratiques : privilégier le goutte-à-goutte aux canons, se fier aux drones pour vérifier si les cultures manquent d’eau ou non.

Il faut revenir à un comportement plus raisonnable, plus vertueux des cycles de la nature et à la diminution de l’empreinte carbone des marchandises. L’eau et la terre sont des patrimoines naturels de la nation, en danger aujourd’hui.

22 % en bon état

Sur les chiffres, l’analyse des deux hommes diverge. “En indiquant que 22 % seulement des masses d’eau sont en bon état dans le bassin, écrit le président de la FRSEA à celui de l’Agence de l’eau, vous oubliez de signaler que les critères de mesures sont de plus en plus exigeants, les molécules recherchées de plus en plus nombreuses. Bon nombre de molécules recherchées aujourd’hui ne l’étaient pas hier et les progrès qu’a pu faire l’agriculture depuis les années 90 ne sont donc jamais soulignés.”

C’est que, pour André Flajolet, la connaissance, celle-là même qui permettra d’apporter une réponse au dérèglement climatique, n’a de cesse que de s’améliorer et a aujourd’hui posé de nouvelles “barrières d’utilisation de certaines molécules, au détriment de la production mais en faveur de l’environnement.

Dans tous les cas, “il faudrait être à 50 % [de masses d’eau en bon état] dans trois ans : c’est ce qui a été signé avec l’Europe“, lâche-t-il.

En revanche, ils s’entendent sur un point : les changements de pratiques sont indissociables d’un accompagnement. “La FNSEA cherche plutôt dans les politiques un accompagnement à la réalisation des transitions nécessaires pour répondre aux différents enjeux, un partenaire pour avancer dans le même sens”, revendique Simon Ammeux.

Dans le Plan Eau proposé par le gouvernement, André Flajolet indique avoir insisté auprès du ministre en charge de la transition écologique, Christophe Bechu, sur “l’importance d’un accompagnement plus significatif des pratiques agricoles. Il faut passer la vitesse supérieure. Dans certains territoires du Nord, nous sommes à 45 % de disponibilité d’eau par rapport à l’année N-2. Il faudra bien que la priorité soit donnée pour que l’eau soit potable au robinet.

Enfin, Simon Ammeux regrette l’évocation, dans l’interview d’André Flajolet, de “l’agriculture intensive et industrielle”, car selon lui, “avec, en moyenne, une SAU de 80 ha par exploitation et un cheptel de 67 vaches par étable laitière, la ferme “industrielle des Hauts-de-France” paraît bien pâle au regard de ce que l’on peut connaître dans d’autres régions du monde“.

Nous ne sommes pas là pour embêter l’agriculture mais pour être un contributeur en faveur d’un environnement plus sain“, rassure André Flajolet.

Une chose est sûre, les deux hommes souhaitent poursuivre l’échange, entre quatre yeux la prochaine fois.

Louise Tesse

Lire aussi : Débat sur l’eau et l’agriculture : quelle envie ?

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