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En plein désert urbain, à Fruges (62), un désert médical se profile. Pourtant, ce n’est pas la crise du logement. Une maison de santé pluridisciplinaire y a vu le jour il y a une dizaine d’années. Mais depuis deux ans, trois médecins sont partis à la retraite sans être remplacés.
« C’est inquiétant, car même si la population du canton est stable, elle vieillit, constate Jean-Marie Lubret, maire de la commune. La génération des Papy boomer risque d’être de plus en plus demandeuse de ce type de services. » Le maire de Fruges, assiste impuissant à cet abandon des zones rurales.
« La seule chose que je peux faire, c’est améliorer les conditions de vie à Fruges pour attirer les médecins », reconnaît-il. Car pour le reste, ce n’est pas lui qui gère. La maison de santé, c’est la communauté de communes. Les incitations financières, aides, c’est soit la Région, soit la communauté de communes.
À Fruges, il manque avant tout des médecins généralistes. On en compte quatre pour tout le canton. Pour Jean-Marie Lubret, cette situation est le résultat d’une mauvaise politique menée par le ministère de la Santé.
« Tout d’abord, ils ont réduit le numérus clausus, pensant combler le trou de la sécurité sociale, véritable fiasco, raconte le maire. Ensuite, le gouvernement a supprimé les stages en médecine générale, réduisant les chances de déclencher des vocations pour ce type de médecine. Heureusement ces mesures sont révolues. »
La faute de l’État ? Pas que. La société a évolué : les médecins veulent travailler en groupe, avoir des horaires raisonnables et puis, il faut que le conjoint trouve du travail. Loin des grandes métropoles, c’est ce qui pêche à Fruges malgré les deux centres scolaires et deux entreprises qui emploient régulièrement de la main d’Å“uvre.
« Est-ce qu’il manque des médecins ? Je pense surtout que leur répartition sur le territoire est inégale », estime Jean-Marie Lubret. Un frugeois doit attendre en moyenne six mois pour consulter un ophtalmologue et parcourir une vingtaine de kilomètres alors que, sur la Côte d’Azur, en une semaine le patient obtient un rendez-vous. « Mais nous sommes dans le creux de la vague », espère le maire.
« À Fruges comme dans les banlieues défavorisées, nous sommes bien souvent oubliés de l’État” .
Jean-Marie Lubret
De nombreuses démarches sont effectuées afin de faire revenir les médecins dans les zones rurales. Les médecins frugeois sont agréés pour être maîtres de stage, une manière de susciter des déclics. « D’ailleurs nous avons un médecin qui part à la retraite prochainement qui a trouvé son successeur de cette manière », s’enthousiasme-t-il.
La communauté de communes du Haut-Pays du Montreuillois et celle des sept vallées distribuent des aides financières à qui veut bien s’installer en zones rurales. Elles versent aussi une bourse aux étudiants en médecine moyennant leur installation dans le secteur.
Le Département du Pas-de-Calais suit un essai réalisé en Saône-et-Loire. Là bas, le Département emploie des médecins qui deviennent salariés… Est-ce qu’une incitation financière est efficace? « À voir, c’est un essai qui a le mérite d’exister », selon le maire de Fruges. Il le rappelle, « à Fruges comme dans les banlieues défavorisées, nous sommes bien souvent oubliés de l’État » .
« Pourtant, il fait bon vivre ici, constate le maire. C’est une ville tranquille, il n’y a pas de délinquance. Nous sommes à une heure de la côte, à une heure des moyennes agglomérations, nous sommes proches de l’audomarois où il y a un grand bassin d’emploi…»
Lors de son mandat, le maire a aménagé la ville en essayant de la rendre plus attractive, et il compte bien continuer s’il est réélu maire au prochain scrutin. L’enjeu est de taille car s’il n’y a plus de médecins, ce sont les pharmacies et le para-médical qui risque de voir leurs activités diminuer.
Lucie Debuire