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Série de l’été : La Lys et sa vallée alluviale (3/9)

18-07-2024

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Hors-champ

Cet été, Terres et Territoires vous emmène à la découverte des milieux naturels du Nord-Pas de Calais avec le Conservatoire botanique national de Bailleul. Cette semaine, direction Erquinghem-Lys pour découvrir une (petite portion) de la vallée alluviale de la Lys.

Le guide de notre série d’été, Vianney Fouquet. © K. S.

Rendez-vous est donné devant l’église d’Erquinghem-Lys, dans le Nord, près d’Armentières. Nous embarquons dans la voiture de Vianney Fouquet, guide nature au Conservatoire botanique national de Bailleul et chargé de mission éducation, formation et écocitoyenneté. Quelques minutes plus tard, nous voilà à la sortie de la ville, le long du canal. Un coin où se croisent marcheurs, cyclistes et pêcheurs au bord de la Lys, la vraie… et la fausse ! Nous y reviendrons.

Avant cela, nous marchons le long du canal. Dans son fauteuil, un premier pêcheur nous écoute alors que les poissons ne daignent mordre à l’hameçon de ses cannes à pêche. Le guide nature commence par nous rappeler ce qu’est une vallée alluviale : « La vallée alluviale, ce n’est pas vraiment un milieu naturel à proprement parler, mais une imbrication de plusieurs milieux naturels qui partagent tous une même passion pour l’eau. Une rivière, des bras morts, des prairies humides, des petites mares, des noues (fossés ou becs, ndlr). C’est le principe de la poupée russe ! »

Un cours d’eau inonde ponctuellement les espaces naturels aux alentours, notamment les praires humides : c’est le fonctionnement de la vallée alluviale. La rivière quitte son lit mineur pour retrouver, ponctuellement, son lit majeur… « Parler de vallée ici, c’est toujours un peu cocasse parce que le relief, on ne le voit pas finalement, sourit le guide nature. Mais ce sont des microreliefs et on est sur une vallée malgré tout ! » Il y a 15 000 ans, la Lys avait ainsi une largeur de plusieurs kilomètres et pouvait s’étaler des Monts des Flandres jusqu’au talus des Weppes ! De nos jours, elle prend sa source à Lisbourg, commune située près de Fruges dans le Pas-de-Calais, pour se jeter dans l’Escaut (lire aussi notre article du 14 juillet 2023) à Gand, en Belgique.

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Nous continuons notre chemin en longeant un bras mort de la Lys, qui correspond à l’ancien tracé naturel de la rivière. Nous avons alors la prairie à notre gauche, où un agriculteur est en train de manœuvrer son tracteur et de faucher l’herbe, et l’eau à notre droite. Nous passons à côté d’un nouveau pêcheur, Roger, installé confortablement à l’ombre d’un parasol. « Cette ambiance-là, ce paysage-là, ça sent la vallée alluviale », glisse le guide nature.

Au bord de l’eau, en séparation de la prairie, saules blancs et aulnes glutineux forment la ripisylve : c’est comme cela que l’on nomme l’ensemble des formations boisées, buissonnantes et herbacées présentes sur les rives d’un cours d’eau, d’une rivière ou d’un fleuve. « L’aulne glutineux est une espèce végétale emblématique des cours d’eau et de la vallée alluviale, explique Vianney Fouquet. C’est le meilleur ami de la rivière. Où que la rivière aille, l’aulne la suit, il est inféodé aux zones humides ! » Il a donné ou inspiré le nom de nombreux lieux-dits, villages ou villes comme Aulnoye-Aymeries dans le Nord et l’Avesnois ou encore celui de la région Auvergne qui tient son nom du peuple des Arvernes, dont le nom est généralement interprété comme « ceux qui vivent devant des terres plantées d’aulnes »…

Dans cette ripisylve, de nombreux passereaux, ou « petits oiseaux » pour simplifier grossièrement. Une vallée alluviale est, aussi, pour les oiseaux migrateurs « un fil d’Ariane, un fil rouge » : ils suivent le cours d’eau et tous ses milieux annexes pour migrer d’un point à un autre. On trouve de multiples espèces aviaires dans la vallée alluviale comme le busard des roseaux ou encore le râle des genêts. Ce dernier est d’ailleurs une espèce rarissime souligne le guide nature : il y aurait entre 200 et 300 couples seulement en France et « sa population a chuté de 90 % ces 30 dernières années ». Celui qu’on surnomme le roi des cailles a « déjà été entendu dans le secteur il y a quelques années, mais le gros de la population, c’est dans l’Oise », note Vianney Fouquet.

Le guide nature pointe alors le doigt et nous montre, à une centaine de mètres, une plateforme à cigogne, espèce qui fait son grand retour dans la région. Oiseau typique des vallées alluviales, « elle adore s’alimenter dans les prairies humides, d’amphibiens comme les crapauds ou grenouilles, tritons, mais aussi de campagnols, par exemple ».

Le brochet, « incarnation de la vallée alluviale »

Alors que nous continuons notre chemin, Vianney Fouquet note l’importance des prairies dans ces écosystèmes, comme il l’avait souligné lors de notre petit bout de chemin ensemble à travers le bocage des Flandres. « Ce qui est sympa avec la vallée alluviale, c’est aussi que c’est un milieu valorisé par l’homme. Quand l’agriculture est saine et bien faite, c’est top », dit le guide nature. Mais « le modèle agricole actuel valorise une bonne herbe bien épaisse, au détriment de la diversité d’espèces végétales qu’on peut trouver dans une prairie », juge-t-il.

Nous nous faufilons dans les hautes herbes et découvrons finalement une frayère à brochets. Le brochet est le poisson emblématique des vallées alluviales, un « poisson super prédateur » possédant 700 dents ! « Le brochet passe sa vie dans le bras mort ou le cours d’eau et pour se reproduire, il a besoin que la Lys sorte de son lit et aille inonder les prairies aux alentours. Il va déposer ses œufs sur des prairies qui sont sous l’eau et les alevins vont s’accrocher à une petite plante qui est immergée. Il a besoin que le cours d’eau déborde ou soit connecté, en tout cas, avec d’autres zones humides. »

Le guide nature considère le brochet comme « le portrait chinois de la vallée alluviale. C’est son incarnation. C’est une espèce qualifiée d’espèce parapluie. C’est-à-dire que protéger le brochet, c’est protéger tout un écosystème. »

Lire aussi : Série de l’été : Le bocage, c’est aussi dans les Flandres (2/9)

« Aujourd’hui, on a bridé la Lys, par des écluses, par des berges canalisées, explique Vianney Fouquet. On l’empêche de déborder, d’être créative, et d’un point de vue écologique, c’est un souci. » Le brochet, notamment, se retrouve bloqué. Alors, depuis quelques décennies, l’Homme tente de réparer ce qu’il a abîmé. La frayère en question a été aménagée en 2013, financée principalement par l’Union Européenne (avec le fonds européen de développement régional à hauteur de 136 595 euros) et l’Agence de l’eau Artois-Picardie (34 149 euros).

« On recrée des aménagements pour mimer en quelque sorte le fonctionnement naturel de la Lys explique Vianney Fouquet. On a pris conscience que les animaux et les plantes ont besoin de se déplacer pour leur cycle de vie. Comme nous en tant qu’humain. Si on mure notre porte d’entrée, on ne peut pas aller à la pharmacie pour se soigner, au marché pour s’alimenter, au bistrot pour se socialiser… »

Au bord de la frayère, nous retrouvons des espèces typiques de ce type d’espace naturel : menthe aquatique, reine-des-prés ou encore la « star du site », le butome en ombelle. Nous découvrons également des massettes à larges feuilles, cousin éloigné du roseau commun.

Frayère en danger ?

Mais une chose marque surtout le guide nature alors que nous arrivons sur le site : la forte présence de l’hydrocotyle fausse renoncule. Cette plante invasive, venue d’Amérique, pose de réels soucis pour la faune et la flore des lieux où elle prolifère, poussée par l’augmentation des températures. La Sambre, notamment, est victime de son expansion. Mais sur la frayère à brochets d’Erquinghem-Lys, les dégâts sont aussi très importants estime Vianney Fouquet. Alors que nous la contournons, les propriétaires de la hutte de chasse située juste à côté, constatent également les dégâts. Sur leur étang, ils font chaque année de l’arrachage pour ne pas arriver à la même situation. « C’est un souci pour le fonctionnement du milieu parce qu’elle étouffe tout », souffle le guide nature, réellement inquiet pour l’efficacité de la frayère et son avenir si rien n’est fait*. Une nouvelle illustration de la responsabilité de l’Homme sur son environnement qui, sans cesse, évolue. « Avec le changement climatique, on ne sait pas à quelle sauce on va être mangé », conclut Vianney Fouquet.

Lise Cappelaere Et Kévin Saroul

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