Le parcours de Jérôme Sergent est loin d’être un long fleuve tranquille. Pendant des années, il multiplie les expériences professionnelles, « des métiers alimentaires comme on dit… J’ai un CV qui fait plusieurs pages », sourit-il. C’est sa rencontre avec sa compagne actuelle, Audrey, qui lui fera prendre un virage. « Elle m’a ouvert l’esprit sur des notions écologiques, sur l’importance de prendre soin des relations humaines », poursuit-il.
Il décide alors de se tourner vers une profession qui fait sens pour lui, celle de paysan. « Je suis parti me former dans toute la France. » Durant de longues années, il affine son projet. En 2019, le couple fait l’acquisition d’une ferme à Rumilly, dans le Haut Pays du Montreuillois. Jérôme Sergent y installe son exploitation, sa compagne, boulangère, son fournil avec l’ambition d’y faire un écolieu.
Jérôme Sergent souhaitait se lancer dans le maraîchage, mais finit par laisser tomber cette idée car « trop compliqué d’en vivre dans un milieu si rural ». Il décide de se porter sur la production de préparations naturelles peu préoccupantes, « cela permet de soigner les plantes par les plantes, c’est une alternative aux produits phytosanitaires destinée aux agriculteurs mais aussi aux jardiniers amateurs », explique le paysan. Il cultive de la reine-des-prés, de la consoude, fait de la cueillette sauvage d’ortie ou encore de prêle « sans nuire à la ressource », précise-t-il. En parallèle, il s’investit dans des structures comme Initiative paysanne (administrateur pendant huit ans), ou l’Atelier paysan (membre du conseil de surveillance).
Point positif, du moins lorsque Jérôme Sergent et sa compagne, s’installent sur le terrain : l’eau. « J’ai travaillé dans la Drôme. Là-bas, ils sont confrontés aux problèmes de sécheresse, je me disais que nous allions, nous aussi, ici dans le Pas-de-Calais, finir par être confronté à ces difficultés. D’autant qu’à Rumilly, sur 250 habitants, je suis le 11e exploitant agricole, il fallait qu’il y ait de l’eau. »
Mais depuis leur emménagement à Rumilly, le couple est confronté à des problèmes de ruissellements et surtout d’inondations, à huit reprises rien que sur l’hiver 2023-2024, en quelques mois. Jérôme Sergent perd alors toute sa production : « Nous avions organisé un chantier participatif fin 2023, en deux temps trois mouvements, tout a été balayé, il n’y avait plus rien. Impossible de développer sereinement mon activité tant que la question de l’eau n’est pas réglée », se désole le paysan.
Il s’intéresse alors de près au sujet de la dérégulation des cycles de l’eau qui engendre inondations mais aussi sécheresses « car tout est lié ». Pour lui, la solution serait d’appliquer les principes de l’hydrologie régénérative : « Selon ce concept que j’ai beaucoup étudié, l’aménagement du territoire passe par le triptyque eau, sol, arbres avec des choses simples à mettre en place, peu coûteuses et réversibles à l’exemple des fossés à redents (qui permettent de recréer des flaques et de ralentir les ruissellements, ndlr). Il faut également travailler le sol de manière agronomique pour augmenter sa fertilisation ou encore structurer et développer la filière bois-bocage qui existe déjà à certains endroits. Mais pour cela, il faudrait le soutien aussi des collectivités. »
C’est donc son nouveau combat. « Je passe mon temps à aller à la rencontre des élus qui sont censés répondre à l’intérêt général et devraient prendre le temps de comprendre cela. Il faut se mettre autour d’une table avec tous les acteurs, dialoguer pour se mettre en mouvement. Sortir la tête de nos écrans, recréer du lien. On ne peut pas être d’accord sur tout, mais l’important c’est d’échanger. »
Pour faire bouger les choses, Jérôme Sergent a même déposé un recours contre la France avec dix autres citoyens et trois ONG (lire notre édition du 18 avril). Ils estiment insuffisant le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC-3), dévoilé en mars. « Sur les inondations, cela tient en six lignes. Il n’y a pas de vision à court, moyen et long termes, rien n’a été budgétisé… C’est assez maigre d’autant que c’est un document cadre sur lequel les collectivités doivent s’appuyer pour mettre en place des actions. » Sans réponse d’ici le 7 juin, le Conseil d’État pourrait être saisi. Jérôme Sergent espère que des actions concrètes seront mises en place afin de pouvoir, à nouveau, se réinvestir dans sa production…
Hélène Graffeuille
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