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Depuis 25 ans, ProCcross tente de convaincre des éleveurs sur le marché français. Mais ces derniers ont souvent la crainte de passer le cap : perte de production, soucis de santé, peur du changement… Les raisons sont nombreuses. Il faut dire que les enjeux sont importants pour les éleveurs laitiers et que passer son troupeau en croisement trois voies n’est pas anodin car revenir en arrière est compliqué.
Mais bon an mal an, environ 800 élevages se sont aujourd’hui convertis en France, dont une cinquantaine dans le Nord-Pas de Calais. Parmi eux, le Gaec de la Pouillerie, à Houplin-Ancoisne (Nord).
Depuis 10 ans, quatre associés travaillent sur l’exploitation : Célestin Rose, son père, son frère et son oncle, Damien. C’est l’ancien éleveur de l’exploitation, Jean-Marie, accompagné déjà à l’époque de Damien Rose, qui a fait le pari ProCross, il y a plus de 20 ans. « Il y avait de plus en plus de problèmes de pattes avec les holsteins et de consanguinité. Alors à ce moment-là il s’est dit qu’il allait tout mettre en montbéliarde pour repartir sur de bonnes bases. Hélas, un des deux taureaux sélectionnés pour inséminer les génisses faisait venir des veaux trop gros et les vêlages étaient très compliqués. Il est tombé sur un article qui parlait du croisement trois voies et vu que la moitié du chemin avait déjà été faite, il s’est lancé », explique Damien Rose.
À l’époque, « on nous a dit qu’on était cinglé », se souvient-il. Mais aujourd’hui, « on nous parle, on nous pose des questions… On nous prend un peu pour des fous mais on nous écoute. Après on ne s’en vante pas, c’est si on nous demande qu’on répond », décrit Célestin Rose.
Vingt ans après, Célestin Rose est reconnaissant : « Je remercie Jean-Marie d’avoir fait ce choix car aujourd’hui, c’est un troupeau qui tourne bien. On a très peu de soucis avec nos vaches. »
Un exemple parlant selon lui : « J’ai vu pour la première fois le visage de mon vétérinaire il y a quelques semaines alors que ça fait deux ans qu’il travaille avec nous ! » Signe que ses vaches ont très peu de soucis de santé.
Concrètement, les deux hommes notent des trayons bien droits et de très rares problèmes de pattes. « Elles ne sortent pas et pourtant ça va. Cela dit, on fait venir un pareur plus de deux fois par an. » Mais c’est surtout au niveau des vêlages que pour eux, cela change la donne. « C’est bien simple, elles vêlent seules. Depuis 10 ans que je suis ici, je n’ai pas vu de césarienne et quasiment pas de retournement de caillette. Alors que chez les holsteins, ces deux choses là sont plus fréquentes. Parfois, on se demande même comment elles ont fait car certains veaux sont costauds », détaille Célestin Rose. Son oncle Damien confirme : « Elles savent bouger et vêlent très bien seules. Il faut parfois les aider un peu mais c’est très rare. Elles se mettent en logette et vêlent dans le couloir. La seule chose à faire est de venir ramasser le veau. Ça fait un moment que je ne me suis pas levé la nuit… »
Autres points non négligeables pour les deux éleveurs : l’efficience alimentaire et reproductive. Côté alimentation, la ration est assez classique : 10 kg de pulpes surpressées, 34 kg de maïs ensilé et 1,3 kg de correcteur soja plus les minéraux habituels. « Et dans le robot de traite il y a aussi du concentré avec environ 2,8 kg de soja et 1,8 kg de VL (céréales). » Pour ce qui est du maïs, le Gaec le produit lui-même et pour les pulpes, « on récupère nos “droits” sur les betteraves qu’on produit ».
Résultats, un passage au robot de traite en moyenne 2,7 fois par jour, 34 kg de lait par jour et par vache, avec 34 g/kg de taux protéique et 43 g/kg de taux butyreux. « Ce sont des bons taux dans la région et de manière générale », affirme Franck Chombart, responsable du marché français dans le nord pour ProCross. « L’efficience alimentaire est un des premiers critères que je mets en avant. »
Quant aux performances de reproduction, elles sont toutes aussi bonnes. Le premier vêlage est à 26 mois et l’intervalle vêlage-vêlage est de 361 jours. Le délai entre le dernier vêlage et la première insémination artificielle suivante (l’écart vêlage-IA 1) est lui de 76 jours et le pourcentage de génisses pleines après la première insémination est de 74 %.
Pour Célestin et Damien Rose, le dernier avantage est que l’« on peut prendre le meilleur à chaque fois. On n’a plus à se soucier d’éventuels problèmes de consanguinité. Donc on regarde toujours au meilleur taureau, point. En montbéliarde, comme en holstein et vikingred ». Par exemple, alors qu’ils avaient fort poussé sur les critères mamelles saines et implantation des trayons, ils vont désormais essayer de pousser un peu plus sur la résistance des pattes. « On sélectionne aussi toujours sur le critère quantité et qualité du lait ». Aussi, le duo l’affirme tout de go, « nous n’avons pas d’intérêt à ce qu’il n’y ait plus de races pures, bien au contraire ! On veut pouvoir continuer à sélectionner le meilleur ».
Mais alors, face à tous ces avantages, pourquoi n’y a-t-il pas plus d’élevage ProCross ? « Il y a plusieurs choses. Déjà, une résistance car pendant des années on a martelé aux éleveurs que le croisement était une hérésie et les éleveurs ont donc peur. Deuxième chose, le frein de l’insémination. Nous, on le fait nous-même et on a une cuve d’azote mais si tu passes par un inséminateur, tu lui fais confiance. S’il te dit de ne pas le faire, tu ne le fais pas. Les enjeux sont trop importants. Troisième chose : c’est un système qui ne conviendra pas à tout le monde car certains sont passionnés de génétique et d’élevage et cherchent la performance dans la race pure. Mais si comme nous, on veut simplement un élevage qui tourne bien, qui soit au moins aussi performant que les autres, avec le moins de problèmes possibles, le système ProCross est top », expliquent Célestin et Damien Rose et Franck Chombart. Autre facteur, l’hétérogénéité des vaches car « la génétique c’est aléatoire. Donc on en a des petites, des grandes, des grosses… Et ça, ça peut faire peur mais nous, on a la preuve que, même petites, elles produisent aussi bien que les grandes », sourit Célestin Rose.
En tout cas une chose est sûre, pour Damien et Célestin Rose, « ces vaches ont peu de défauts ». Comme le dit Célestin : « On ne sait jamais de quoi demain sera fait mais aujourd’hui, j’ai confiance en mes vaches. Ce système nous fait gagner du temps et de la tranquillité d’esprit. »
Eglantine Puel