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2019. Un été caniculaire comme ils se multiplient depuis. Dans les Hauts-de-France, 3 675 départs de feux d’espaces naturels sont observés, plus de 3 000 hectares de récoltes brûlés. Surtout, un homme décède. Un agriculteur pris par un feu de moisson sur son tracteur, dans l’Oise. Ce drame et cet été 2019 marquent un tournant dans la prise de conscience que les zones nord, jusqu’alors épargnées par les feux estivaux, sont et seront exposées désormais. C’est ainsi qu’est créé en 2020 le dispositif Orsec (Organisation de la réponse de sécurité civile) feux d’espaces naturels et feux de forêts dans la région.
Piloté par le colonel Olivier Desquiens, pompier adjoint au chef d’état-major de la zone de défense et de sécurité Nord (les contours des Hauts-de-France), il implique la collaboration étroite des différents acteurs concernés à commencer par la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf).
L’objectif est de centraliser les informations, de favoriser la prévention et d’anticiper, puis coordonner les réponses en cas de crise. Treize actions sont développées, allant de la formation à l’acquisition de matériel sans oublier l’ancrage de pratiques et de réflexes.
Les feux d’espaces naturels cultivés, autrement dit les feux de moissons, représentent plus de 80 % de ces départs de feux dans nos contrées densément habitées et pas moins cultivées. « Les deux tiers du territoire régional sont cultivés quand la moyenne nationale tourne autour de 50 %. Et sur cette surface agricole utile (SAU), 88 % sont dédiées aux grandes cultures », contextualise Éric Boursin, chef de mission de défense et de sécurité à la Draaf Hauts-de-France.
De vastes étendues cultivées, avec des végétations au plus haut et au plus sec – à fort potentiel combustible – lors des mois les plus chauds, il n’en faut pas beaucoup plus pour un départ de feu. Ne manque plus que le « coup de silex ». En clair, la rencontre entre la lame d’une machine agricole avec une pierre dans la terre et c’est l’étincelle. « Dans ce cas, soit le départ de feu est maîtrisé rapidement, soit il déborde », prévient Olivier Desquiens.
Pour maîtriser au plus vite ces départs de feux, une démarche coordonnée de planification pour les mois critiques, du 15 juin au 15 septembre (dates ajustées en fonction du contexte météo) est mise en place. « La clef de voûte est le bulletin météo quotidien spécialisé sur les risques d’incendies liés à la végétation », indique le colonel. En 2021, sur 53 départs de feux, 52 concernaient des cultures sur pieds ou de chaume.
Ce bulletin se base sur des indicateurs de sensibilité des végétaux (les céréales brûlent davantage que les arbres et autres végétaux vivants, ou verts) en fonction des températures, de l’humidité, des vents. Des indicateurs couplés à des cartes de recueil des assolements à l’échelle régionale (issus des déclarations PAC), ainsi qu’à un état d’avancement des moissons bihebdomadaires (transmis par les principales coopératives céréalières). Avec ces cartes, indiquant en temps réel et à la parcelle près la nature des cultures et leur stade d’avancement, les secours parviennent à une réponse plus rapide et précise.
Mais le mieux, c’est encore de prévenir. Là, les agriculteurs et les entrepreneurs ont leur rôle à jouer. En étant à l’écoute des coopératives ou des chambres consulaires qui ont les informations. En révisant le matériel avant la campagne, pour éviter l’excès de poussière ou les fuites, par exemple. Et quand la période de la moisson arrivera, il faudra prendre le réflexe de ne pas stationner une machine qui aura chauffé toute la journée au bout des champs.
Idem, il faudrait toujours avoir garé, en bord de parcelle, un tracteur équipé d’une déchaumeuse qui pourra permettre de « faire la part du feu », c’est-à-dire le circonscrire en traçant un cercle autour sans se mettre en danger, c’est la règle numéro 1. Aussi, une tonne à lisier remplie d’eau, qu’on pourra aller déverser au plus vite, car « la clef de réussite est l’attaque des feux naissants », rappelle le pompier en chef.
Et un champ qui part en fumée, c’est d’abord une perte de revenus agricoles. Cette réserve d’eau, même minime, sera d’autant plus utile en période de sécheresse comme annoncé cet été de nouveau, et de difficulté accrue pour les pompiers à trouver des zones naturelles d’approvisionnement. Ces mesures de bon sens peuvent, le cas échéant, être imposées par arrêtés préfectoraux dans les périodes de risques accrus, le tout dans l’optique de repousser à l’ultime limite la décision d’interdiction de moisson dont tout le monde mesure l’impact. « L’objectif premier reste la sécurité des personnes », rappelle Olivier Desquiens s’il le fallait.
Dans la liste des bons réflexes, celui de s’équiper d’un petit pulvérisateur (pas l’extincteur obligatoire qui vise essentiellement à protéger les machines) peut être intelligent. « Les assureurs travaillent à l’idée d’imposer des petits réservoirs d’eau de 150/200 litres sur les machines », dévoile encore Éric Boursin. En 2022, « seulement » 777 départs de feux ont été enregistrés, détruisant 1 969 hectares dont 800 pour la seule journée du 19 juillet qui a marqué le pic de chaleur pendant les moissons. Une coordination des secours, couplée à une prise de conscience des premiers concernés, à savoir les agriculteurs, semble faire son œuvre.
D’autres réflexes sont à prendre encore, comme la possibilité de se localiser immédiatement auprès des secours. Pour ça, avoir son téléphone sur soi et son GPS activé. Une appli gratuite peut aussi être installée, qui permet de se localiser en cas d’urgence : GPS-DFCI.
En périodes de risques, prendre le temps de faire un ou deux passages au milieu de la parcelle afin de créer un tunnel qui stoppera le feu et facilitera l’accès des secours en cas de besoin. « On perd souvent plus à vouloir gagner du temps », philosophie le colonel du Sdis.
À cette prise en compte progressive des feux de moissons s’ajoute celle, inévitable, des feux de forêts. Si la région est plus pauvre en zones boisées que d’autres (3 % des forêts françaises) et si on y trouve moins de résineux (plus combustibles) qu’ailleurs, c’est une réalité qui augmente à mesure que le thermomètre s’affole. Des protocoles et formations se déploient, avec l’ONF notamment. « On y est, il faut s’organiser », exhorte le colonel Desquiens au sujet du réchauffement climatique et de ses conséquences directes sur nos vies.
Justine Demade Pellorce
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