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Il y a maintenant presque 15 ans, deux vignerons charentais ont eu l’idée d’implanter des vignes de chardonnay sur un terril, celui d’Haillicourt. Une idée insolite qui a fait de ce terril une curiosité locale pour les habitants et les touristes, mais qui nécessite un entretien de tous les instants.
De loin, le terril n° 9 d’Haillicourt ressemble à tous les autres. Mais de près, quelque chose attire l’œil : seraient-ce des vignes ?
Il y a presque 15 ans, en 2010, Henri Jamet et Olivier Pucek, vignerons et actionnaires charentais, voyant l’exposition plein sud d’une des faces du terril, se disent qu’il y a de la place pour des vignes. Une idée saugrenue au premier abord mais qui fonctionne : chaque année, ce sont 1 300 bouteilles de « Charbonnay » (en réalité il s’agit bien de chardonnay), qui sont produites par les 40 ares de vignes plantés en 2011. Un tiers des bouteilles revient à la mairie d’Haillicourt et les deux autres tiers sont vendus (55 € la bouteille) via un système de précommande.
Pour entretenir ces vignes perchées, un homme : Johann Cordonnier. Tous les jours, il monte le terril pour aller tailler, traiter, surveiller les précieux raisins.
Le « Charbonnay » est bio. « Pour résumer, en ce qui concerne les traitements, il s’agit uniquement d’utiliser soit du cuivre en spray, soit du soufre en poudre. « Je dois donc monter avec le pulvérisateur manuel. Cette année, je l’ai fait plus que d’habitude car la pluie retirait tout… », raconte Johann Cordonnier.
À part cela, tout se fait à la main : « Vu la configuration, aucune machine ne peut monter. Les vignes sont à environ 80 mètres de haut, sur une pente raide. Je passe tous les jours entre les rangs pour inspecter, tailler… C’est physique », sourit le vigneron.
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Autant dire que les vendanges – qui ont lieu à la fin du mois de septembre ou au début du mois d’octobre – sont un moment important de l’année mais aussi et surtout une épreuve. « Ça prend une journée et ce sont essentiellement des bénévoles qui viennent aider. On ramasse tout à la main et on fait les allers-retours depuis le bas du terril jusqu’aux vignes. C’est sûr qu’il faut être en bonne condition physique ! »
Pour cet enfant du pays, les vignes du terril d’Haillicourt sont un bon moyen de se réapproprier ce morceau d’histoire. « Je me souviens, avant, les terrils étaient beaucoup moins sécurisés, tout le monde pouvait y aller. Puis ils ont été complètement fermés pour certains. Alors les vignes, c’est une façon de donner accès à cet héritage et de les valoriser. À un moment, on les considérait comme “les crassiers du Nord”…» Quand il annonce à son grand-père que des vignes vont être plantées sur le terril, l’ancien mineur « trouve ça débile, rigole Johann Cordonner. Il disait qu’il y avait encore du charbon à aller chercher ! Mais après avoir goûté le vin, il a accepté ».
Par ailleurs, les vignes ont permis « d’amener du tourisme et donc de faire perdurer cette histoire des mines. On a aussi eu des investisseurs étrangers, russes, anglais… Ils étaient intéressés par le projet, eux aussi ont des terrils. Mais au final ça ne s’est pas fait ! »
Seule ombre au tableau : le terril n° 9 fait partie des terrils qui « brûlent ». « C‘est un vieux terril qui résulte de l’exploitation de la fosse n° 2 bis du début du XXe siècle jusqu’en 1957. À cette époque, on triait à la main, donc des résidus de charbon se sont retrouvés dans le terril », explique Johann Cordonnier. Or, comme pour le terril des Argales, la présence de charbon avec d’autres éléments constitue le « triangle du feu ».
Concrètement, le terril brûle de l’intérieur. Le problème est que le « feu » remonte à la surface et crée des trous d’où sortent des fumerolles. « Il y en a un qui s’est formé non loin des vignes… Ma crainte est que cela arrive jusqu’à elles ! »
Soit dit en passant, pas d’inquiétude : Eden 62 organise des visites du terril régulièrement.
Eglantine Puel