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« Chrrriih ! » Un sifflement effrayant transperce la nuit. C’est le cri typique de la chouette effraie, ou effraie des clochers. L’une des six espèces de rapaces nocturnes observables dans les Hauts-de-France, sur les neuf présentes en France. Celle-ci niche généralement dans les vieilles granges ou, comme son nom l’indique, dans les clochers.
Sa pâleur lui a donné un autre surnom également : la Dame blanche, qui convoque sa ribambelle de fantasmes et de mythes. Figurez-vous qu’au Moyen-Âge, apercevoir une chouette effraie annonçait un décès dans la famille, et que pour conjurer le mauvais sort, on les clouait sur les portes des granges ! Alors on est bien loin de ces procès en sorcellerie, mais on ne connaît toujours pas assez bien ces espèces nocturnes.
C’est le point de départ de la Nuit de la chouette : expliquer. Pourquoi en mars ? « Parce que c’est la période de reproduction, donc celle où ils seront les plus territoriaux et où il nous sera le plus facile de les entendre », indique Marie Lescoutre, technicienne patrimoine naturel et biodiversité au Parc naturel régional de l’Avesnois. Car pour « observer » les rapaces nocturnes, on fait généralement « repasse », c’est-à-dire qu’on diffuse les cris auxquels les espèces présentes répondront pour marquer leur territoire. « Un protocole établi par la Ligue de protection des oiseaux (LPO) que nous respectons strictement : une ou deux diffusions maximum pour déranger un minimum les individus », précise la technicienne.
Les parcs naturels organisent, avec la LPO, ce mois de sensibilisation depuis 25 ans maintenant. Du côté de l’Avesnois comme de celui du Pas-de-Calais, toutes les sorties proposées affichent complet : des ateliers et des sorties d’observation organisés dans la région afin d’apprendre à mieux connaître les espèces et de comprendre leurs habitudes, pour mieux les protéger. Séance de rattrapage.
Six espèces sont recensées dans le Nord-Pas de Calais sur les neuf qu’abrite le territoire national : la chouette effraie, ou effraie des clochers ; la chouette hulotte ; la chouette chevêche, ou chevêche d’Athena ; le hibou moyen duc ; le hibou grand-duc et le hibou des marais. On observe davantage cette dernière espèce, c’est logique, du côté de l’Audomarois. L’Avesnois abrite, lui, un plus grand nombre de chouettes chevêches, qui affectionnent les paysages de vergers et bocages. Ces espèces ont pour point commun de chasser la nuit, même si certaines comme la chevêche sont observables en journée, et développent de fait des caractéristiques liées comme de grands yeux qui favorisent la vision nocturne. Si toutes possèdent leur habitat privilégié – clochers pour l’effraie, marais pour le bien nommé hibou des marais, arbres pour la chouette hulotte… ils sont notamment menacés par la disparition de ces abris.
Et le premier conseil est de conserver des arbres, des haies ou des bosquets qui, s’ils ne forment pas l’abri de toutes les espèces, sont essentiels à leur survie. Car pour chasser, les rapaces ont besoin de perchoirs. Et s’ils n’existent pas à l’état naturel, on peut aussi en installer.
Ces espèces protégées peuvent se révéler d’excellents auxiliaires de cultures. La chevêche, plus petite, se nourrit essentiellement d’insectes. Les autres espèces, chouette effraie en tête, optent volontiers pour les petits mammifères : souris, campagnols, musaraignes…
On compte en moyenne trois proies par pelotes de réjection, et trois pelotes par nuit. Ce qui fait plus de 3 000 proies par an et, si vous multipliez par cinq soit la composition moyenne d’une famille, plus de 16 000 proies avalées chaque année.
Outre le maintien ou l’installation de nichoirs et perchoirs, quelques bons réflexes à adopter à commencer par la non-intervention. Les naissances vont se multiplier au printemps et les petits vont se retrouver au sol, pour beaucoup : « Ils grandissent et ça finit par manquer de place dans les abris, les jeunes décident alors de quitter le nid. Ils ne sont pas autonomes pour autant, ne savent pas forcément bien voler ni se nourrir seuls. Les parents vont continuer à s’occuper d’eux… sauf si on les ramasse », explique Aurélie Delaval, directrice de la LPO 62.
En gros, si vous voyez des petits (reconnaissables à leurs plumes duveteuses), ne les touchez pas à moins qu’ils ne soient visiblement blessés, que leurs parents soient morts à leurs côtés ou qu’ils soient en danger immédiat. Dans ce dernier cas, il sera préférable de les placer dans un carton suspendu à un arbre.
En cas de blessures, notamment suite à une collision avec une voiture, il est recommandé de mettre l’animal dans un carton percé et de ne pas lui donner à boire ou à manger avant diagnostic. Encore un conseil avec les propriétaires de cheminées, qui peuvent devenir de vrais pièges pour les rapaces qui y descendront sans pouvoir remonter : installer une grille à l’entrée du conduit.
Dernier danger pour ces espèces : la bioaccumulation, ou contamination de la chaîne alimentaire. Les produits phytosanitaires, ingérés par les micromammifères à leur tour consommés par les rapaces viennent empoisonner la faune sauvage dans son ensemble. Une raison de plus d’en faire un usage raisonné, voire nul dans l’idéal.
Justine Demade Pellorce
Le réseau SOS Faune sauvage, de la Ligue de protection des oiseaux, assure une permanence téléphonique au 07 72 22 51 40.
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