Votre météo par ville
Élise Dormion, aujourd’hui âgée de 35 ans, a grandi sur l’exploitation familiale à Hazebrouck : une classique exploitation en polyculture – élevage. Élise a une sœur et deux frères, mais elle sera la première à montrer son envie de reprendre la ferme.
Aujourd’hui l’un de ses frères, Édouard Roussez, cultive du houblon bio dans le secteur et le fait sécher dans l’ancienne étable. Attirée « depuis toujours par la biologie et le vivant », la nordiste suit un DUT en génie biologique avant d’enchaîner sur une licence pro en biologie et de se retrouver en école d’ingénieur agricole à Clermont-Ferrand : VetAgro sup. « Je m’étais rendu compte que les études étaient très liées à la région et ma deuxième année de DUT à Angers, où j’ai notamment étudié la viticulture et l’arboriculture, puis en Auvergne moins focalisée sur les grandes cultures et qui était la première école à se doter d’un pôle de recherche en agriculture biologique, m’ont offert une ouverture », analyse la trentenaire qui perçoit alors la transformation du contexte agricole et des attentes des consommateurs.
Elle se souvient aussi « du camion de lait qui passait tous les jours », de ses « parents qui bossaient comme des dingues, sans aucune maîtrise du prix de vente ni aucune relation aux consommateurs » : une déconnexion qui ne l’attire pas. « Par contre, travailler à son compte, être indépendant, au contact de la nature », ça oui ! Voilà comment la fille d’agriculteurs devient elle-même agricultrice, « mais différemment ».
« Avec Antoine, mon conjoint, on se demande d’abord s’il faut garder les vaches, parce que mes parents avaient poussé les choses très loin et étaient déjà ultra-performants, on ne voyait pas comment faire mieux », explique Élise Dormion qui poursuit : « J’ai fini mes études à 24 ans et j’ai commencé par demander à mes parents de me prêter un hectare pour tester le maraîchage bio. » Et la vente directe, histoire de maîtriser les coûts et les prix, c’est important pour la jeune femme qui a alors à son actif quelques stages en maraîchage « dans les hortillonnages d’Amiens, j’ai adoré » ou encore chez Riverford farm, pionniers du bio intensif en Angleterre.
Élise Dormion découvre un métier très physique, tombe enceinte, s’interroge sur l’accord entre vie pro et vie personnelle. « Et mon père a un grave accident sur la ferme alors nous nous occupons des vaches pendant plusieurs mois : ça a accéléré les choses », résume la jeune femme. Un refus des banques plus tard, le couple est définitivement convaincu d’arrêter l’élevage, nous sommes en 2014.
« Nous faisions déjà des céréales, du blé, on s’est dit qu’on allait aller jusqu’au produit fini en les transformant en farines et en pâtes. » Le choix de la valeur ajoutée, associé à l’arrêt du maraîchage : « Ça a été notre projet de couple, notre projet de famille », pense Élise Dormion désormais maman de trois garçons.
En 2020, Antoine, jusqu’ici salarié chez Sodial, rejoint la ferme qui devient La ferme des Mions, passée en agriculture biologique. L’exploitation avait rejoint le réseau du Savoir vert un an plus tôt, dans cette idée d’ouverture et de diversification, toujours.
« Les agriculteurs sont obligés d’être dans la transmission : on sent bien le fossé avec les citadins or, s’ils nourrissent 100 % des gens, les agriculteurs ne représentent qu’1 % de la population active. » Et de poursuivre : « En tant qu’agriculteurs nous devons produire, et sommes donc liés à un territoire économique et social, mais nous avons aussi une responsabilité environnementale ce qui en fait une entreprise singulière. Il y a une attente forte de la population de protection de l’environnement, de la qualité de l’eau ou des paysages. Et on nous demande encore d’être producteurs d’énergie : de plus en plus de charges pèsent sur nos épaules quand le métier est parmi les moins bien rémunérés », dénonce celle qui se sait moins concernée car en vente directe, mais regrette le manque de reconnaissance.
2020, c’est aussi la date des dernières élections municipales. À Hazebrouck, un jeune homme plein d’ambitions se présente. Valentin Belleval, qui propose à Élise Dormion de rejoindre sa liste, promettant que ce sera l’affaire d’une réunion toutes les trois semaines. Le menteur. « Je n’avais jamais imaginé ça, je n’avais pas le temps mais j’ai dit que j’étais d’accord pour être sur la liste… à la 35e place. »
Aujourd’hui la jeune femme est la 2e adjointe de la ville, en charge de l’environnement, du cadre de vie, de l’alimentation durable et de la transition écologique. « Et ça me fait terriblement de bien de faire autre chose », admet celle qui chapeaute notamment les projets de pôle alimentaire (un centre de formation aux métiers de l’agroalimentaire) ou encore de nouveau refuge pour animaux. Aussi conseillère communautaire, où elle défend les mêmes thèmes, Élise Dormion a dernièrement accepté d’être suppléante de la binôme de Valentin Belleval au Département, Monique Evrard.
« Je me suis rendu compte qu’on pouvait faire beaucoup de choses vertueuses pour l’environnement. Ces actions à l’échelle de la commune par exemple, sont notre contribution pour lutter contre le réchauffement climatique. »
Parmi ses chevaux de bataille, l’alimentation : « On se nourrit trois fois par jour et on ne sait pas ce qu’on mange, ce serait pourtant si simple de recréer du lien au sol : c’est ça qui peut soutenir l’agriculture », milite l’agricultrice engagée.
2014. Arrivée sur la ferme en maraîchage avec À petits pas.
2016. Création de la ferme des Mions et de l’atelier de transformation.
2020. Élue conseillère municipale d’Hazebrouck sur la liste de Valentin Belleval.
Lire aussi : À la rencontre du Savoir vert
Lire aussi : Biodiversité. Des fermes chouettes-friendly
Justine Demade Pellorce