Jean-François Hogne a quitté sa Belgique natale il y a 40 ans. Installé depuis dans une « petite maison à Loquignol », nous dit-il, il vit au cœur de la forêt de Mormal qu’il observe jour après jour, équipé de sa caméra. « En filmant les grands cerfs, j’ai constaté qu’il n’y avait plus d’adultes, alerte ce passionné de cervidés qui crée alors une première association, Mormal patrimoine. Nous avons analysé les photos et nommé les cerfs sur les images. » Pour lui, le constat est sans appel : il y a de moins en moins de cerfs à Mormal. « On tue trop vite et trop jeunes les cerfs. »
Sur les 9 200 hectares qu’occupe la forêt de Mormal et sans connexion avec un autre massif forestier, le naturaliste dit connaître « tous les grands cerfs de la forêt. » Au fil des ans, il suit l’évolution de la population. En 2010, à peu près 50 cerfs sont identifiés. Deux ans plus tard, ils ne sont plus que 35. En 2013, de nouveaux baux de chasse sont signés pour 12 ans. « On en a de nouveau compté 50. On a laissé vieillir les cerfs, c’est une fierté partagée ! Les sociétés de chasse sont relativement fières de montrer d’aussi beaux cerfs au nord de Paris. Ils ont baissé la carabine et cela a rapporté de beaux trophées ! » Le Locquignolais dit ne pas être « un anti-chasse primaire. On a une position mesurée : on est bien d’accord que la chasse est nécessaire. »
Mais ce qu’il revendique, c’est que les plans de chasse « abusifs depuis 2020 » soient « assouplis ». Selon le naturaliste, la raison est à chercher du côté des coupes d’arbres. L’association Mormal patrimoine a longtemps réclamé de connaître les chiffres d’exploitations que l’ONF refusait de communiquer sous prétexte de « secrets d’affaire », raconte-t-il. Jusqu’à ce que l’affaire soit portée devant la justice et que le Conseil d’État oblige finalement fin 2022 l’ONF à communiquer ses volumes de bois. « 62 000 m3 de bois étaient autorisés par an par le ministère dans le plan d’aménagement qui commençait en 2014 pour 20 ans mais la moyenne avoisine les 120 000 m3 », assure le naturaliste exaspéré.
Depuis 2020, poursuit-il, les plans de chasse ont intégré davantage de biches puis de faons et enfin de cerfs mâles. « Pour casser la reproduction, accuse Jean-François Hogne. Et que les arbres repoussent pour masquer les problèmes de l’exploitation forestière. » L’amoureux de la forêt regrette que la spécificité de Mormal, « assez sauvage, giboyeuse de chevreuils depuis plus de 100 ans », ait vu sa population de « grands animaux » réduite « aux deux tiers. » « J’ai vu des gens pleurer en ne retrouvant plus la forêt d’avant, des gens en colère. » Maintenant, c’est trop tard, désespère l’homme. « La forêt est décimée ! Il ne reste qu’un tiers des animaux. C’est une agression de notre patrimoine. »
En 2024, une autre difficulté est venue s’ajouter. L’année très humide a bouleversé l’écosystème causant parasitisme, baisse des naissances et surmortalité chez les chevreuils. « Certains cerfs et biches sont atteints par la fièvre catarrhale », ajoute Jean-François Hogne. Le changement climatique impacte également les arbres, « mais ne doit pas être l’argument pour tuer les animaux ! Ce n’est pas qu’ils sont néfastes à la pousse des arbres, c’est que trop d’arbres ont été coupés », insiste-t-il.
Quant aux sangliers, il considère qu’ils sont trop nombreux et qu’il faut en effet « en tuer un maximum. » Mais il va plus loin. « Dans la forêt de Mormal, le sanglier est commercial. Tout le monde sait qu’on ramène ici clandestinement des sangliers d’élevage. Il y a des témoignages concordants mais pas de flagrant délit (lire aussi en page suivante). Si, un jour, la peste porcine arrive, ce sera dramatique également pour les élevages de porcs », prévient-il.
En attendant, Jean-François Hogne continue d’arpenter la forêt, appareil photo à la main.
L. T.
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par Justine Demade Pellorce
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