Trop théorique pour certains. Inutile et ennuyeuse pour d’autres : la philosophie n’a pas toujours bonne réputation en France !
Gabrielle Halpern a pourtant choisi d’y consacrer toute sa vie. En 2008, elle entre à l’École normale supérieure (ENS) de Lyon pour étudier la pensée des grands philosophes occidentaux : Socrate, Descartes, Kant, Jean-Paul Sartre, Hannah Arendt.
La même année, une crise financière internationale éclate, faisant douter son entourage : « Il y a une crise mondiale, le monde s’écroule ! Pourquoi tu perds ton temps à étudier la philosophie ? » Gabrielle Halpern, elle, ne doute pas de son choix. « Pour moi, philosopher ce n’est pas fuir le réel. Au contraire… Le monde confortable des idées ne m’intéresse pas. Si l’on veut penser le monde avec justesse, il faut se confronter au monde réel ! »
Se confronter au monde réel : c’est ce que la philosophe a choisi de faire à travers un parcours riche de nombreuses expériences.
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Entre 2013 et 2017, elle travaille dans plusieurs cabinets ministériels : ministère de l’Économie, de la Recherche, puis de la Justice. Elle est en charge de la prospective et des discours. Un poste qui lui permet de mettre la pensée au service de l’action publique. Mais aussi de « faire entrer du doute et de la réflexion » dans des lieux où les décisions sont souvent prises à la hâte.
Très vite, elle veut aller plus loin et explorer d’autres univers. Entre 2017 et 2019, elle codirige un incubateur de start-up parisien destiné à accompagner des jeunes issus de milieux populaires. Autre milieu professionnel, autres codes, mais toujours le même objectif : faire vivre la pensée dans l’action. « Mon but était vraiment de voir quel était le rôle du philosophe dans plein d’univers différents », explique celle qui est aujourd’hui experte-associée à la Fondation Jean-Jaurès.
En parallèle, elle rédige une thèse de doctorat en philosophie, qu’elle soutient en 2019, et dans laquelle elle théorise le concept d’hybridation.
« L’hybridation est un terme qui peut paraître un peu barbare, reconnaît Gabrielle Halpern. Mais il veut juste dire recréer des ponts entre des univers improbables. » Pour la philosophe, ce concept répond à un besoin urgent : sortir d’une société fragmentée, divisée, dans laquelle nous nous étiquetons les uns les autres.
« L’hybridation, c’est le mariage improbable : mettre ensemble des métiers, des disciplines, des compétences qui n’ont, a priori, rien à faire ensemble. Comme des crèches dans des maisons de retraite, des tiers-lieux mélangés à des résidences d’artistes, des expositions artistiques dans les gares. Nous assistons à l’émergence de nouvelles combinaisons improbables. Ce n’est pas un hasard. L’hybridation est la grande tendance du monde qui vient ! »
Pour la docteure en philosophie, ces combinaisons inhabituelles créent du lien, rapprochent des mondes qui ne se connaissent pas. Elles font émerger de nouvelles formes de coopération, de nouveaux usages, parfois même de nouvelles identités. Et pour illustrer son concept, Gabrielle Halpern a choisi une figure mythologique : le centaure. Une créature mi-homme, mi-cheval, entre deux mondes.
« J’ai choisi la figure mythologique du centaure pour parler des personnes qui pratiquent et font la promotion de l’hybridation. Le centaure ne rentre dans aucune case. Il est instable pour certains, mais moi, je le trouve puissant. L’inverse du pur-sang, enfermé dans son entre-soi. Les profils hybrides, on les soupçonne. On les pousse à se justifier. Pourtant, ce sont eux qui font avancer le monde. Je veux leur redonner une place. »
L’hybridation, pour Gabrielle Halpern, n’est donc pas qu’un concept : c’est une vision positive d’un monde nouveau. Une invitation à décloisonner, relier, sortir des sentiers battus. À créer des ponts entre les mondes. Pour plus de solidarité. Et pour plus de tolérance, tout simplement.
Julien Caron
Gabrielle Halpern, marraine des Journées nationales de l’agriculture 2025 : La philosophe est la marraine de la cinquième édition des Journées nationales de l’agriculture, qui auront lieu du 6 au 9 juin prochain, et dont l’objectif est de recréer des ponts entre les agriculteurs et la société. Deux mondes qui ont parfois du mal à se comprendre et à dialoguer. |
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