« Je ne sais pas comment c’est arrivé. » Quand on demande à André Pecqueur, 81 ans, qui l’a recommandé pour recevoir récemment la médaille de commandeur de la Légion d’honneur ou quand on lui demande la clef du succès du « plus gros brasseur indépendant de France », toujours cette réponse. Il faut dire qu’ici, à Saint-Omer (62) dans les locaux de la brasserie éponyme (qui produit 65 % des bières de marque distributeur du pays, ndlr), on travaille à l’intuition. À l’ancienne. « Et à la rage de vaincre. » C’est bien simple : « Je ne fais jamais de budget », assure le PDG du groupe qui emploie 800 salariés répartis dans les deux brasseries – Saint-Omer, à Saint-Omer donc, et Goudale à Arques – ainsi que l’activité de transports TSA. Une liberté permise par une chose qui n’a pas de prix mais qu’il a tout de même dû racheter en 2008 : « L’indépendance », apprécie-t-il tous les jours.
Dire qu’André Pecqueur est tombé dans le tonneau quand il était petit n’est pas exagéré : il naît à Lille mais rallie Saint-Omer à l’âge de 2 ans où il grandit dans une famille de négociants en vin, c’est souvent comme ça que ça commence (relisez l’histoire de la brasserie Castelain).
« Je n’ai jamais cherché ce que je voulais faire, quand on est dans une petite affaire familiale comme ça, on y travaille tous naturellement », rembobine l’octogénaire. À 14 ans, certificat d’études en poche, il commence à travailler. « J’ai été un homme heureux », croit-il devoir préciser. Il débute comme main-d’œuvre, puis chauffeur et commercial. En 1963, de retour du service militaire, il ouvre son magasin de vins avec sa femme, La cave de Saint-Arnould qui existe toujours, se satisfait l’entrepreneur. « Nous avons grandi depuis : nous étions 10, nous sommes 800 aujourd’hui. » 400 salariés pour l’activité de transport TSA basée à Saint-Martin-lez-Tatinghem, 200 pour la brasserie de Saint-Omer (ex-brasserie de Saint-Arnould) et 200 autres pour la brasserie Goudale (ex-Grande brasserie des enfants de Gayant). Ces mêmes 800 salariés qui ont reçu une prime exceptionnelle de 1 000 euros fin 2024, « parce que l’entreprise c’est pas un patron, c’est une équipe qui gagne », formule le capitaine.
Si vous comptez bien, 800 fois 1 000 égal 800 000 euros, que certains auraient trouvé plus judicieux d’investir dans une maison en Italie. Pas lui. « La force de notre entreprise c’est nos êtres humains », semble-t-il croire sincèrement.
En 1976, le négociant en vin rachète la brasserie de Saint-Arnould. En 2010, ils rachètent la brasserie des enfants de Gayant, alors implantée à Douai, vite renommée en brasserie Goudale et installée à Arques dans des locaux flambant neufs. Ici, « on réfléchit un peu mais on réfléchit vite, l’avantage d’une société à taille humaine. Quel bonheur », savoure André Pecqueur.
De 50 000 hectolitres alors, on passe aujourd’hui à 3,3 millions d’hectolitres pour les deux brasseries. «Nous sommes le plus gros brasseur indépendant de France », résume André Pecqueur pour qui l’information principale de cette affirmation, c’est l’indépendance.
Aujourd’hui associé à un gendre et deux petits-fils, celui qui a officiellement pris sa retraite il y a 15 ans (il ne se verse donc plus de salaire depuis), raconte comment l’entreprise « fait partie des meubles », même qu’à Saint-Omer on se contente de parler de « la brasserie ». Il raconte comment la nouvelle brasserie, à Arques, a été conçue pour accueillir le public et expliquer : indispensable pour celui qui adore aller visiter les autres entreprises. « On veut que les gens ressortent amoureux de la brasserie », souhaite celui que la belle-mère, revenue d’un voyage où elle avait visité une maison de champagne, avait tanné quelques repas de suite sur cette expérience.
Pour bien vendre la brasserie, il faut commencer par bien brasser, c’est là qu’intervient « le maître brasseur, un cuisinier cinq étoiles », image André Pecqueur qui rappelle que « la Goudale est numéro 1 en présence magasin » : c’est la bière que l’on retrouve dans le plus de rayons en France. L’un des secrets, c’est aussi « d’investir sans arrêt, sinon on est mort ».
Il rappelle cet épisode où Heineken rachète le groupe. Lui reste directeur, mais il doit se soumettre aux fameux budgets, connaît des réunions de deux jours quand, aujourd’hui, les mêmes décisions seraient prises en 30 minutes. « J’avais dit à monsieur Heineken : si vous vendez je rachète. » C’est chose faite en 2008 : André Pecqueur rachète son affaire et savoure plus que jamais au goût de la liberté. « L’affaire devenait non délocalisable et nous pouvions assurer un avenir à 800 familles », pèse le patriarche qui se satisfait de « rester avec (ses) gens. » Pas question de trop grossir encore faute de quoi il deviendrait « un financier » et il n’aimerait pas ça.
Il préfère ne pas penser au jour où, « malheureusement », il arrêtera. « Je vais travailler jusqu’à ce que je sois dans ma caisse parce que ce n’est que du bonheur pour moi », prévient l’octogénaire qui ne passera donc pas le reste de ses jours dans une maison en Italie. « Je suis un homme heureux », tient encore une fois à préciser André Pecqueur qui a conclu ses derniers vœux à son personnel d’un « Je vous aime ». Tout est dit.
Justine Demade Pellorce
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