Votre météo par ville
Herinaina Andriamandroso est enseignant-chercheur en agriculture et élevage de précision à Junia. Il répond à nos questions sur l’offre technologique en agriculture.
En fait, l’agriculture et l’élevage de précision sont arrivés avant la digitalisation. Le principe de l’agriculture de précision est de se concentrer sur l’individu : l’animal pour l’élevage, des zones précises pour les cultures végétales. À partir de ces individus, on obtient des données qu’on va utiliser pour s’améliorer. L’arrivée des outils numériques va permettre d’accélérer les innovations en agriculture de précision en facilitant ce recueil de données. Cela va passer notamment par la démocratisation du GPS et des robots de traites.
Je pense que cela fait deux, trois ans qu’on a atteint une sorte de pic dans le développement de technologies agricoles. On se rend compte qu’effectivement, il y a des outils plus utiles que d’autres, ou en tout cas plus utilisés que d’autres. Par exemple, les robots de traites se sont fortement améliorés et permettent non seulement de faciliter le travail de traite, mais aussi grâce à la captation de chaleur, de détecter des maladies. Il en va de même pour les colliers connectés pour ne pas rater le moment d’insémination. Ces outils sont très utilisés et appréciés, j’en veux pour preuve les derniers chiffres du ministère de l’Agriculture qui indiquent que 50 % des installations en bovins lait incluent un robot de traite par exemple. Les outils qui permettent de mieux gérer les apports d’azote sont aussi assez bien intégrés car ils sont un bon levier pour respecter les différentes réglementations. Parallèlement, les outils de détections des maladies sur les cultures ont un peu plus de mal à s’implanter par exemple car la technologie ne permet pas pour le moment de prévenir assez tôt la maladie. Les paramètres pour le végétal sont plus nombreux et il est donc plus difficile de mettre en place des modèles.
En 2019, nous avons lancé à Junia des recherches sur comment mieux moduler l’apport d’azote sur du blé. Nous avions élaboré un modèle… Mais d’une année à l’autre, il ne fonctionne pas. Dans toutes nos pratiques et modèles, il faudra intégrer le changement climatique. Mais pour le faire, il faut avoir toutes les données climatiques des dernières années et se baser là -dessus et/ou demander à l’outil d’imaginer des scenarii. Pour cela, il faut beaucoup de données et pour l’instant nous n’en avons pas suffisamment. Mais une chose est certaine, c’est que le développement de la digitalisation permet d’avoir de plus en plus de données et donc, potentiellement, permettra d’améliorer les modèles et les rendre de plus en plus précis.
En fait, là où pour les données personnelles, il y a une réglementation stricte, pour les données agricoles c’est plus compliqué. Elles sont à la fois personnelles et professionnelles. Ces données, c’est le nerf de la guerre car les agriculteurs estiment qu’elles leur appartiennent donc qu’ils devraient y avoir accès, mais pour les entreprises qui font ces outils ce n’est pas si simple. Et puis évidemment il y a la concurrence. Rajoutez par-dessus cela qu’il vous faut des données pour améliorer le modèle et il n’y a pas d’intérêt à les communiquer. En fait, l’innovation en agriculture est une boucle : il vous fait des données sur la situation problématique, que vous analysez. Vous construisez un modèle et vous le mettez en action. Un nouveau contexte naît alors et donc il y a de nouvelles données, et ainsi de suite… C’est le serpent qui se mord la queue. Et puis, le problème de l’interopérabilité n’est pas propre aux outils technologiques agricoles…
Nos travaux sont essentiellement sur le végétal et se divisent en deux aspects : l’azote et le stress hydrique. Pour l’azote, nous travaillons avec l’Agence de l’eau Artois-Picardie sur un modèle de modulation dynamique de l’apport d’azote. L’idée est d’utiliser un drone qui avec une caméra multispectrale va permettre d’identifier qu’elle est le besoin de la plante en azote afin d’optimiser la dose. Pour le stress hydrique, nous avons deux projets, financés également par l’Agence de l’eau : un avec le Groupe Carré sur la micro-irrigation en pommes de terre et un avec la chambre d’agriculture sur les performances des couverts végétaux quant à la recharge des nappes phréatiques.
Propos Recueillis Par Eglantine Puel
Lire aussi : Numérique : L’Agriculture digitalisée, pas si simple