Votre météo par ville

Marion Dewynter : l’évidence du lin, la nouveauté du chanvre

04-07-2022

Actualité

Culture

À 32 ans, Marion Dewynter est la quatrième du nom à reprendre la SAS Dewynter, à Rubrouck. L’entreprise de teillage a la particularité d’être également productrice de la précieuse fibre végétale. Passionnée, la jeune femme s’est lancée l’année dernière dans le chanvre textile.

Marion Dewynter © EP

Tout et à la fois rien ne prédestinait Marion Dewynter à reprendre le flambeau de la SAS Dewynter à Rubrouck (59). Quatrième du nom, elle est la première femme à arriver à la tête de l’entreprise de teillage. Pour le moment, elle partage les responsabilités avec son père, Didier, le temps d’apprendre le métier car, comme elle le dit : « Il n’y a pas d’école du lin. »

À côté de cette activité de teilleuse, elle est aussi agricultrice et produit du lin avec son père. L’année dernière, la trentenaire se lance dans le chanvre textile. Une fibre d’avenir selon elle, dont la demande augmente sans cesse. Et comme si deux casquettes ne suffisaient pas, elle est aussi artiste peintre et propose des kimonos en lin peints. Une femme aux multiples activités mais surtout passionnée.

Un parcours atypique

Si aujourd’hui son métier est une évidence, cela n’a pas toujours été le cas. En effet, avant d’être agricultrice-teilleuse, Marion Dewynter voulait être « architecte d’intérieur ! » D’ailleurs, elle a fait les études pour. Après le collège, elle intègre l’école secondaire artistique Saint-Luc Tournai (Belgique). « Par la suite, j’ai été repéré pour mon talent , raconte-t-elle, humblement. Je suis devenue l’architecte d’intérieur d’une des filles du Président de la République du Congo. C’est pourquoi j’ai effectué une mission en Afrique quelques mois. »

Hélas, elle y contracte un paludisme foudroyant. C’est un déclic : « J’ai décidé de rentrer à Rubrouck, là où était ma famille. À ce moment-là, il n’y avait plus de repreneur pour l’entreprise alors j’ai décidé de prendre cette place. Il n’y a pas d’école du lin, c’est quelque chose qui se transmet et il était essentiel pour moi que ce savoir-faire perdure. »

Pour elle, le lin avait toujours été là dans un coin de sa tête. « J’ai grandi là-dedans ! Pour faire ce métier de toute façon il n’y a pas de secret : il faut être passionnée. J’ai attrapé le virus du lin toute petite et aujourd’hui, je revis quand arrive le moment des récoltes. » Mais même en aillant le virus et les connaissances qui vont avec, Marion Dewynter a senti qu’elle avait besoin d’un diplôme agricole : « Je voulais savoir de quoi je parlais. J’ai donc repris des études en accéléré pour passer un brevet professionnel de responsable agricole. J’ai fini première de promo », sourit-elle.

Casser les codes

Car, même si dans la sphère familiale le fait qu’elle soit une femme ne pose pas de difficulté, son style et son parcours « pas communs font que je dois faire mes preuves. Dans un premier temps, quand des personnes du milieu me rencontrent, ils sont un peu surpris par mes tatouages par exemple. Mais une fois que l’on discute, ils voient que je maîtrise. »

D’ailleurs, son parcours artistique, elle s’en sert aujourd’hui pour « casser les codes du lin. Je propose des kimonos en lin, sur lesquels je peins à main levée des dessins, dans l’esprit d’un tatouage. Ce sont des pièces uniques. J’aimerais aussi développer une ligne où cette fois, ce serait des impressions de dessins que j’ai réalisé. Mais ce n’est pas encore fait ! » Des projets, la trentenaire n’en manque pas.

Le vieux rêve du chanvre

En effet, l’année dernière, Marion Dewynter décide de lancer, en expérimentation, la culture de chanvre textile. « Il y a 26 ans, mon grand-père Michel en avait planté 80 ha ! Mais il était trop précurseur et la demande en face n’était pas là. Surtout, au moment de la récolte, ça a été très difficile car nous n’avions pas l’outillage adéquat. On a dû finir à la main », se souvient Marion Dewynter, petite fille à l’époque.

Alors, c’est sur « seulement » 1,5 ha qu’elle se lance. Parallèlement, le fabricant d’engins agricoles Hyler, via Nills Baert, lance une machine dédiée à la récolte du chanvre. « Si vous aviez vu les yeux de mon grand-père quand il a vu ça ! Lui qui avait gardé un si mauvais souvenir du chanvre… Ça a tout changé ! » Pourquoi le chanvre ? « Il y avait une demande de la part des filateurs et c’est une culture dans l’air du temps qui ne nécessite ni intrants ni produits phytosanitaires. Je savais aussi que dans une rotation, c’était bien pour nettoyer les sols. On l’a vu de toute façon sur nos parcelles d’essais : là où le blé est le plus beau, c’est là où il y a eu du chanvre. » Aujourd’hui, elle a même créé un petit musée au chanvre et dédié 8,25 ha à la culture cette année.

De l’art d’être cheffe d’entreprise

En parallèle, Marion Dewynter consacre aussi du temps à l’entreprise de teillage. « Nous avons une centaine de clients (des producteurs de lin), répartis dans le Nord et le Pas-de-Calais. Notre travail consiste à les conseiller sur les semences, à les livrer puis à suivre les cultures jusqu’à la récolte, dont nous nous chargeons. Nous ramenons ensuite le lin ici pour le teillage. Enfin, il est revendu à des négociants qui le vendront à des filatures. » Un travail qu’elle a dû apprendre : « Cette période de transition sert à cela. Pour le moment, nous nous sommes partagé le travail avec mon père : moi le Nord, lui, le Pas-de-Calais. »

Pour la suite, les objectifs de Marion Dewynter sont simples : « Que l’entreprise reste familiale (une dizaine de personnes), développer un peu le chanvre et notamment réussir à maîtriser le teillage (point noir de cette culture, ndlr) et contribuer à développer cette filière oubliée mais qui revient. Pourquoi pas aussi développer plus de cultures… »

Si elle devait faire passer un message, ce serait que « les femmes aussi ont leur place dans ce milieu. Nous ne sommes que deux en France dans le teillage… Il faut ouvrir les esprits et aussi parler du lin et du chanvre au grand public. »

Le week-end, elle expose ses toiles (car oui, en plus elle est artiste plasticienne) en lin à la galerie du Passage à Cassel. « J’y ai toujours une poignée de filasse pour expliquer aux gens ! C’est un métier formidable où on apprend tous les jours. »  

Eglantine Puel

Lire aussi : Économie : Lin et chanvre, des productions d’avenir

Facebook Twitter LinkedIn Google Email
Noël autrement (4/4). De garde avec les soignants
À l'approche de Noël, nous sommes allés à la rencontre de personnes qui célèbrent cette fête de manière différe [...]
Lire la suite ...

Noël autrement (3/4). Une fête aux accents d’ailleurs
À l'approche de Noël, nous sommes allés à la rencontre de personnes qui célèbrent cette fête de manière différe [...]
Lire la suite ...

Émilie roibet, itinéraire d’une reconversion bien pensée
Architecte paysagiste de formation, Émilie Roibet a quitté ses bureaux lillois pour créer sa ferme florale "À l'ombr [...]
Lire la suite ...

Une Cuma qui a le sens de l’accueil
Localisée à Bois-Bernard, la Cuma " L'accueillante " est confrontée aux départs en retraite de ses membres, souvent [...]
Lire la suite ...

DOSSIER ÉNERGIE. À la centrale de Lens, le bois devient énergies
Unique dans la région, par son genre et sa taille, la centrale de cogénération de Lens produit à la fois de l'élect [...]
Lire la suite ...

Inondations : après la pluie, se reconstruire
Une semaine après les premières crues, le Pas-de-Calais tente d'émerger peu à peu, malgré la menace de nouvelles in [...]
Lire la suite ...

Inondations : 50 millions d’euros pour les collectivités sinistrées
Le chef de l'État en déplacement à Saint-Omer et à Blendecques, le mardi 14 novembre, a annoncé un plan d'aide pou [...]
Lire la suite ...

À la ferme du Major, “on crée de l’énergie”
La ferme d'insertion du Major, à Raismes, emploie 40 hommes et femmes éloignés de l'emploi pour leur permettre, en ac [...]
Lire la suite ...

Jean-Marie Vanlerenberghe : « L’attentat à Arras a souligné les failles du dispositif »
Ancien maire d'Arras et doyen du Sénat, Jean-Marie Vanlerenberghe réclame « une réponse ferme » mais dans le resp [...]
Lire la suite ...

Changer de goût et agir pour le futur
Plus saine, plus durable, plus accessible, l'alimentation de demain doit répondre à d'innombrables défis. À l'occasi [...]
Lire la suite ...

Retour sur la première édition du championnat international de la frite
Le premier championnat international de la frite s'est déroulé à Arras le samedi 7 octobre 2023. Soleil et ambiance [...]
Lire la suite ...

Jean-Paul Dambrine, le patron sensas’
Il est l'icône de la frite nordiste. À 75 ans, Jean-Paul Dambrine, fondateur des friteries Sensas et président du jur [...]
Lire la suite ...

Quatre lycéennes d’Anchin à la conquête de l’Andalousie
Iris, Angèle, Louise et Eulalie, lycéennes à l'Institut d'Anchin, ont passé trois semaines caniculaires près de Sé [...]
Lire la suite ...

Élections sénatoriales : dans le Nord, plusieurs nuances de rose, plusieurs nuances de bleu : l’éparpillement façon puzzle
Avec 11 sièges à pourvoir, c’est le département à renouveler le plus grand nombre de sièges derrière Paris : le [...]
Lire la suite ...

Élections sénatoriales : dans le Pas-de-Calais, la droite (presque) unie, la gauche en ordre dispersé et l’éventualité du Rassemblement National :
Pour les prochaines élections sénatoriales, les gauches ne font pas bloc dans le Pas-de-Calais. La droite, elle, table [...]
Lire la suite ...

« La biodiversité, c’est la version statistique de la nature »
Tout l'été, Vianney Fouquet a été notre guide à travers les espaces naturels de la région. Après avoir donné la [...]
Lire la suite ...

Mont de la Louve : balades équestres et séjours en gîtes
Situé sur les hauteurs de Bazinghen, entre Boulogne-sur-Mer et Calais, le centre équestre du Mont de la Louve offre un [...]
Lire la suite ...

L’uniforme dans les établissements scolaires du Nord-Pas de Calais
Plusieurs établissements du Nord et du Pas-de-Calais se sont portés volontaires pour expérimenter la tenue unique. Si [...]
Lire la suite ...

Météo de l’été 2024 : Un des plus chauds jamais enregistrés
Rendez-vous chaque début de mois avec Patrick Marlière, directeur du bureau d’expertise météorologique Médias [...]
Lire la suite ...

Rentrée agricole : récoltes décevantes et défis dans la région
L'heure est aux conférences de rentrée et la chambre d'agriculture Nord - Pas de Calais n'échappe évidemment pas à [...]
Lire la suite ...

Les nouveautés de la rentrée dans le Nord-Pas de Calais
Le retour à l'école, au collège ou au lycée pour une nouvelle année scolaire est marquée par plusieurs nouveautés [...]
Lire la suite ...

Au cœur des terres

#terresetterritoires