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Pour atteindre la pâture où broute son troupeau, Jean-Louis Demode suit un chemin bordé d’arbres. Opale, son Border Collie l’accompagne. « Elle est unique », livre-t-il, fièrement. Les vaches ne sont pas visibles depuis la barrière, attirées par des herbes certainement plus vertes en bas de la colline. L’endroit est vallonné, la commune de Wignehies et ses 3 000 habitants se situent au cœur du bocage de l’Avesnois, à la frontière de l’Aisne.
Chaque jour, l’éleveur emprunte le même sentier, « parfois en tracteur, ou à pied, avec mes chiens », pour retrouver ses rouges flamandes et ses quelques montbéliardes. À tout juste 60 ans, l’homme se sent aujourd’hui prêt à céder l’exploitation familiale et cherche désormais un repreneur.
Ses grands-parents se sont installés sur la ferme en 1946. Son père leur a succédé puis Jean-Louis Demode a pris le relais à son tour. Sur la fratrie de cinq, il est le seul agriculteur. « J’étais mordu là-dedans ! Mais ce n’est pas tout d’aimer, il faut gérer derrière. Je n’ai pas été à l’école longtemps, jusqu’à 16 ans, mais j’ai une bonne tête, je retiens bien et je me suis formé tout seul ! » Sa nièce est venue en stage apprendre le métier, avant de s’installer dans le département voisin. Le célibataire a travaillé seul toute sa carrière. « Mais avec un copain dans le village, on s’entraide depuis 40 ans », complète-t-il.
À son installation, il a arrêté l’élevage de vaches allaitantes pour se concentrer sur la production de lait. En 2009, il démarre la conversion en agriculture biologique. Il a voulu faire de la vente directe, a installé un laboratoire de transformation, une chambre froide. Il dispose d’une baratte à beurre et d’une écrémeuse mais n’a pas franchi le pas et a continué de tout livrer en coopérative. « Celui qui arrivera n’a qu’à remettre en route et continuer, souffle-t-il. J’ai commencé jeune, j’ai envie d’arrêter. »
À 14 ans, il trayait les vaches à la main. « Tout ce qu’on faisait à la main, les jeunes ne le font plus. Le monde agricole a changé trop vite. Taille du troupeau, mécanisation », cite-t-il. La ferme a évolué au fil des décennies. « Quand vous êtes seul, vous devez moderniser. » Les bidons de lait ont été remplacés dans les années 1990 par la salle de traite, qui a été refaite en 2012 avec une « nouvelle trayeuse à décrochage automatique. »
Si ses parents comptaient 30 têtes, lui en a le triple : 40 vaches laitières – « des rouges flamandes, pour la qualité du lait, la matière grasse et le taux de protéines, pour le bio y a rien de tel ! » -, autant de génisses, une dizaine de veaux et un taureau reproducteur, qu’il garde deux ou trois ans. Au menu : foin enrubanné et herbe fraîche. Ses vaches produisent chacune une quinzaine de litres quotidiennement en moyenne.
L’éleveur a pris la décision d’arrêter il y a un an. « Quand la MSA m’a annoncé le nombre de points que j’avais, mes trimestres accumulés, j’ai monté mon dossier », raconte Jean-Louis Demode. Il a passé une annonce sur le site du RDI (répertoire départ installation) et a rapidement reçu des coups de fil. Des visites sont d’ores et déjà programmées. Maison, pâture de 13 ha à laquelle s’ajoute une prairie en location de 11 ha, matériel, troupeau de 90 têtes : Jean-Louis Demode cède tout à qui est prêt à poursuivre le lait bio. « J’aiderai celui ou celle qui arrivera. Le plus dur est la capacité d’emprunt. Les banques demandent un apport trop important : pour les jeunes c’est un peu dur », regrette-t-il.
Le futur retraité s’est inscrit à Farm’dating, le 15 novembre prochain, pour rencontrer – peut-être – son successeur. Quant à lui, il ne part pas très loin. Il aime son bocage et a déjà repéré sa prochaine demeure, à quelques kilomètres de là. Il garde un tracteur, sa presse à petits ballots, sa fendeuse à bois et sa scie circulaire. De quoi s’occuper et continuer de rendre service, avec la compagnie d’Opale, qui « aura des chiots pour la Saint-Nicolas. »
Louise Tesse
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