Votre météo par ville

Timothée Dufour : “Cohabiter, c’est le maître-mot de demain”

17-05-2023

Actualité

Timothée Dufour est avocat à Paris. À 33 ans, il est un des fervents défenseurs du monde agricole, dont il a fait l’une de ses spécialités.

Thimothée Dufour. © D. R.
Timothée Dufour. © D. R.

Timothée Dufour a grandi dans une famille issue du monde agricole. Si aujourd’hui, il continue de donner un coup de main dans la ferme familiale, son combat se trouve essentiellement dans les prétoires pour défendre les filières agricoles. Rencontre avec cet avocat qui n’hésite pas à enfiler ses bottes pour être au plus près de ce que vivent les agriculteurs au quotidien.

Quel est votre parcours ?

Dans ma famille paternelle, nous sommes marchands de bestiaux de père en fils depuis le XVIe siècle. Pendant longtemps, j’ai participé activement en tant qu’aide-saisonnier à toutes les tâches de la ferme. Ce qui m’a permis d’écouter, de comprendre et surtout d’être confronté aux réalités du terrain et aux difficultés économiques, administratives et juridiques auxquelles sont confrontés les agriculteurs. Je voulais devenir avocat depuis tout jeune. Cependant, mon fil rouge a toujours été de défendre les projets agricoles, d’être aux côtés de ceux qui nous nourrissent. C’est ce que je fais aujourd’hui dans les prétoires, c’est ma vocation.

Le nombre de litiges est-il en augmentation ?

Oui, la situation s’est accélérée. On assiste à une multiplication des conflits en milieu rural, comme cela ressort d’une lecture de plusieurs rapports parlementaires. Je pense que cela s’explique par différents facteurs. D’abord, nous sommes face à une urbanisation galopante avec une réduction constante des surfaces agricoles. Il y a également un facteur sociétal : suite aux confinements, certains se sont installés en campagne avec l’idée que c’est un endroit aseptisé et non un lieu de travail, alors que c’est un espace où il y a des sons, des odeurs… Et enfin, un facteur sociologique, on a de moins en moins d’agriculteurs autour de nous. Il n’y a plus de témoins de cette ruralité dans nos familles. Cela se traduit par une perte de repères.

Comment réglez-vous ces conflits ?

J’essaie toujours d’encourager le dialogue et la conciliation. Aller sur le terrain, à la rencontre des protagonistes afin de les informer des concessions qui peuvent être faites de part et d’autre. Mais ces concessions ne doivent pas freiner les activités agricoles, il est évidemment hors de question de se plier à un cahier des charges qui limiterait ou encadrerait ces activités… Lorsque le contentieux est lancé, cela peut mettre des années à se régler. C’est aussi de l’argent et un stress supplémentaire pour les agriculteurs qui affecte tous les membres de la famille.

Qu’est-ce qui pourrait faire que les choses aillent mieux ?

Ne nous limitons pas à aller au salon de l’Agriculture une fois par an. Tout le monde recherche une proximité alimentaire dans son assiette, il faut aller au contact de ceux qui nous nourrissent. Il faut travailler sur la cohabitation des uns avec des autres. Cohabiter, c’est le maître-mot de demain. La terre doit rester le support de notre souveraineté alimentaire. En parallèle, il faut aussi renforcer l’arsenal juridique. Des lois doivent rappeler les règles du jeu pour rassurer les agriculteurs afin de ne pas perdre davantage d’exploitations et rassurer ceux qui souhaitent s’installer. La loi du 29 janvier 2021 sur la protection du patrimoine sensoriel des campagnes françaises est un premier pas. Les sons et odeurs inhérents à la campagne sont désormais protégés. Les régions doivent mettre en place un inventaire cartographiant les activités et pratiques agricoles qui pourra être opposé en cas de litige. Une proposition de loi est par ailleurs en cours afin de protéger les activités agricoles préexistantes et leur permettre même de s’accroître. Car les agriculteurs sont des entrepreneurs, et comme tout entrepreneur ils doivent pouvoir se développer.

Vous avez rencontré le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, à ce sujet. Où en est cette proposition de loi ?

Le pouvoir législatif a compris qu’il y avait un véritable sujet. Éric Dupond-Moretti y est sensible et s’est montré très ouvert à protéger davantage nos agriculteurs. À l’issue de cet entretien, je lui ai remis une proposition de texte sur laquelle j’ai travaillé avec la FNSEA et les chambres d’agriculture afin de coller au mieux aux réalités du terrain. Une loi devrait être adoptée d’ici la fin de l’année.

Timothée Dufour en quatre dates

1998-2016. Aide saisonnier dans la ferme familiale en polyculture-élevage située en Dordogne.

2016. Expatrié en Inde à l’ambassade de France en charge des problèmes agricole et énergétique.

2018. Premiers dossiers de défense de projets agricoles.

2022. Collaboration sur une proposition de loi renforçant la protection des activités agricoles existantes.


Lorsqu’on demande à Timothée Dufour, avocat des agriculteurs, l’affaire qui l’a le plus marquée, il répond sans hésitation :

“C’est l’une de mes premières victoires.” Il faut dire aussi que dans ce conflit, le jeune avocat faisait face à un “poids lourd” dans le domaine : Corinne Lepage, avocate et ex-ministre de l’Environnement entre 1995 et 1997.

“Fabien Le Coïdic souhaitait installer une exploitation de vaches en bio dans un village rural des Yvelines”, raconte Timothée Dufour. Mais le futur agriculteur fait alors face à une levée de boucliers de plusieurs voisins qui s’opposent à cette installation, dont la célèbre éditrice Odile Jacob, défendue par Corinne Lepage.

Les opposants de ce projet invoquaient des nuisances visuelles, olfactives et sonores. En 2020, Timothée Dufour avait résumé cette affaire ainsi dans les colonnes de La France agricole : “Le litige illustre une double hypocrisie, celle des bobos qui veulent du bio dans leur assiette mais pas à côté de chez eux, et celle des néoruraux, propriétaires de maisons secondaires, qui recherchent un cadre de vie préservé des grandes villes mais refusent toutes ses composantes, dont l’exercice d’activités agricoles.”

Après une longue bataille judiciaire de trois ans, Fabien Le Coïdic a finalement obtenu gain de cause auprès des tribunaux.

“Mais à quel prix, regrette Timothée Dufour, cela a été source de stress pour lui et sa famille, son projet a pris du retard et, avec le Covid qui est passé par là entre temps, ses devis sont périmés et le coût d’installation de son exploitation a augmenté de 50 %.”

Hélène Graffeuille

Lire aussi : Conflits de voisinage : condamné, Vincent Verschuere se pourvoit en cassation

Facebook Twitter LinkedIn Google Email
Noël autrement (4/4). De garde avec les soignants
À l'approche de Noël, nous sommes allés à la rencontre de personnes qui célèbrent cette fête de manière différe [...]
Lire la suite ...

Noël autrement (3/4). Une fête aux accents d’ailleurs
À l'approche de Noël, nous sommes allés à la rencontre de personnes qui célèbrent cette fête de manière différe [...]
Lire la suite ...

Émilie roibet, itinéraire d’une reconversion bien pensée
Architecte paysagiste de formation, Émilie Roibet a quitté ses bureaux lillois pour créer sa ferme florale "À l'ombr [...]
Lire la suite ...

Une Cuma qui a le sens de l’accueil
Localisée à Bois-Bernard, la Cuma " L'accueillante " est confrontée aux départs en retraite de ses membres, souvent [...]
Lire la suite ...

DOSSIER ÉNERGIE. À la centrale de Lens, le bois devient énergies
Unique dans la région, par son genre et sa taille, la centrale de cogénération de Lens produit à la fois de l'élect [...]
Lire la suite ...

Inondations : après la pluie, se reconstruire
Une semaine après les premières crues, le Pas-de-Calais tente d'émerger peu à peu, malgré la menace de nouvelles in [...]
Lire la suite ...

Inondations : 50 millions d’euros pour les collectivités sinistrées
Le chef de l'État en déplacement à Saint-Omer et à Blendecques, le mardi 14 novembre, a annoncé un plan d'aide pou [...]
Lire la suite ...

À la ferme du Major, “on crée de l’énergie”
La ferme d'insertion du Major, à Raismes, emploie 40 hommes et femmes éloignés de l'emploi pour leur permettre, en ac [...]
Lire la suite ...

Jean-Marie Vanlerenberghe : « L’attentat à Arras a souligné les failles du dispositif »
Ancien maire d'Arras et doyen du Sénat, Jean-Marie Vanlerenberghe réclame « une réponse ferme » mais dans le resp [...]
Lire la suite ...

Changer de goût et agir pour le futur
Plus saine, plus durable, plus accessible, l'alimentation de demain doit répondre à d'innombrables défis. À l'occasi [...]
Lire la suite ...

Retour sur la première édition du championnat international de la frite
Le premier championnat international de la frite s'est déroulé à Arras le samedi 7 octobre 2023. Soleil et ambiance [...]
Lire la suite ...

Jean-Paul Dambrine, le patron sensas’
Il est l'icône de la frite nordiste. À 75 ans, Jean-Paul Dambrine, fondateur des friteries Sensas et président du jur [...]
Lire la suite ...

Quatre lycéennes d’Anchin à la conquête de l’Andalousie
Iris, Angèle, Louise et Eulalie, lycéennes à l'Institut d'Anchin, ont passé trois semaines caniculaires près de Sé [...]
Lire la suite ...

Élections sénatoriales : dans le Nord, plusieurs nuances de rose, plusieurs nuances de bleu : l’éparpillement façon puzzle
Avec 11 sièges à pourvoir, c’est le département à renouveler le plus grand nombre de sièges derrière Paris : le [...]
Lire la suite ...

Élections sénatoriales : dans le Pas-de-Calais, la droite (presque) unie, la gauche en ordre dispersé et l’éventualité du Rassemblement National :
Pour les prochaines élections sénatoriales, les gauches ne font pas bloc dans le Pas-de-Calais. La droite, elle, table [...]
Lire la suite ...

Découvrez le supplément élevage – Avril 2024

Numéro 360 : 12 avril 2024

3 questions à Quentin Blond,vétérinaire et président du Conseil régional de l’ordre des vétérinaires pour les Hauts-de-France
  quentin blond, vétérinaire et président du conseil régional de l’ordre des vétérinaires pour les Haut [...]
Lire la suite ...

Mettre en commun ses forces pour mieux fonctionner
Travailler en Coopérative d'utilisation des matériels agricoles peut favoriser le bien-être des éleveurs en leur lib [...]
Lire la suite ...

La traite, un moment clé à ne (surtout pas) négliger
La traite est un moment important de la journée, mais elle peut aussi s'avérer pénible, à la fois pour le trayeur et [...]
Lire la suite ...

Une charte pour le bien-être animal
Créée en 1999, la charte des bonnes pratiques d'élevage ne cesse de s'adapter aux demandes sociétales et réglementa [...]
Lire la suite ...

Au cœur des terres

#terresetterritoires