Cécile Peltier est la coordinatrice régionale de Solaal, pour SOLidarité des producteurs Agricoles et des filières ALimentaires : l’association qui facilite le don alimentaire.
Après un IUT en génie biologique puis une école d’ingénieur en agriculture, la jeune femme de 30 ans a travaillé en Colombie : sur un campus Utopia d’abord, où des jeunes originaires de régions en guerre se formaient à l’agriculture, puis auprès de cacaoculteurs afin de promouvoir la fondation Cataruben et, plus largement, le développement d’une filière équitable. Point commun à ces missions : le sentiment d’utilité. Le même qui l’a guidée vers le poste de coordinatrice lorsqu’il a été créé en 2018.
L’association a été créée en 2013 par Jean-Michel Lemétayer, l’ancien président de la FNSEA. L’objectif est de mettre en lien les agriculteurs ou les acteurs de l’agroalimentaire qui ont des invendus (surplus, hors calibre sans débouchés…) avec les associations d’aide alimentaire dont on sait que les bénéficiaires ont peu accès aux produits frais. Solaal est déployée en antennes régionales, parmi lesquelles celle des Hauts-de-France fait figure de pionnière avec la création d’un poste de permanent dès 2018 (nous sommes deux aujourd’hui).
Il s’agit de personnes en précarité alimentaire, c’est-à-dire à qui il ne reste pas suffisamment de revenus pour se nourrir convenablement une fois les charges payées. Tous les âges, tous les milieux peuvent être concernés, des étudiants aux retraités en passant par les chômeurs, les familles monoparentales, les migrants et, nous en rencontrons, les agriculteurs. Le covid a fait exploser le nombre de ces bénéficiaires de 20 % – des étudiants pour beaucoup – et l’inflation n’a pas arrangé les choses depuis. Nos interlocuteurs sont les Restos du cœur, les Banques alimentaires, la Croix-Rouge, le Secours populaire et le réseau Andes (les épiceries solidaires, ndlr).
Nous avons atteint l’équivalent de 16 millions de repas récupérés en dix ans. En 2022, on comptait 159 donateurs, dont 51 ont été actifs cette année, et près de 1 400 tonnes de denrées récupérées. On atteint les 660 tonnes pour l’instant en 2023. Des fruits et légumes pour l’essentiel (92 % des dons en 2023) mais aussi des produits laitiers, des œufs ou encore de l’huile dont la date de durabilité minimale (DDL) empêche la commercialisation mais pas la consommation.
Le Nord-Pas de Calais est un grenier, nous avons cette chance d’avoir beaucoup de productions, des céréales, certes, mais aussi beaucoup de produits immédiatement consommables. En outre, alors que le taux de pauvreté* est de 13,9 % au national, il est de 17,8 % dans le Pas-de-Calais et de 18,4 % dans le Nord : les besoins sont là. Dans ce contexte, je me réjouis d’observer en région une dynamique de solidarité et de générosité réelle. Avec le Département du Nord, nous lancerons d’ailleurs cet automne des paniers alimentaires pour les associations locales.
Par solidarité d’abord. Des agriculteurs nous disent : « J’ai fait une bonne année et j’ai envie d’aider les autres alors je vous donne. » Par quête de sens aussi : quand les agriculteurs, parce qu’ils ont des invendus, se retrouvent à jeter leur production ou à la donner aux animaux, ils ont mal au cœur car ils produisent d’abord pour nourrir les hommes. Donner au lieu de jeter a alors du sens d’autant que, c’est un aspect à ne pas négliger, le don donne droit à une réduction d’impôt. Entre cette réduction et une perte totale, le calcul est simple.
Exactement : quand un agriculteur reçoit un « non » d’une association, cela peut freiner voire stopper son élan. Notre rôle est de tout faire pour favoriser le don et éviter ces freins. Nous valorisons aussi le lien humain, en organisant notamment des glanages solidaires où les agriculteurs ouvrent leurs champs aux associations et aux bénéficiaires. Bon nombre sont organisés en septembre, à l’occasion des Journées nationales du don agricole (JNDA).
Pas du tout. D’abord parce qu’il existe beaucoup de personnes à la limite des aides sociales comme les travailleurs précaires. Aussi parce que l’objectif pour un agriculteur est avant tout de gagner sa vie et s’il peut vendre, même moins cher, il le doit. Par contre, même ces entreprises ont des cahiers des charges et refusent certains produits : il y a différents échelons. Et jamais trop.
Septembre 2016. Remise du diplôme d’ingénieur en agriculture.
Janvier 2017. Départ en Colombie.
Octobre 2018. Début de l’aventure Solaal Hauts-de-France.
Janvier 2021. Arrivée de Kim-Yen Nguyen Dai au sein de l’équipe.
Propos Recueillis Par Justine Demade Pellorce
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