Dans le Valenciennois, depuis au moins quatre générations, les Dervaux produisent les cultures traditionnelles du secteur : la chicorée et des fleurs à vocation médicinale. « Ce n’était pas en surface la culture la plus importante mais c’était une culture à haute valeur ajoutée », explique Emmanuel Dervaux.
C’est d’ailleurs pour cette culture que dans les années 1980, le père d’Emmanuel convertit une partie de la ferme en bio : « C’était une demande des grossistes en herboristerie. À l’époque on ne parlait pas du tout du bio… Quand je suis revenu sur la ferme en 2000, 65 % des 85 hectares étaient cultivés en bio, dont la chicorée. »
Emmanuel se souvient de l’époque florissante du bio et des « jusqu’à 200 saisonniers l’été pour ramasser les fleurs. Mais tout ça, c’est fini. »
En 2008, quand il reprend la ferme à son compte, Emmanuel Dervaux fait face à plusieurs problèmes : « Niveau production, le bio prenait l’eau. Nous n’avions pas les outils d’aujourd’hui. Ensuite, des parcelles subissaient beaucoup de salissements et enfin, trouver des débouchés était devenu difficile. Avec mon épouse Marie-France, on s’est trouvés submergés parce que déjà, trouver de la main-d’œuvre était devenu plus compliqué », se souvient l’agriculteur.
Décision est alors prise de réduire les surfaces en bio pour passer à une trentaine d’hectares. « Mais nous avions décidé de conserver deux cultures qui nous tenaient à cœur : les fleurs (mauves, soucis et bleuet, ndlr) ainsi que la chicorée car nous avions des débouchés fidèles », décrit Emmanuel Dervaux.
Aujourd’hui, le couple produit en bio 22 ha d’avoine et triticale, 3 ha de radis noir, 7 ha de chicorée et jusqu’à l’an passé quelques hectares de fleurs. Mais ça aussi, c’est fini : « Je n’ai pas trouvé la main-d’œuvre pour récolter, alors j’ai dû broyer… Je n’en ai pas remis cette année. » Un crève-cœur pour l’agriculteur.
1980. Son père convertit une partie de la ferme en bio.
1991. Il obtient son diplôme d’ingénieur agricole en Belgique.
2008. Il reprend la ferme familiale.
2022. Le déclenchement de la guerre en Ukraine bouleverse son travail.
La faute aussi en partie à la guerre en Ukraine qui a « bouleversé mon travail. Le coût de l’énergie, des engrais, etc. a explosé ».
Pour faire des économies, l’agriculteur a renoué avec une pratique aujourd’hui à la mode mais en réalité très ancienne : la culture sous couvert, ici du trèfle dans l’avoine, par la suite enfoui lors du labour. « Ça ramène de l’azote ! Ça fait une petite dizaine d’années que je fais ça. Mais cette année j’ai même mis du trèfle dans une parcelle de betteraves… »
Pour pallier la perte des fleurs, Emmanuel Dervaux compte déconvertir une parcelle pour y mettre des pommes de terre de consommation. Pour le reste en conventionnel, Emmanuel Dervaux cultive du blé, maïs grain et betteraves sucrières.
La chicorée bio, elle, résiste. « Je plante en avril et je récolte en novembre. Ensuite on fait sécher. » Son séchoir date de la construction de la ferme : 1870. « Il y a eu quelques modifications mais pas tant que ça. Beaucoup de fermes avaient un séchoir. Aujourd’hui, je suis tout seul, raconte Emmanuel Dervaux. Notre séchoir est relativement petit, je peux faire sécher entre neuf et dix tonnes par jour, donc je dois étaler la récolte car une fois récoltée, la chicorée ne se conserve pas. En gros, pour sécher un hectare, il faut compter cinq jours. »
Ensuite il faut stocker pour que les clients puissent venir toute l’année. « Mon client numéro un est Chicorée du nord (voir ici) et quelques grossistes en herboristerie. »
Pour faire des économies, l’agriculteur a renoué avec une pratique aujourd’hui à la mode mais en réalité très ancienne : la culture sous couvert.
S’il songe parfois à arrêter, Emmanuel Dervaux le répète : « Une année après l’autre… Arrêter la chicorée bio pour le moment non car mes clients sont exceptionnels et puis c’est une vraie fierté de participer à cette filière. »
Églantine Puel
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