Il a suffi d’un apéro pour qu’ils se trouvent, échangent, déjà, puis se lancent dans une aventure commune, celle de la Ferme de la Ricarderie. « On est mariés professionnellement », sourit Céline Vroux, à propos du binôme qu’elle forme avec Pierre Mouchon, son acolyte. Si les deux se sont si bien trouvés, c’est qu’ils ont cheminé avec une même volonté avant de se connaître. Pourtant, tous deux ont des parcours bien éloignés.
Céline, 36 ans, est originaire de la région parisienne, bien loin du monde agricole. Mais ses études en aménagement du territoire l’y ont menée. « J’ai toujours eu une sensibilité pour limiter l’étalement urbain, préserver les terres agricoles de la pression foncière. Et au fur et à mesure de mon parcours, je me suis rendu compte que ça allait me servir, mais que c’était dans une temporalité très longue et que j’avais un besoin d’action plus immédiat. »
Pierre, lui, est originaire de Bersée. Le Nordiste de 31 ans a d’abord été un féru de biologie, accumulant les stages en laboratoires de recherche et en entomologie. « Je me suis passionné pour la science des insectes, dit-il. J’ai eu l’opportunité de publier dans des articles scientifiques à l’université et c’est là où j’ai lu des études concernant les pressions et menaces sur les insectes. » L’étudiant se rend compte que l’usage des pesticides, particulièrement, est néfaste. Il choisit alors de bifurquer vers des études d’ingénieur agricole et obtient son diplôme avant de partir en Australie. Là-bas, il travaille dans des fermes et y découvre la permaculture. Un autre déclic. « C’est là où je me suis dit qu’elle rejoignait ma philosophie pour le monde agricole. » À son retour, il est décidé à lancer son exploitation en permaculture, il évoque la question avec ses parents et obtient carte blanche pour s’installer sur les terres familiales.
C’est finalement en 2018 qu’il rencontre Céline lors d’un apéro organisé par une connaissance qui a alors le nez creux. Le projet se concrétise deux ans plus tard, en 2020. D’abord à trois avec François, qui ne fait aujourd’hui plus partie de l’aventure. L’objectif est de partir en autofinancement, pour se détacher de toute dépendance bancaire et très vite, car le hasard fait bien les choses, des habitants du coin et des alentours, intéressés par leur projet, décident de les accompagner. Une Amap, association pour le maintien d’une agriculture paysanne, naît de cette volonté commune.
L’engagement de Céline et Pierre est de cultiver des légumes sans aucun produit chimique. « On est labellisés bio, mais on va bien au-delà » soutient Céline. L’ambition du duo est de restaurer et préserver la biodiversité sur l’exploitation. Un engagement écologique et éthique inscrit dans leur ADN. La ferme a ainsi bien changé depuis qu’ils en ont pris les commandes.
Création d’un étang qui apporte une biodiversité « inquantifiable » avec le retour et l’arrivée d’oiseaux, d’insectes, de poissons… 2 500 arbres plantés, semis de nombreuses fleurs messicoles, travail avec des variétés fruitières locales, mais aussi et surtout pas de traitements curatifs, seulement préventifs. Pierre est catégorique : « Pas de produit curatif, si c’est mort, c’est mort. Et c’est pour ça qu’on reste ultra-diversifié et qu’on ne met pas tous nos œufs dans le même panier. Il peut y avoir une année pourrie pour les pommes de terre (comme cette année, ndlr), cela ne représente qu’une petite part des légumes. »
Et ça fonctionne ! De 25 paniers au départ, ils ont aujourd’hui des contrats signés à l’année pour 103 paniers hebdomadaires. Il y a même une liste d’attente avec une bonne quinzaine de personnes qui aimeraient bien devenir Amapiens, comme Céline et Pierre aiment à les appeler. Des Amapiens pour la grande majorité originaires de Bersée et des alentours qui participent directement à la tâche en participant à la logistique les jours de distribution. Des moments qui permettent les échanges. « Il y a un lien fort qui se crée. Ce n’est plus une relation de producteur à client, mais de paysan à Amapien », explique Céline qui s’estime chanceuse de pouvoir vivre cette aventure.
L’organisation en Amap permet au binôme d’avoir une sérénité financière, qui n’est pas un luxe pour « essayer, expérimenter ». Avec encore beaucoup d’idées en tête pour développer un projet qui est (déjà) une belle réussite. « On ne court pas après l’argent, conclut Céline. On travaille pour nos Amapiens » L’humain avant le business, toujours.
Kévin Saroul
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