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Même un maraîcher ne doit jamais mettre tous ses œufs dans le même panier. Un principe de base en agriculture. Et ça tombe bien puisque la courge, produit parfaitement adapté aux terres et aux ciels nordistes, c’est en réalité des dizaines de variétés. Un arc-en-ciel de cucurbitacées, drôle de nom de cette famille qui regroupe les courges comestibles et les coloquintes, destinées à la décoration. Une richesse qui offre mille et une recettes et la possibilité, même, d’embobiner les enfants. Tentant, non ?
C’est le message diabolique qu’ont fait passer jeudi 29 septembre Basile Decrock, conseiller pour la coopérative Norabio, et Pierre Campion, maraîcher adhérent à Pitgam (59) et administrateur de la coop. Ce dernier en a rejoint les rangs en 2017 et achève, c’est le contrat, sa mise en conversion bio : aujourd’hui 18 hectares sur les 30 qu’il cultive sont en agriculture biologique, 1,5 en première année de conversion et les 10,5 restants le seront l’an prochain.
En plus de ses pommes de terre, céréales, pois, haricots secs, lin et framboises, cette année le Pitgamois a semé 2 hectares de courges, pour un résultat de 30 à 35 tonnes de produits. 60 % de la récolte sont destinés à l’industrie et les 40 % restants au marché du frais.
La transformation, elle, se passe essentiellement en Bretagne ou à Comines (59), mais il n’est pas impossible que les courges de Pierre atterrissent aussi chez Trinature, gros site de transformation implanté à Blaringhem (59) depuis 2021. « 60-40 : une proportion standard chez nos adhérents », confirme Basile qui évoque « 1 000 tonnes de courges commercialisées l’an dernier par la quarantaine de producteurs adhérents répartis sur le Nord et le Pas-de-Calais, soit 5 % de leur surface agricole utile (SAU) ».
Il faut dire que « la région est propice, avec ses terres profondes et son climat ni trop chaud ni trop sec. » Jusqu’à présent, on est d’accord. Alors ici aussi, on subira une perte de rendement de 15 % au moins – le légume est un réservoir d’eau, il pâtit logiquement de la sécheresse – et une augmentation des coûts de gasoil (x2), de main-d’œuvre (+ 8 %), de fertilisants (x 1,5), des emballages (+ 5 à 10 %)…
Chez Pierre Campion, les courges destinées à l’industrie seront récoltées cette semaine mais celles destinées au marché de frais l’ont été fin août : 80 ares à raison de 120 h de travail/ hectare : une opération très délicate réalisée à quatre ou cinq personnes. « Les courges sont particulièrement fragiles et il faut être très précautionneux pour pouvoir les conserver jusqu’à mars dans l’idéal », explique le producteur qui précise encore : « Une fois ramassées, elles sont entreposées dans un environnement à 12° avec 70 % d’humidité. Et ventilées en permanence d’autant que le premier mois, les courges vont perdre 20 % de leur poids en eau. » On vous laisse calculer le coût de la note pour les ventilateurs et le chauffage en hiver mais aussi celui des courges elles-mêmes : plus elles seront stockées, plus elles coûteront cher à la vente. Mathématique.
Un argument en faveur de cette invitation à se lancer dans la déclinaison culinaire des courges dès aujourd’hui. « Les mois de janvier, février, mars sont ceux où l’on écoule généralement le plus de courges, dévoile l’agriculteur : des mois froids où on va consommer beaucoup de soupes notamment. » Mais voilà, les cucurbitacées ne sont pas condamnées à passer uniquement au mixeur au cœur de l’hiver, non. Les dizaines de variétés appellent au moins autant de déclinaisons en cuisine.
De quoi permettre une alimentation variée : des assiettes aux formes, textures et couleurs différentes, c’est du plaisir renouvelé pour une consommation végétale qui n’a pas le goût de la punition. C’est à ce moment-là qu’on vous parle de la magique courge spaghetti dont la chair devient filandreuse après cuisson, prenant la forme de l’aliment numéro 1 dans le cœur des enfants : des pâtes ! Accommodée de sauce tomate ou façon carbonara, elle convainc même les plus récalcitrants.
Une diversité qui permet aussi aux cultivateurs de multiplier les variétés qui donneront plus ou moins, d’autres qui se conserveront davantage.
Et au sein même des variétés, des différences de gabarits en fonction des marchés : « Alors qu’une courge pèse en moyenne 2 kg, on produira plutôt des produits de 800 grammes pour les inclure dans des paniers de légumes », indique Basile Decrock dont le travail de conseil concerne la production mais aussi la vente « et la mise en phase des besoins des clients avec les productions ».
Et si chez Pierre Campion on produit en majorité des potimarrons orange « qui se vendent et se conservent le mieux », on peut trouver sur les étagères une dizaine de ces variétés vertes, blanches ou jaunes. Quinze tonnes vouées à passer l’hiver mais que le producteur, c’est l’essence du message du mois de la courge, n’est pas contre écouler au plus vite.
Quelle est la meilleure…
En soupe ? La bleue de Hongrie.
En gratin ? La courge spaghetti.
En purée ? Le potimarron ou la butternut.
Farcie ? La pomme d’or ou la baby boo, les petites, mais aussi la delicata.
Au four ? Toutes ! Mais attention, seule la peau du potimarron se mange.
En dessert ? La sucrine du Berry qui peut même remplacer le beurre en pâtisserie.
Et pour Halloween ? La Jack o’lantern évidemment, pour sa forme idéale à creuser. Comestible, elle n’est pas la plus savoureuse.
Justine Demade Pellorce
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