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14-05-2025

Dominique Dupilet : « Le Pas-de-Calais, c’est un pays de culture et d’histoire »

Dominique Dupilet a mis sa vie au service du Parti socialiste et du Boulonnais. Il revient sur son parcours.

À 80 ans et après plus d’un demi-siècle de vie politique, Dominique Dupilet (PS) conserve intacte sa foi en son territoire : le Pas-de-Calais et le Boulonnais en particulier. © J. D. P.

« J’étais parti de la maison, à Boulogne, sans être candidat. Sur la route le téléphone n’a pas arrêté de sonner et quand je suis arrivé à Arras, ils m’ont désigné président du conseil général. Ma femme n’était pas au courant et j’ai demandé à mon fils de l’appeler pour préparer le terrain, elle ne pouvait rien lui refuser. » Cette scène se déroule en 2004 lorsque Dominique Dupilet, 60 ans, vient de choisir de rempiler pour un ultime mandat de conseiller départemental sans imaginer qu’il allait être propulsé à sa tête. Façon d’achever en beauté une vie dédiée à la politique et à son territoire. Une scène rendue possible par la rencontre de quelques hommes, pense-t-il du haut de ses 80 ans.

Le proviseur du lycée Mariette d’abord qui, client du salon de coiffure de son père, conseille d’y inscrire le jeune garçon : il y sera le seul fils d’artisan. « Grâce à lui je suis allé au-delà du certificat d’études. Il m’a beaucoup aidé tout au long de mon parcours et j’ai enchaîné sur des études de droit à Lille », remonte l’octogénaire qui évoque la deuxième rencontre déterminante de sa vie. « J’ai adhéré au club Léo-Lagrange de Boulogne pour apprendre à jouer aux échecs, c’était un club de loisirs pour les jeunes fondé par Pierre Mauroy. »

Résultat, Dominique Dupilet adhère dès 1962 aux jeunesses socialistes, et il ne sait toujours pas jouer aux échecs… Idem pour le droit, où il fait « beaucoup de politique, pas beaucoup d’études ». Il quitte la fac, devient surveillant au lycée Mariette, où il retrouve avec joie Maurice Wibrech, « le proviseur providentiel ». Dès 1963, il intègre le bureau départemental du Parti socialiste : « C’est un copain qui m’avait invité à une réunion du PS et j’avais été étonné qu’on y parle autant de la politique internationale que des questions les plus concrètes de la vie quotidienne. Cette dimension pragmatique, cette idée de pouvoir faire m’ont séduit d’emblée. »

Pays de culture et d’histoire

En mai 68 sonne l’heure du service militaire et notre homme, « pas toujours d’accord » avec la hiérarchie, euphémise celui qui gardera sa réputation de grande gueule, est muté en Allemagne où il se trouve « très bien ». À son retour, il passe par la case administration, en service hospitalier : très peu pour lui. Entre-temps il a été repéré par Pierre Mauroy qui lui propose de devenir permanent de la fédération Léo-Lagrange. « À partir de là, la politique et le leadership ont tout emporté », résume-t-il évoquant les prédictions le plaçant « futur maire de Boulogne : ils se sont trompés », balaie celui dont cet échec politique restera le plus grand regret. « Si j’avais été élu maire de Boulogne, on n’aurait pas parlé de Dunkerque ou de Saint-Omer mais de Boulogne », juge celui que la conviction des forces de son territoire pourrait faire passer pour arrogant. Or c’est l’amour de sa ville, qu’il continue à habiter avec vue sur mer, qui l’anime.

Élu secrétaire du PS de Boulogne en 70, adjoint à la jeunesse et à la communication du maire de Boulogne un an plus tard, il s’épanouit. « Et lorsque je joue les candidats suicides aux municipales dans le canton rural d’Hucqueliers, je suis largement battu mais j’en retiens une expérience intéressante. »

1973 : Dominique Dupilet est élu suppléant aux législatives, apprend en accompagnant partout son député qui n’a pas le permis de conduire et se retrouve propulsé benjamin de l’Assemblée nationale en 1977 au décès de son titulaire. En 1978, il est élu sur son nom propre. « Totalement légitime », il se penche sur les sujets maritimes, touristiques et écologiques. En 1981, élections partielles : le Fabiusien devant l’éternel est réélu sur sa circonscription.

Entre-temps, il est devenu conseiller général du Pas-de-Calais, mandat qu’il conservera jusqu’en 2015. « Ils m’ont proposé le tourisme pour que je ne les embête pas, ils n’y croyaient pas. Moi j’ai tout de suite compris quels étaient nos atouts en la matière. Le Pas-de-Calais ce n’est pas que le Paris-Roubaix et les mines, c’est aussi un pays de culture et d’histoire. Et un département frontalier », milite celui qui regrette qu’on ne traverse pas plus facilement la Manche. En 1977, il est aussi devenu vice-président de la Région en charge des mêmes questions, également président des Espaces naturels régionaux, du comité régional de tourisme (il créera notamment le salon Tourissima).

La foi en son territoire

1980 : nouvelle rencontre déterminante, avec Michel D’Ornano, alors ministre de l’Environnement de Giscard. « C’est à ce moment qu’est créé le label Grands sites de France, et que le premier désigné est celui des 2 caps », s’enorgueillit l’homme qui cite les caps comme son endroit préféré sur Terre. Il est aussi celui qu’on appellera « le député du tunnel sous la Manche » : un projet décidé en 1986 et achevé en 1994. Un symbole du trait d’union que le Boulonnais souhaite créer avec les Anglais.

Alors qu’il est élu maire de Wimereux en 1989 puis réélu en 1993, et qu’il prend la présidence du district du Boulonnais (ancêtre des intercommunalités), il « bataille pour que les trains empruntant le tunnel s’arrêtent à Calais ». Il est aussi à l’origine de la création de l’Ulco (l’université du littoral Côte d’Opale) ou encore de la mise aux normes européennes de Capecure, la zone portuaire de Boulogne. Quand il décide de ne pas repartir pour les législatives en 2002, il mène la campagne de son « jeune et dynamique successeur » : Jack Lang.

Nous voilà en 2004 et le faux départ à la retraite, le dernier mandat de conseiller général pour la route qui se transforme en présidence de dix ans. Le mandat lui donne un véritable pouvoir faire dont il se saisit pleinement jusqu’à la retraite, en 2015. « Et mon épouse décède en 2017. Nous n’avons pas beaucoup profité des voyages que nous avions prévu de faire », regrette aujourd’hui celui qui se dit « seul ». Mais qui, grâce à une foi inébranlable en son territoire et quelques rencontres déterminantes, aura propulsé le Pas-de-Calais en terre de culture. 

Justine Demade Pellorce 

Dominique Dupilet a publié un livre fin 2024 aux éditions Engelaere. Issu d’entretiens avec Jean-Jacques d’Amore et préfacé par son mentor politique Laurent Fabius, celui-ci reprend en détails et quelques images un parcours riche.

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