C’est l’esprit d’entreprendre qui a conduit Jean-François Walraeve et son fils Alexis à s’investir dans la petite brasserie du Pavé, implantée au cœur de la Pévèle et qui en reprend les trois consonnes : PVL, le nom de sa bière. « À l’approche de la cinquantaine, je n’ai pas eu envie qu’un patron me dise qu’il n’avait plus besoin de moi, que je lui coûtais trop cher… » Motivé par une envie de liberté qui remonte à l’enfance, dit-il, Jean-François Walraeve choisit de quitter son emploi de gestion chez le leader français de production de tableaux électriques pour se lancer. Dans un projet de reprise, comme il avait pu en conduire pour des clients dans son parcours aussi passé par le marketing industriel.
Pas à sa place à l’école jusqu’à ce qu’il y prenne goût à l’Epic (école professionnelle des industries lilloise) et enchaîne le parcours depuis le CAP jusqu’au BTS en n’oubliant pas de retourner sur les bancs d’une école de commerce à presque 40 ans, il étudie, aidé par un cabinet, 11 dossiers d’entreprise à reprendre. De la distribution de matériaux à l’industrie de peignage en passant par la société d’aménagement, ce qui l’intéresse plus que le produit, c’est le projet. Et lorsqu’il apprend qu’une petite brasserie fondée en 2012 cherche un repreneur, il voit dans son goût pour cette bière-là un atout supplémentaire.
Quand Jean-François Walraeve décide de reprendre, il propose à Dominique Dillies, le photographe retraité et fondateur de la brasserie, de rester à ses côtés pendant deux ans. Il a tout à apprendre.
Et c’est cette page blanche qui convainc Alexis, aujourd’hui âgé de 30 ans, de rejoindre l’aventure avec son père une fois diplômé de son école de commerce où il obtient un master en finances. Lui se destinait davantage à l’audit et au conseil, il avait d’ailleurs trouvé son stage de fin d’études dans un cabinet parisien, avant de bifurquer par la brasserie. « Je suivais de loin les projets de mon père et je ne me projetais dans aucun d’eux car je ne voyais pas ce que j’aurais pu apporter. Là, tout était à faire : mon père et moi partions de zéro en termes de connaissance de la brasserie et il fallait tout mettre en place », raconte le fils.
En 2017 la brasserie s’installe dans ses nouveaux locaux à Ennevelin (59) – un million d’euros d’investissement pour une capacité de fermentation de 3 200 hectolitres par an – et notre binôme se lance, accompagné du fondateur de la brasserie surtout dévoué aux relations extérieures et la gestion d’un apprenti. Alexis repart six mois pour boucler son master puis revient pour ne plus repartir.
Aujourd’hui, la brasserie c’est six salariés, huit recettes permanentes, trois de saison et quatre éphémères par an dont la dernière en date ne peut pas laisser indifférent. « Il s’agit de l’Imperial en Pévèle, une impérial sour : une bière acide et plutôt forte avec 8,5° d’alcool. Nous y avons ajouté du fruit de la passion, de la mangue et de l’abricot pendant la fermentation et terminons sur une infusion de vanille pour la douceur finale », dépeint le trentenaire. Lorsqu’on demande à son père de raconter sa préférée, il opte sans hésiter pour la tourbée, « une bière de la catégorie des bières fumées, au bois de chêne et à la tourbe, qui tire à 9,5° : j’aime sa rondeur, son épaisseur ».
Deux recettes qui traduisent l’identité de la brasserie qui revendique des produits de qualité, au goût affirmé. « On ne lésine pas, ici il faut deux mois pour faire une bière », indique l’un ou l’autre. Ce qui ressort, c’est aussi une forme d’ambition. « Une brasserie, c’est un escalier : il faut investir régulièrement », formule Jean-François Walraeve qui annonce déjà un déménagement pour 2027-2028. « Pour continuer à progresser il faut grandir », pense-t-il.
Et pouvoir accueillir les visiteurs et autres professionnels souhaitant s’immerger le temps d’un séminaire. 800 personnes sont accueillies aujourd’hui, en poussant toujours un peu plus les fûts, l’objectif est de créer une brasserie qui accorde leur pleine place aux visiteurs. Un tourisme brassicole, que la Cité de la bière régionale qui s’implantera en Flandre en 2027 entend fédérer et auquel la brasserie du Pavé entend bien prendre sa part.
« Mon idée est de devenir une maison de bières de référence », annonce Jean-François Walraeve qui imagine un chai fabriqué spécialement pour la brasserie afin d’y faire vieillir certaines recettes en fûts. Les canaux de distribution, cavistes, épiceries fines et hôtellerie-restauration sont à l’image de cette quête d’exception : pas une bouteille en supermarché.
Et quand le quinquagénaire s’ose à rêver encore plus grand, il raconte comment le projet serait achevé s’il parvenait à créer son domaine en rachetant un château, il en a repéré quelques-uns à vendre dans la Pévèle, et en y construisant la brasserie. Une bière au vrai goût d’entreprendre.
Justine Demade Pellorce
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par Justine Demade Pellorce
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