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Depuis qu’elle s’est installée, en 2014, France Daguisy, productrice à Fresnes-lès-Montauban (62), a toujours observé des punaises sur ses fraises. Associée avec sa mère sur une exploitation en grandes cultures, France Daguisy a mis en place un atelier de libre cueillette dès son arrivée. Elle cultive des fraises et des légumes de plein champ, ainsi que quelques fraises sous abris froids.
Et en matière de punaises, la productrice voit de tout. “J’ai de la biodiversité ! dit-elle avec le sourire. Des punaises diaboliques, des bois, des punaises de l’ortie…”
Ce sont sur les fraises remontantes que l’agricultrice observe le plus de dégâts, notamment des déformations. “Sur des variétés à la forme habituellement bien lisse et nette, j’obtiens parfois des sortes de grosses virgules, avec un côté joufflu et l’autre en pointe.” Mais ce n’est pas le seul constat qu’elle fait : “Un coup de temps en temps, c’est aussi le goût qui change, un goût d’amande amère… de punaise.”
Globalement, même s’il est difficile de chiffrer les dégâts, elle estime les pertes liées aux punaises à 5 % de sa récolte. “C’est préjudiciable car ce sont des fraises que je valorise moins bien. Mais j’ai quand même un débouché pour ces fraises puisque je fais de la confiture”.
Son cas n’est pas isolé. “Au cœur de la région Hauts-de-France, la production de fraises est de plus en plus confrontée à des attaques de punaises phytophages”, estime la Fredon (Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles).
Mais les connaissances sur les différentes espèces de punaises, tout comme les moyens de lutter contre elles, sont très limitées. C’est pourquoi la structure vient de lancer une enquête auprès des producteurs de la région. Une enquête qui s’inscrit dans le cadre du projet Api’Nord (agriculture et protection intégrée pour le développement durable dans le Nord), financé par le conseil départemental du Nord.
L’enquête de la Fredon est disponible ici.
Reconnaître une punaise : Les punaises, ou hétéroptères, sont des insectes de type piqueur-suceur. Elles sont caractérisées par leurs ailes, uniquement présentes lorsque les individus sont devenus adultes. Les ailes antérieures, appelées hémélytres, sont composées de deux textures : la partie à proximité de la tête est épaisse ou sclérifiée tandis que l’extrémité est membraneuse. Les ailes postérieures sont membraneuses. Au repos, les ailes sont rangées le long du corps, se rejoignent et se recouvrent, laissant apparaître entre leur base le scutellum .
“L’augmentation du nombre de punaises observées pourrait être liée au fait qu’il y a de moins en moins d’insecticides, aux échanges mondiaux ainsi qu’au changement climatique”, avance Amandine Mollet, ingénieure en recherche et développement en grandes cultures et fraises à la Fredon Hauts-de-France.
Mais que font exactement les punaises dans les plants de fraisiers ? ” Quand la fraise est en fleur, la punaise se nourrit en perforant les akènes. Cela crée une déformation au niveau des fruits, explique la spécialiste.“
Un goût de punaise ou une odeur peuvent aussi être transmis à la fraise. “C’est un ravage qui a été évoqué et qui reste à confirmer. “ Et d’ajouter : ” Les pertes de rendement peuvent atteindre 80 %. “
“Nous voulons aussi identifier quels facteurs sont favorables à leur développement, notamment dans l’environnement de la parcelle et les pratiques des agriculteurs.”
Amandine Mollet, Fredon Hauts-de-France
L’enquête mise en place par la Fredon a pour premier objectif d’identifier les espèces qui causent des dégâts. Certaines pourraient en effet être présentes sans entraîner ni déformation ni mauvais goût. “Au terme de l’enquête, nous devrions réaliser chez quelques producteurs des prélèvements de punaises afin d’identifier les espèces présentes. Mais aussi, si nécessaire, les mettre en élevage à la Fredon, ajoute Amandine Mollet. Au stade larvaire en effet, il n’est pas possible de déterminer l’espèce car tous les critères d’identification ne sont pas réunis. Il faut donc les élever et les laisser grandir pour les identifier.”
Elle poursuit : “Nous voulons aussi identifier quels facteurs sont favorables à leur développement, notamment dans l’environnement de la parcelle et les pratiques des agriculteurs.”
Dans la région, aucun moyen de lutte n’est pour le moment recommandé. “Dans le sud-ouest de la France, ils préconisent d’installer des plaques engluées bleues, notamment pour pouvoir observer les punaises, ajoute Amandine Mollet. Certains producteurs prennent des initiatives et l’enquête pourrait aussi permettre de mettre en lumière ces pratiques.”
Laura Béheulière