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Au Pays du coquelicot (Communauté de communes située dans la Somme), le rouge est une couleur emblématique. Elle est associée au souvenir des combattants tombés sur le front lors de la Première Guerre mondiale. Une zone de combats dans laquelle s’est retrouvée piégée la ferme de Belle-Église, comme en témoignent les restes d’un blockhaus de 14-18 à l’entrée du village d’Arquèves.
C’est sur cette terre, celle de leurs aïeux, que Bastien Deloraine et Nicolas Sénéchal ont choisi de s’installer. En démarrant une production de fraises, les jeunes agriculteurs défendent la couleur locale.
À la ferme de Belle-Église, le roman familial continue de s’écrire. Bastien, 26 ans, et Nicolas, 30 ans, constituent la quatrième génération aux commandes de l’exploitation. Ces cousins se sont associés en 2018.
“Nous avons succédé à notre grand-père qui a développé la ferme en grandes cultures : céréales, betteraves, semences fourragères et pommes de terre fécule“, indiquent-ils. Tous deux sont diplômés d’un bac agricole, obtenu à l’Institut Saint-Éloi de Bapaume (62).
Bastien possède également un BTS production végétale décroché à l‘Institut de Genech (59) et une licence en management qu’il a passé à Laon (02). Des formations dans lesquelles ils ont pu puiser pour imaginer un projet commun post-installation.
“Nous avions à cœur de créer quelque chose de nouveau sur l’exploitation, souligne Bastien Deloraine. Il nous a fallu du temps pour trouver la diversification idéale, mais une fois notre choix fixé, tout est allé très vite.”
En mai 2019, les associés décident de se lancer dans la production de fraises, qui s’intercale bien entre leurs travaux des champs. Dès le mois de juin, ils passent commande de leurs plants. En juillet, ils signent le devis pour la serre. En l’espace de trois mois à peine, les voilà donc futurs fraisiculteurs.
Les moissons et les récoltes d’automne finalisées, Nicolas Sénéchal et Bastien Deloraine n’ont qu’une idée en tête : ériger leur serre qui accueillera les fraises. “Nous avons passé une bonne partie de l’hiver à construire nous même le bâti, expliquent les agriculteurs motivés. La famille et les proches nous ont donné un bon coup de main !”
Une fois achevée à la force des bras, la chapelle de 1 800 m2 est recouverte de bâches par une entreprise spécialisée. À l’intérieur, les repiquages des 12 000 plants de fraises commencent le 15 février 2020. Ils se poursuivent jusque début avril.
“Les fruits poussent en hors-sol dans des bacs de terreaux, détaille Nicolas Sénéchal. Les eaux de pluies qui tombent sur la serre sont récupérées et redirigées vers un système automatisé qui irrigue les cultures. Nous ne faisons aucun traitement sur nos fraises.”
Après quelques semaines de végétation, les rouges de Belle-Église pointent le bout de leur nez. Dream, Darselect, Duchesse et Malling, les quatre variétés implantées et fournies par Pepimat (basé à Noyon – 60), sont cueillies pour la première fois le 1er mai.
“À la Pentecôte, fraises on goûte“, dit cet ancien dicton. Grâce à un printemps très ensoleillé, Bastien et Nicolas n’ont donc pas attendu cette échéance pour faire déguster la récolte qu’ils cueillent chaque jour à l’aube.
La commercialisation de leurs fruits, ils l’ont voulu ultra-locale. “Nous fournissons à la demande deux supermarchés du secteur, deux magasins fermiers, un estaminet-épicerie, un maraîcher et un vendeur ambulant, précisent-ils. Deux ventes sont aussi organisées par semaine : le mardi de 16 à 19 heures à la ferme et le samedi matin à Beauquesne, le village voisin.”
Entamer la vente directe en pleine crise sanitaire du coronavirus n’a pas pénalisé les deux compères, au contraire. “Lors de notre première distribution, les 200 barquettes sont vite parties”, se réjouissent Nicolas et Bastien. Il faut dire qu’ils ont utilisé efficacement les réseaux sociaux pour faire part de leur démarche à travers annonces, photos et vidéos.
Il reste encore un mois aux amateurs de fraises pour en profiter. Mi-juin sonnera en effet le glas de cette première saison. Un baptême du feu réussi à la ferme de Belle-Église.
Simon Playoult