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C’est une réunion de crise qui se profile dans les locaux de la Cuma ” L’accueillante “, à Bois-Bernard (62). Les murs de la salle sont garnis de feuilles A4, qui listent les ” avantages ” de la structure, les ” stratégies “, les ” moyens ” à explorer… ” Ce à quoi on réfléchit ici, c’est quoi faire pour perdurer “, résume son président, Alain Cordier.
La Cuma L’accueillante, c’est avant tout une histoire qui roule. Elle est créée par six ou sept agriculteurs au milieu des années 1980, ” cela va faire 40 ans qu’on existe, ça ne nous rajeunit pas “, plaisante Dominique Chopin, le vice-président qui compte “34 ans de service”. La première année, on y achète une presse, la deuxième un déchaumeur, puis vient l’épandeur… Désormais, elle possède son propre hangar et atelier de réparation ainsi qu’un employé. ” Aujourd’hui, je n’ai plus qu’un tracteur et un pulvé chez moi “, assure Alain Cordier. “L’accueillante”, nommée ainsi pour sa volonté d’ouverture, est toutefois confrontée à un enjeu fort contemporain : le vieillissement et le non-renouvellement de la profession.
” La Cuma, finalement, vit à plein pot ce qui se passe dans le monde agricole : le nombre d’installations ne suffit pas à compenser les départs à la retraite “, regrette son président. Elle compte, aujourd’hui, 44 membres, dont une bonne partie de seniors. ” Le peu de jeunes qui s’installent le font souvent pour agrandir des exploitations déjà existantes, ou alors ils sont pluriactifs “, détaille encore Alain Cordier. Dans les deux cas, ils se tournent rarement vers la Cuma, bien qu’ils y soient les bienvenus. Car la structure, finalement, subit aussi un changement de mentalité et de société, qui tend à l’individualisation. ” Des grosses exploitations, ça a toujours existé. Mais autrefois, on allait davantage vers le collectif “, dit Frédéric Humez, le trésorier.
C’est donc aussi ” l’esprit cumiste ” qu’il convient de réanimer. Pour ce faire, les adhérents de la Cuma L’accueillante soulignent les nombreux avantages du groupe. D’abord, la mutualisation des outils et, par extension, la maîtrise des coûts de mécanisation et la lutte contre le surendettement. ” Ensemble, on peut accéder à du matériel aux options plus poussées, plus techniques “, insiste Frédéric Humez. ” D’autant qu’avec la réglementation qui veut qu’on utilise de moins en moins de pesticides, il va falloir mécaniser davantage, énonce Dominique Chopin. Hors Cuma, c’est compliqué, certains ne le réalisent pas. “
Adhérer à une Cuma permet aussi de lutter contre l’isolement, dont les conséquences sont parfois dramatiques chez les agriculteurs. “Avec toutes les incertitudes que l’on vit, du fait des évolutions réglementaires et environnementales, on crée un espace de solidarité plus que bienvenu”, commente Alain Cordier. Et face aux problèmes qui se posent, ” dix cervelles c’est toujours mieux qu’une seule “, rit le président.
De fait, les défis sont plus faciles à relever ensemble. Lorsqu’ils se montrent insurmontables, la solidarité compense. Une année, après que toutes les fécules de pommes de terre ont gelé, les adhérents de “L’accueillante” se sont cotisés pour aider les agriculteurs impactés. “Personnellement, ma ferme serait morte si je n’avais pas eu de Cuma, détaille Alain Cordier, qui élève de la volaille et possède 50 hectares. Ça me permet aussi de dégager du temps pour avoir d’autres activités : avant, mon père passait un mois sur ses betteraves, maintenant, pour moi, c’est à peine un jour, et il me reste un moment pour boire le café. “
Les arguments sont réfléchis, et font sens auprès de qui les entend. Reste, désormais, à bien les communiquer. Les adhérents de la Cuma L’accueillante ont appelé la Fédération régionale des Cuma Hauts-de-France (FRCuma) en renfort. Un dispositif d’accompagnement spécifique a été mis en place et Sophie Hardy et Romane Quintin, toutes deux ingénieures conseil en développement et animation de projets collectifs, ont passé quelques jours à Bois-Bernard, afin de ” travailler à la restructuration de la Cuma et à la manière d’attirer de nouveaux arrivants “. Rapidement, l’idée a été lancée d’organiser un week-end portes ouvertes. La proposition a été adoptée à l’unanimité : la Cuma L’accueillante accueillera, donc, les 8 et 9 décembre lycées agricoles, voisins, familles, agriculteurs : quiconque en poussera les portes sera le bienvenu.
Le renouvellement des générations est une problématique “partagée par de nombreuses autres Cuma, assure Sophie Hardy. Beaucoup envisagent de s’ouvrir à de nouvelles techniques, afin d’attirer des jeunes.” C’est le cas de “L’accueillante” qui aimerait se positionner sur le matériel innovant, à l’instar des robots désherbeurs. “Mais nous restons à l’écoute des besoins des nouveaux arrivants et nous ne sommes fermés à aucun projet ou achat de matériel : tout sera étudié”, promet Alain Cordier. Frédéric Humez renchérit : “On peut se le permettre car notre Cuma a une situation économique saine, du fait de son ancienneté.”
S’ils se sont emparés de cette problématique à bras-le-corps, les adhérents l’assurent : ce n’est pas pour eux, qui se rapprochent de la retraite et ” de toute façon, ne partiront pas avec la Cuma”, mais bien pour les jeunes, à qui ils ont tant à transmettre.
Marion Lecas