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En Ukraine, Ganna Kozoroz était dentiste. Son époux, Serhiy Kozoroz, exerçait dans l’industrie pharmaceutique. Désormais, ils travaillent l’ail au sein de la ferme Potdevin-Caron, à Cuincy dans le Nord. Ils ont fui Kiev ensemble en mai 2022, pour rejoindre leur fils, Ivan, installé dans le Pas-de-Calais.
Cet emploi, ils l’ont trouvé grâce à l’association Solidarité Artois Ukraine, qui intervient “exclusivement auprès des familles ukrainiennes sur l’Arrageois et le territoire Lens-Hénin-Beaumont”, précise son fondateur, Alain Petit. Il estime être en contact avec 90 familles environ, bien que les chiffres “fluctuent beaucoup”, du fait de l’incessant ballet entre ceux qui arrivent et ceux qui repartent.
Solidarité Artois Ukraine n’accompagne pas directement les familles mais soutient le réseau de professionnels qui le font. L’association a ainsi des interlocutrices Ukraine chez Pôle Emploi Arras et Pôle Emploi Lens, des contacts auprès des différents centres d’hébergements et d’autres structures, à l’instar du Secours catholique. L’association répond à différents besoins exprimés par les familles ukrainiennes, dont le plus prégnant est celui de se réunir. “Les familles sont dispersées partout sur le territoire, certaines, en milieu rural notamment, souffrent d’isolement car elles ne possèdent pas de voiture. Plus que tout, leur souhait est de se retrouver entre Ukrainiens, de parler ukrainien, de parler du pays…”, détaille Alain Petit.
L’association s’apprête donc à organiser un déjeuner de Noël, le samedi 23 décembre. La réception aura lieu dans “la magnifique salle polyvalente”, avec cuisine toute équipée, d’un petit village au sud d’Arras*, de moins de 200 habitants. Jusqu’à 120 couverts peuvent être servis, bien que le fondateur de l’association table pour l’instant sur 60 à 80 convives. Le déjeuner, fourni par un traiteur, sera complètement gratuit, grâce à une subvention de la Fondation de France – “que l’on remercie tous les jours”, insiste Alain Petit. Trois communes du Pas-de-Calais ont également apporté une petite aide pécuniaire, qui permettra à l’association de louer un bus, allant de Lens au village en question, en passant par Arras et le bassin minier.
Déjà, le 7 décembre 2022, à l’occasion de la Saint-Nicolas, un goûter avait rencontré “un franc succès” selon Alain Petit. Ganna Kozoroz confirme et témoigne d’un événement “qui a fait beaucoup de bien”: “Les tables étaient dressées, les enfants recevaient de petits cadeaux et de nombreuses friandises, ils chantaient des chansons et récitaient des poèmes. Les Français nous ont traités avec beaucoup de soin. Nous leur sommes très reconnaissants”, décrit celle qui rêve désormais de rester en France et d’y exercer dans le secteur médical.
Pour Noël, de nouveau, une distribution de jouets offerts par un fabricant français devrait avoir lieu. Et côté musical, les jeunes Ukrainiens sont en charge de la playlist.
Contrairement au Noël chrétien, fêté le 25 décembre, Noël en Ukraine est fêté le 7 janvier selon le calendrier orthodoxe.
Si l’association demeure “attentive” aux dates, elle assume ne pas toujours pouvoir “coller au calendrier ukrainien”: “Pour la société française, cette première semaine de janvier est une période de creux, il y a peu d’activité. On est en permanence entre l’Ukraine et la France, on tient compte des deux, on tente de faire un mix”, explique Alain Petit, qui espère pouvoir fêter Pâques, très suivie en Ukraine. L’important, ajoute le retraité, c’est de laisser la possibilité aux réfugiés de “passer un moment festif, durant lequel ils oublient un peu”. Tous, de fait, ont vécu des épisodes dramatiques, qu’il s’agisse de voir bombarder sa maison, de ne plus avoir de nouvelles de membres de sa famille ou de perdre des proches. “Nous avons une dame qui est veuve de guerre”, soupire Alain Petit.
Ce 23 décembre, les Français prévoient donc de faire table à part, pour “ne pas leur gâcher le plaisir en les obligeant à parler français”, rit le fondateur de l’association. Le moment sera ukrainien, mais il sera surtout celui d’un partage culturel. “En 2021, je ne savais rien de l’Ukraine. J’en apprends tous les jours à leurs côtés”, souligne Alain Petit.
Parmi ses autres missions, l’association Solidarité Artois Ukraine promeut l’insertion par l’emploi en organisant notamment des Job dating Ukraine. Le dernier en date a eu lieu à Arras, le 5 décembre, et a réuni 77 Ukrainiens et 15 entreprises régionales. Afin d’étoffer son réseau, l’association lance un appel “aux structures qui font la même chose ailleurs”. Plus ils seront nombreux, plus les associatifs pourront donner de la voix aux histoires qui le méritent.
À l’instar de celle des joliment nommés Valentyn et Valentyna, respectivement âgés de 74 et 71 ans, qui recherchent une solution de logement durable dans l’Arrageois**. Une propriété à garder, à sécuriser, contre petits travaux que Valentyn, menuisier de métier, pourrait réaliser. Le couple, de fait, n’est pas dans la possibilité de payer : ils disposent d’une allocation pour les demandeurs d’asile (ADA) de 17,20 euros par jour, quand Valentyn touche une retraite de 70 euros par mois. “On aimerait tellement qu’ils trouvent quelque chose. On sait que c’est mission quasi impossible mais…”, dit Alain Petit, laissant sa phrase en suspension, comme pour signifier que les miracles de Noël, ça n’arrive pas que dans les films.
Marion Lecas
* Pour toute information, contacter Alain Petit : 07 49 36 99 73.
** Pour toute information, contacter Alla Zalizny (leur fille) : 06 59 29 07 00
Retrouvez l’épisode 1 de notre série Noël autrement : Un moment de solidarité
Retrouvez l’épisode 2 de notre série Noël autrement : Des fêtes (presque) zéro déchet