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Le croisement trois voies pour sélectionner le meilleur

17-08-2023

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Terre à terre

Commencé en 1999 en Californie, le croisement trois voies est aujourd’hui un programme de croisement validé par trois études scientifiques. Placée sous le nom de ProCross, cette race mixant holstein-montbéliarde-vikingred est aujourd’hui fortement implantée en Suède.

Californie, 1999. Un groupe d’éleveurs laitiers constatent que leurs troupeaux sont victimes d’une baisse de la fertilité, de la production et que leurs vaches subissent des problèmes de santé récurrents… Parmi ce groupe, Mike Osmundson qui, ayant observé que le croisement était souvent bénéfique en filière porcine et en filière volaille, pense à croiser ses holsteins.

« Il s’est dit qu’il pourrait en tirer les mêmes avantages et prendre le meilleur de chaque race », explique Sven Johnsson, chef de zone export pour ProCross en Suède.

Un pari risqué qui a fait ses preuves rapidement.

Montbéliarde et VikingRed : le meilleur combo

Au départ, le groupe d’éleveur avance à tâtons. « Ils ont testé une vingtaine de voies différentes pour en arriver à cette rotation holstein-montbéliarde umotest-vikingred », raconte Sven Johnsson.

Certaines races ont ainsi été évincées comme la rouge norvégienne ou la jersiaise, « soit parce que les croisées n’atteignaient pas les standards de production requis, la santé des pis ou la vitalité générale, soit parce que la taille des animaux était trop éloignée de la holstein pour être un croisement efficace », explique d’ailleurs ProCross. De même, l’idée d’un croisement quatre voies a été testée mais « on s’éloignait trop de la holstein et donc les gains en productivité étaient moins bons », précise Sven Johnsson.

Finalement, c’est donc la montbéliarde umotest et la vikingred qui sont retenues. La première pour sa condition corporelle, son taux protéique, sa fertilité et sa longévité. La seconde pour ses index santé positifs, sa facilité de naissance, sa solidité et sa production de matière utile. Enfin, la holstein est conservée car « les holsteins sont les meilleures vaches du monde pour produire du lait… Tant qu’elles restent en bonne santé », sourit Sven Johnsson.

Des résultats scientifiques

À force de tests, le groupe d’éleveurs californiens observe des résultats positifs avec des vaches qui produisent bien et qui sont plus résistantes. Fort de ces observations, le groupe, désireux de formaliser cette méthode de croisement, participe à une étude scientifique en 2002. Menée par le professeur Les Hansen et le Docteur Brad Heins de l’université du Minnesota aux États-Unis, cette première étude dura 10 ans.

La consanguinité est un risque calculé, pas une coïncidence. Mais à la fin des fins, ce sont les éleveurs
qui ont des problèmes, pas les entreprises de croisement. »

SVEN JOHNSSON, CHEF DE ZONE EXPORT POUR PROCROSS EN SUÈDE

En 2012, les premiers résultats ont été publiés sous le titre « Californian trial » dans le Journal of dairy science et révélaient que les animaux croisés étaient supérieurs aux holstein pour la fertilité et présentaient moins de cellules somatiques, moins de problèmes de vêlage et moins de mortinatalité. L’étude démontrait également que la production sur la carrière des vaches était également supérieure.

Fortes de ces résultats, les coopératives Montbéliarde umotest et VikingGenetics ont uni leurs forces pour créer ProCross. Fait notable, l’étude se basait sur des croisements deux voies (holstein-montbéliarde ou holstein-vikingred) et posait en hypothèse que les résultats pourraient être encore plus intéressants sur des animaux croisés trois fois du fait de l’effet hétérosis.

L’effet hétérosis

Ce gain de performance, qui s’ajoute à la moyenne des deux parents, lié au brassage des différents allèles des différentes lignées génétiques est « un cadeau du croisement », plaisante Sven Johnsson. Concrètement, en utilisant trois races, selon ProCross, on obtient en première génération 100 % d’hétérosis, en deuxième génération également puis en troisième génération, 75 % d’hétérosis. On arrive donc sur un gain moyen de 86 %. Pour cela, il faut respecter la rotation de trois races (voir le schéma).

9 % : C’est la hausse de profit journalier que promet ProCross avec ses vaches, comparées aux holsteins.

26 % : C’est la baisse des frais de vétérinaires par rapport à un élevage 100 % holsteins.

Selon une seconde étude de 2019, là aussi de l’université du Minnesota, et portant cette fois sur 3 500 génisses croisées en trois voies, cet effet hétérosis se traduit par + 9 % de profit journalier entre les holsteins et les croisées ProCross, + 10 points de conception à la première insémination artificielle, – 26 % de frais vétérinaires, + 8 % d’efficacité alimentaire, 147 jours de carrière supplémentaires et + 16 % de revenus à la réforme.

En plus de donner des vaches rentables et durables, Sven Johnsson le dit sans détour : « C’est aussi un moyen de lutter contre le phénomène de consanguinité. Aux États-Unis, on estime qu’environ 10,09 % des vaches sont consanguines. C’est un risque calculé, pas une coïncidence. Mais à la fin des fins, ce sont les éleveurs qui ont des problèmes, pas les entreprises de croisement. »

En France et en Europe, le sujet reste tabou en ce qui concerne la filière bovine. « On ne pense qu’en termes de productivité dans cette filière. C’est pour cela que le croisement est mal vu, alors même que dans les filières porc et volaille, on le pratique depuis longtemps. Il faut convaincre. »

Choisir pour mieux produire

Pour Sven Johnsson, croiser offre la possibilité aux éleveurs de « choisir ce qu’ils veulent comme vaches. S’ils veulent des vaches plutôt petites, il faut démarrer la rotation avec une red ; si on veut une vache forte, on démarre par de la montbéliarde, par exemple. »

ProCross a même créé un indicateur, le PCRs, qui regroupe les qualités recherchées dans chaque race pour le croisement trois voies chez les taureaux. Plus cet indicateur est élevé et plus le taureau est conseillé pour le croisement ProCross.

Ainsi, on cherche chez les taureaux holstein la production de matière (matière protéique et matière grasse) et la santé des pieds. Chez les taureaux montbéliard, on favorisera un bon tempérament, une facilité de naissance et une bonne qualité des mamelles. Enfin, du côté de la vikingred, on observera la production de matière, la santé des pieds et la qualité des mamelles. Aujourd’hui, ProCross est implanté dans onze pays. 

Eglantine Puel

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