Décidément ; les années se suivent mais ne se ressemblent pas. Alors que le printemps 2024 avait été particulièrement pluvieux dans les Hauts-de-France, depuis janvier 2025, la région connaît un déficit pluviométrique inédit : « Le mois de mars affiche l’un des niveaux de précipitations les plus bas depuis six décennies », confirme Patrick Marlière, directeur du bureau d’expertise météorologique Médias Weather.
Ce manque de pluie mais aussi des changements brusques de température (rappelons-nous que la semaine passée, nous avons perdu 10 degrés en 24 h !), s’ils ne surprennent plus, inquiètent les experts du territoire. Alors que les autorités préfectorales du Nord ont décidé vendredi 16 mai 2025 de placer le département en vigilance sécheresse, le premier niveau d’alerte, quelles conséquences pour la végétation ? Comment se projeter sur l’été ? Se dirige-t-on vers un 2022 bis ?
Selon la Dreal Hauts-de-France, « avril a été un mois avec peu de pluies sur l’ensemble du bassin, entre 11,8 mm (à Valenciennes (59) et 29,8 mm (à Saulty (62). Le littoral du Nord et l’Avesnois sont les zones où les cumuls mensuels de précipitations ont été les plus faibles avec moins de 15 mm. Sur la région, les cumuls mensuels de précipitations sont restés déficitaires. Même s’il est moins important que durant le mois de mars, le déficit pluviométrique sur le bassin était d’environ 60 % par rapport à la normale 1991-2020 ».
Pour autant, « les niveaux piézométriques (c’est-à-dire des nappes phréatiques, ndlr) mesurés sont contrastés mais se situent globalement modérément hauts ou proches de ce niveau ». Ce que confirme Patrick Marlière : « La recharge hivernale a limité la baisse des nappes, qui culminent habituellement en mai-juin avant de décroître jusqu’à l’automne. Les experts estiment donc que, malgré un tassement ponctuel en février-mars, aucune alerte grave n’est à signaler pour l’instant. »
Cela dit, dans son bulletin du 14 mai, le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) indique que « concernant les nappes du nord du territoire, les niveaux sont en baisse après trois mois de pluies déficitaires. La période de vidange s’est mise en place dès février sur les nappes réactives et en avril sur les nappes inertielles du bassin de l’Artois et du centre du bassin parisien ». À titre de comparaison, au 1er mai 2024, le niveau des nappes se situait selon les zones entre « très haut » et « haut » alors qu’au 1er mai 2025, le niveau se situe entre « modérement haut » et « autour de la moyenne ».
Pour autant, selon Vianney Fouquet, chargé de mission au Conservatoire botanique national de Bailleul, « côté végétal, on s’en moque un peu car ce n’est généralement pas l’eau des nappes qui est mobilisée, mais bel et bien l’eau « superficielle ». La baisse du niveau des nappes peut être plus problématique pour les tourbières, qui ne peuvent exister que si elles sont constamment ennoyées. Une tourbière qui s’assèche, c’est de la matière organique qui est décomposée par les micro-organismes, le milieu qui s’enrichit et se fait coloniser par quelques espèces très gourmandes en nutriments, cela au détriment de la flore originelle du milieu » (lire notre édition du 9 août 2024).
Et d’ajouter : « Accessoirement, une tourbière qui s’assèche, par ce biais, c’est aussi une très grande quantité de carbone relâchée dans l’atmosphère, donc une amplification du dérèglement climatique. À l’échelle mondiale, les surfaces terrestres sont recouvertes par 3 % de tourbières… qui stockent 30 % du carbone ! »
« Il nous faut revoir notre façon de penser : aujourd’hui une belle journée n’est plus une journée ensoleillée où la chaleur écrase tout, mais une journée de pluie, bienfaisante, appuie le chargé de mission. Pour pousser, les plantes ont besoin d’eau au printemps et en été. Or, il n’y en a plus, alors que la période d’activité photosynthétique s’allonge d’année en année. En gros, les plantes ont besoin d’eau plus longtemps alors qu’il y en a moins. J’ajouterai que la chaleur est un phénomène aggravant la sécheresse, car les plantes transpirent aussi (évapotranspiration, ndlr). C’est comme si on nous donnait la même quantité d’eau à 20 °C et à 40 °C. Conséquence chez les arbres : perte prématurée des feuilles (l’organe qui permet à la plante de faire du sucre, donc des réserves, ndlr), ou mort des feuilles directement sur l’arbre. Une année ça passe, une autre pourquoi pas, mais à court terme, les réserves de l’arbre seront épuisées. »
Une situation qui rappelle à certains le printemps-été 2022. Pour rappel, la sécheresse qui avait alors frappé l’Hexagone et les Hauts-de-France était inédite par sa durée et son ampleur. Cependant, pour Patrick Marlière, « la comparaison avec l’été 2022, exceptionnel par sa longueur et ses températures, ne doit pas engendrer de fausses inquiétudes : si les déficits de pluie et les vagues de chaleur rappellent ce scénario, l’épisode reste concentré sur quelques mois, loin des neuf mois consécutifs de sécheresse vécus en 2022 ».
Et de rappeler que si l’origine de cette situation est un anticyclone qui « freine les perturbations, tandis que des températures supérieures aux normales accroissent l’évapotranspiration », ces phénomènes, exacerbés par le réchauffement climatique, « tendent à devenir la norme, amenant autorités et agriculteurs à renforcer la surveillance des nappes, à optimiser les pratiques d’irrigation et à anticiper de nouveaux dispositifs de réponse rapide, afin d’atténuer l’impact des sécheresses à venir ».
Côté agriculture, Patrick Marlière ajoute : » Les sols peinent à reconstituer leurs réserves hydriques, compromettant les cultures de blé et de betterave et fragilisant les terrains argileux, propices à la fissuration des bâtiments. «
Pour les pommes de terre, le bulletin de santé du végétal du 13 mai indique que » ce temps globalement sec qui devrait perdurer au moins jusqu’en début de semaine prochaine rend le désherbage chimique problématique, tant en efficacité qu’en positionnement, sur des parcelles qui se salissent et qui lèvent ou ne vont pas tarder à lever. Les parcelles plantées fin mars / début avril présentent une végétation qui se développe. Les parcelles plantées mi-avril sont en cours de levée. La levée est imminente sur les parcelles plantées deuxième quinzaine d’avril « .
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Eglantine Puel
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