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Oiseaux : Baisse drastique des espèces agricoles

06-04-2023

Actualité

Hors-champ

C’est un fait : le nombre d’oiseaux s’amenuise en France, et dans les paysages agricoles en particulier. Entre freins et actions de préservation, le point sur un maillon essentiel de la biodiversité de nos territoires.

Il reste quelques rares couples d’œdicnème, ou courlis de terre, dans la région. © Jean delannoy

Le Nord-Pas de Calais abrite environ 180 espèces d’oiseaux nicheurs sur les 250 que compte le territoire national. Un nombre qui fluctue mais une tendance générale : la quantité d’oiseaux diminue.

« Jusqu’à -90 % des effectifs pour certaines espèces dites communes », pose Baptiste Boutilleux, du Groupe ornithologique et naturaliste du Nord-Pas de Calais (GON). L’association de protection de l’environnement est reconnue par l’État et désignée comme référente pour la faune sur les deux départements. Avec, c’est dans son ADN, les oiseaux en cœur de métier.

Parmi les espèces d’oiseaux, certaines se retrouvent spécifiquement dans les milieux forestiers ou urbains : pour elles la situation est relativement stable. C’est moins le cas pour les espèces des milieux humides. Et ça l’est encore moins pour les oiseaux liés au milieu agricole.

« On constate là une baisse drastique des effectifs, à l’image de l’alouette des champs : c’est une vraie perte de biodiversité », déplore ce spécialiste.

Car outre les espèces spécifiques (bruant jaune, perdrix grise, linotte mélodieuse, moineau friquet, hirondelles rustique et de fenêtre, vanneau huppé, pipit farlouse tout comme les busards et autres rapaces nocturnes), nombre d’espèces communes se retrouvent sur ces territoires agricoles. C’est le cas du pigeon ramier, du merle noir ou encore de la mésange charbonnière.

Le risque : la perte de l’espèce en région

Ce constat est documenté par le Suivi temporel des oiseaux communs, lancé par le Museum d’histoire naturelle de Paris et décliné en région.

Pour le Nord-Pas de Calais, l’inventaire 1995-2014 est en cours de mise en jour et permet, déjà, des constats édifiants sur les 20 dernières années. La population de linottes a diminué de 60 %, le bruant jaune de 70 % et celle du bruant proyer, espèce typique des milieux agricoles, de 80 %. Ces pertes vertigineuses en font des espèces en fort déclin.

Le risque à terme ? « C’est la perte de l’espèce à l’échelon régional. Or elle fait partie d’un tout, d’un écosystème (plantes-insectes-oiseaux-rongeurs-rapaces…). Et quand il manque un maillon, c’est toute la chaîne qui déraille », résume l’ornithologue.

Le GON travaille en étroite collaboration avec la chambre d’agriculture du Nord-Pas de Calais, « qui se penche activement sur ces questions depuis une dizaine d’années », explique Sophie Grassien.

La conseillère en biodiversité partage le constat des ornithologues et rappelle « la volonté politique, depuis 2014, de sensibiliser les agriculteurs à la préservation de ces espèces ».

Une prise de conscience qui s’oppose à cette idée au long cours que les oiseaux, et les rapaces en particulier, étaient des nuisibles. À ce sujet, il n’est pas superflu de rappeler que si la destruction de certains corvidés est autorisée au titre qu’ils appartiennent aux espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (Esod), les populations de corbeaux freux sont en déclin de 35 %.

Notez qu’une autre espèce, le chouca des tours, est un oiseau noir qui peut causer pas mal de dégâts sur le maïs mais que celui-ci est protégé. Pas question d’y toucher par conséquent !

Recréer de l’habitat et des garde-manger

Parmi les leviers pour sauvegarder cette faune sauvage, la reconstitution de l’habitat et du garde-manger des oiseaux. Pour ça, la réimplantation de haies ou de saules têtards, par exemple. Un mouvement amorcé, qui prendra des années avant d’arriver à maturité et produire les bénéfices optimaux.

Reste les actions de sensibilisation, le point de départ. « Pour ça, nous informons systématiquement les agriculteurs sur les busards lors des Groupes de développement agricole (Geda) », dévoile la conseillère de la chambre d’agriculture.

La chambre d’agriculture et le GON déploient d’autres actions cofinancées par l’agence de l’eau Nord-Pas de Calais.

« Les agriculteurs observent et entendent les oiseaux, ils ont déjà les bases : à nous de leur apporter un complément de connaissance », estime la conseillère de la chambre d’agriculture. Pour ça, la constitution d’un « carnet de l’explorateur », avec une sélection d’espèces animales et végétales présentes sur nos territoires, agrémentée de quelques informations et bon gestes. « Avec, toujours, c’est primordial, l’utilité que peuvent représenter ces espèces pour les agriculteurs », précise Sophie Grassien.

Une approche gagnant-gagnant qu’entretient ce message répété en boucle : les oiseaux sont d’excellents auxiliaires pour les cultures. Une prise de conscience alimentée par la plantation de bandes fleuries ou enherbées, de talus, de haies… « On parle de biodiversité utile », explique la conseillère consulaire.

« Si chacun fait un peu c’est déjà énorme »

« L’idée est d’accompagner au mieux les agriculteurs dans la transition agroécologique », milite Sophie Grassien, qui rappelle la production par la chambre d’agriculture du calendrier « Agriculteurs et oiseaux, une production perpétu’aile » en fin d’année, énième outil pour mieux connaître et agir en faveur des espèces menacées. Il est disponible gratuitement sur demande.

« Pas besoin de grosses actions pour contribuer à la préservation de l’équilibre, et si chacun fait un peu, c’est déjà énorme », invite Baptiste Boutilleux dans la veine du colibri. Il évoque ces agriculteurs qui font des petites choses spontanément, comme la préservation d’une bande d’orties sur un mètre de large car certains insectes en sont particulièrement friands, ou comme ce maraîcher à Baisieux (59), qui a choisi de créer une petite mare sur son exploitation pour que les hirondelles trouvent facilement la boue nécessaire à la fabrication de leurs nids. Depuis, près de 80 nids ont fleuri sur la façade de sa ferme devenue, de fait, l’une des plus grosses colonies de la région.

Les bords de champs sont aussi un endroit stratégique pour l’accueil des insectes et, par conséquent, de certaines espèces comme la perdrix grise qui va y nidifier. Les petits, insectivores durant leurs trois premiers mois de vie, y resteront jusqu’à prendre leur envol : il est donc important de ne pas les faucher jusqu’à l’automne. De manière générale, on évite la fauche ou la taille des haies du 15 mars au 15 août. « Dans un souci de simplification du travail, certains agriculteurs laissent parfois les angles perdus de leurs parcelles en pseudo-jachère. Ce sont quelques mètres carrés de rendement en moins mais un gain d’énergie et, surtout, de biodiversité intéressant », rappelle l’ornithologue qui invite à ne pas oublier : « Autant la diminution des espèces se fait rapidement, autant la restauration prendra du temps. »

Les agriculteurs impliqués dans la préservation

Depuis plusieurs années, en parallèle de la sensibilisation, des expérimentations et actions sont proposées aux agriculteurs pour mieux préserver les oiseaux.

En 2017, c’est par l’angle d’attaque des campagnols qu’ont été lancées les actions en faveur des rapaces nocturnes, les chouettes et autres hiboux. Dans le Cambrésis puis déployé sur l’ensemble du territoire, un dispositif permet aux agriculteurs volontaires de recevoir un ornithologue sur l’exploitation, qui acte ou non la pertinence d’installer des nichoirs pour les chouettes effraies. Si cela se justifie, des nichoirs peuvent être installés, financés par les territoires, l’agence de l’eau ou la chambre d’agriculture. En contrepartie, l’agriculteur s’engage à un suivi, en observant l’occupation du nid en cours de saison ou à un nettoyage à l’automne. 200 nichoirs ont été installés chez 129 agriculteurs depuis le lancement de l’expérience. Des panneaux, indiquant « Ici, j’accueille une chouette », sont apposés et visent à faire reconnaître l’implication des agriculteurs dans la préservation des espèces protégées.

Ces derniers sont d’ailleurs mis à contribution chaque année depuis 2017 dans le cadre du recensement des hirondelles. L’espèce, parce qu’elle est facilement reconnaissable et bénéficie d’un capital sympathie, est observée chaque année : les hirondelles rustiques et les hirondelles des fenêtres, toutes deux présentes en milieu agricole, font l’objet d’une enquête à laquelle les agriculteurs sont invités à participer en plus d’observations spécifiques du GON.

D’autres comptages ont lieu, comme sur les oiseaux dans les haies ou sur certaines espèces spécifiques comme le moineau friquet récemment. « L’objectif est de rassembler des indicateurs. Dresser un état des lieux pour démontrer l’utilité des actions mises en place », explique Sophie Grassien, de la chambre d’agriculture.

L’expérience des couverts granivores

D’autres expérimentations sont en cours, comme la plantation de semis granivores qui vont permettre d’apporter une source de nourriture pendant l’hiver, alors que les chaumes disparaissent et avec eux la ressource hivernale. Implantés en août et détruits en février, ces couverts sont composés de mélange d’avoine, phacélie et tournesol (additionné d’une légumineuse cette année, pour l’effet azote). Ils s’accompagnent d’un comptage des oiseaux présents sur site en décembre, janvier et février : une trentaine d’espèces ont pu être observées autour de ces couverts en 2020-2021, les plus concernées étant les sédentaires comme l’alouette ou le bruant. Une dizaine d’agriculteurs sont engagés et une fiche technique va être rédigée pour ceux qui seraient tentés par la démarche quelque peu contraignante, la destruction en février étant relativement tardive pour la suite de la conduite culturale. « Cette expérience concourt avec les infrastructures agro-environnementales, précise Sophie Grassien. Elle est réalisée dans le cadre de mesures agroenvironnementales et l’idée serait de pouvoir la financer pour service rendu. »

Dernière porte d’entrée : les bâtiments qui, neufs ou rénovés, offrent moins d’abris aux oiseaux diurnes comme aux rapaces nocturnes. « Nous travaillons ce sujet avec les conseillers qui peuvent guider vers les aménagements pertinents. Nous aidons à restaurer mais le mieux est de préserver », avance-t-elle avec cet exemple de la communauté de communes de Flandre intérieure qui offre, avec les nichoirs, des plançons de saules à planter en parallèle. 

Justine Demade Pellorce

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