Laure Verdeau a grandi au milieu des champs de clémentines, en Corse, dans une famille où « les femmes étaient tout le temps au régime » : voilà pour l’ancrage à la terre et l’origine de son rapport à la nourriture. À 43 ans, l’encore directrice nationale de l’Agence bio revient sur les raisons qui l’ont conduite à « mettre son temps de cerveau au service de l’agriculture bio ».
Encore, parce que le vote massue d’un amendement du Sénat le 17 janvier dernier milite pour la suppression de l’Agence, soutenu par la ministre de l’Agriculture. Une annonce faite sans aucune concertation et qui a pris tout le monde au dépourvu, y compris les premiers intéressés. Tout ça au grand dam de l’ensemble de la profession, vent debout à l’annonce de la volonté de supprimer l’Agence, depuis la Confédération paysanne jusqu’à la FNSEA, depuis le réseau Biocoop jusqu’au groupe Carrefour. Un petit miracle en soi. Mais rembobinons sur les engagements de l’encore directrice, donc.
Elle commence par opter pour une école de commerce, parce qu’elle était une bonne élève imagine-t-elle, et se destine à travailler pour les grands groupes, L’Oréal et consorts. Dans les faits, elle fait du conseil stratégique pour le cabinet américain Bain & Company jusqu’en 2010. « Mais ma clef de lecture du monde, c’est la nourriture : les livres, les films, je les aborde par ce prisme. Or, quand vous bossez dans le conseil vous faites 100 heures par semaine : ça, je pouvais l’accepter. Mais les plateaux-repas et les bagels, je ne l’acceptais pas », remonte celle dont les meilleurs moments, alors, sont ceux où elle s’accorde le temps d’aller acheter sa salade chez Cojean (l’un des pionniers de la restauration rapide saine). « C’était tellement important pour moi que j’ai rencontré le fondateur », mesure-t-elle.
À la même époque, la jeune femme tombe sur le livre de Mickaël Pollan, journaliste d’investigation américain qui décortique les rouages de l’alimentation dans Le dilemme de l’omnivore. C’est à ce moment-là qu’elle décide d’aller offrir son temps de cerveau à la cause, celle d’une meilleure alimentation. « J’ai commencé par remettre des produits locaux dans les rayons de Franprix. Je sillonnais alors la France pour trouver des fournisseurs de biscuits propres, de yaourts artisanaux… », synthétise-t-elle. Son envie « de servir les PME » est rattrapée par la réalité d’un milieu aux mains des fonds de pension et de l’industrie : « Je me retrouve à faire du conseil, comme avant », refuse-t-elle.
Elle rejoint la BPI (la Banque publique d’investissements) et son guichet unique pour l’accompagnement des PME, qui part alors du principe qu’il ne sert à rien de financer des entreprises qui ne seraient pas bien conseillées. En 2016, Laure Verdeau sillonne de nouveau la France et accompagne le développement de gammes bio dans la grande distribution. « Nous avons remonté les filières et touché une cinquantaine de PME par an pendant quatre ans. Sympa, mais sur les 17 000 PME, ce n’était définitivement pas assez », juge celle qui se tourne alors vers l’Agence bio. Une révélation.
« L’agriculture couvre la moitié du territoire et 68 millions de consommateurs sont en colocation avec 380 000 agriculteurs : nous avons tous notre droit de regard », milite la quadragénaire. « Le bio, c’est l’agriculteur qu’on voudrait comme voisin », formule-t-elle. « La solution au divorce entre ville et campagne », pense aussi celle qui prend la direction de l’Agence bio en 2021.
Créée 20 ans plus tôt, l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique, plus communément appelée Agence bio, est un groupement d’intérêt public qui rassemble représentants des pouvoirs publics (ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique) et professionnels (coopératives et fédérations). Après avoir largement documenté et financé la filière bio, l’Agence mise aujourd’hui sur la communication.
« Le budget alloué à la communication était de 500 000 euros contre 10 à 30 millions pour la promotion la viande ou du lait », pose Laure Verdeau. « Jusqu’alors, la priorité était de développer les filières, et on les a vraiment boostées : nous sommes devenus le premier pays européen en termes de surfaces bio (2,8 millions d’hectares, ndlr) et le premier vignoble bio au monde », mais il fallait passer à la vitesse supérieure pense-t-elle. Résultat, « un budget communication de 5 millions d’euros pour une filière qui, rappelle la directrice, n’importe que 29 % de la consommation nationale, dont les trois quarts sont difficilement substituables » (produits exotiques, crevettes).
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Pour Laure Verdeau, impossible de « relancer le bio » pour la simple raison qu’il n’a jamais été lancé. Elle prévient aussi qu’il serait contreproductif de réduire les surfaces parce que les consommateurs seraient moins présents. Parce que l’agriculture bio est essentielle à la biodiversité ou à la qualité de l’eau. « Aussi parce que notre conviction est qu’acheter bio n’est pas une question de pouvoir d’achat, mais une question d’envie et d’éducation, avec des habitudes de consommations qui diffèrent aussi. »
Elle alarme enfin sur la question du renouvellement des générations. « 40 % de ceux qui veulent reprendre, c’est en bio », milite Laure Verdeau. « Si on n’accepte pas ça, on aura droit à une saignée démographique dans l’agriculture », prophétise-t-elle et invoquant, quelques jours avant l’adoption de l’amendement mortifère, le « droit au bio ».
Justine Demade Pellorce
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par Justine Demade Pellorce
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