Été 68 : Christian Prudhomme a 7 ans et il vient de tomber amoureux. Amoureux du Tour de France. À partir de ce moment, il sait qu’il veut devenir journaliste, pour raconter les exploits des champions. Chaque été, il vit Tour de France et « le lendemain de l’arrivée du Tour sera longtemps le jour le plus triste de l’année », raconte le sexagénaire qui vibre désormais pour le Tour de France 365 jours par an.
Après une carrière de journaliste, il a pris la direction de l’événement sportif le plus populaire ayant jamais existé : des milliers de kilomètres, des dizaines d’étapes, des centaines d’heures d’antenne, des champions éternels et des exploits incandescents (sans occulter les quelque scandales) et tout ça sans un seul billet vendu.
Christian Prudhomme – sans l’apostrophe, que son père a supprimée la trouvant trop prétentieuse, dit la légende familiale – est né à Paris en 1960, « d’ascendance alsacienne » : la précision est importante, c’est son ancrage, les origines et les souvenirs de vacances parmi lesquels les bibeleskæs de sa tante, « une cuisinière hors pair ».
En 1983 il rejoint la 59e promotion de l’École supérieure de journalisme (ESJ) de Lille et enchaîne à RTL, au Courrier Picard, à la Voix des Sports et RFO. En 1987 il rejoint la 5, dès sa création : « Un espace de liberté incroyable » et à l’arrêt brutal de la chaîne, « le 12 avril 1992 à minuit », il se retrouve au chômage « comme les 800 autres. La rédaction a vécu 4 ans et 8 mois : assez pour s’apprécier et pas assez pour se détester. Les gens de la 5 sont mes amis pour la vie », explique le sentimental qui a encore une formule : « J’ai vécu trois naissances et un enterrement. » Il y ajoute la création de LCI en 1994 puis celle de l’Équipe TV en 1998, devenue la Chaîne L’Équipe, où il officiera.
Entre-temps, il couvre le Tour de France pour la première fois en 1995 pour Europe 1 : « Mon rêve professionnel. » Il prend la rédaction en chef des sports pour France 3 en 1999 puis rejoint France 2 en 2000 où il présente notamment Stade 2 et commente le Tour de France.
Après ça, impossible de rêver mieux en tant que journaliste et, en 2004, il rejoint ASO, la société qui porte le Tour de France. Après trois ans aux côtés de Jean-Marie Leblanc, il en prend la direction en 2007.
Nous avions la chance d’avoir une belle terrasse à Paris et j’y ai appris à rouler avec ma sœur et mon frère, avant d’être poussé par le Tour de France à descendre faire le tour du pâté de maisons.
… je serai journaliste, pour commenter le Tour. Nous avions gagné un lapin à la kermesse avec ma sœur et j’ai voulu devenir vétérinaire parce que j’aimais mon petit lapin. Puis ça a moins bien marché en maths au lycée et mon père a commencé à s’inquiéter pour moi. Un jour, mon frère lui a avoué que je voulais devenir journaliste sportif, que je commentais le Tour en cachette dans ma chambre : ça m’a libéré et ça a soulagé mon père qui ne souhaitait que notre bonheur.
Le meilleur c’est quand je sors de l’oral qui s’est bien passé. J’avais terminé 14e des écrits et je me répétais en boucle : « Tu seras journaliste ». Ma fille a d’ailleurs aussi fait l’ESJ de Lille et elle est aujourd’hui journaliste à Point de vue. Je n’ai franchement aucun mauvais souvenir de cette époque.
Le meilleur restera la couverture du championnat du monde de cyclisme sur route en 1989 à Chambéry : c’était la première fois qu’une épreuve était diffusée dans son intégralité à la télévision. Le pire : la fin brutale de la 5 sans hésitation.
Les deux mon général. La radio, c’est le média du rêve. Et l’information en continu bien avant internet et tout le reste. Ce sont les souvenirs du gamin qui zappe de chaîne en chaîne pour suivre les étapes et se faire le film. Par contre en tant que journaliste, j’ai préféré la télévision.
Le pire est la mort de Fabio Casartelli le 18 juillet 1995 dans la descente du col de Portet-d’Aspet. J’étais sur la moto d’Europe 1 et je suis passé à côté, j’ai vu la mare de sang. Je me souviens surtout du regard du médecin en chef du Tour de France, le même regard qu’avait eu mon père médecin lorsque nous avions assisté à un accident sur l’autoroute quand j’étais enfant et qu’il avait tenté de se rendre utile.
Le meilleur souvenir serait peut-être celui de l’enfant que j’étais, en 1971, face à l’incroyable échappée de Luis Ocaña, dit l’Espagnol de Mont-de-Marsan, devant le champion de l’époque : Eddy Merckx. Je me souviens de l’exploit mais aussi de sa retransmission, des images et des mots du commentateur. Et en tant que directeur du Tour, ce serait cette arrivée au col du Galibier en 2011 pour célébrer le centenaire de son premier franchissement par le Tour. Une très belle épreuve d’un point de vue sportif, avec une succession d’exploits, qui a aussi mis en lumière la prouesse technique et la fierté des équipes.
Raymond Poulidor : c’est lui qui m’a donné l’amour du Tour. Je cite souvent Bernard Thévenet, un autre champion, qui dit que « les champions de notre enfance sont les champions de notre vie ». J’ai aimé Poulidor pour son visage, sa bonhomie : le champion populaire, la gloire sans maillot jaune. Et je me revois en 1972, j’ai 12 ans. Ma mère et ma grand-mère sont assises sur le canapé bleu et je les vois, ensemble, encourager Raymond Poulidor. Elles avaient habituellement une classique relation belle-fille / belle-mère et là je me suis dit : « Mais alors, elles s’aiment ! » Et j’ai aimé le Tour pour ça aussi : l’amour. Si j’y suis venu pour les champions, j’y suis resté pour son aspect social. Je dis souvent que le Tour, c’est 3 500 kilomètres de sourires.
La première semaine sera une semaine de plaine en trompe-l’œil, une semaine pour les puncheurs, les favoris. Et dès le deuxième jour, l’étape Lauwin-Planque – Boulogne annonce une arrivée sportive : ce sera la première bataille entre les favoris du classement.
Justine Demade Pellorce
Lire aussi le premier volet de notre série dédiée au passage du Tour de France par le Nord-Pas de Calais.
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