Actualité
20-11-2024

Amputée d’un bras suite à une tentative de féminicide, Karine Boucher raconte son histoire

Victime d’une tentative de féminicide en 2010, Karine Boucher témoigne depuis pour lutter contre les violences conjugales.

Karine Boucher © H. G.

La journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes se déroule ce lundi 25 novembre. Une journée pour laquelle Karine Boucher est particulièrement sollicitée. Violences physiques, psychologiques, sexuelles, financières… Durant 23 ans, cette Audomaroise a vécu l’enfer avec son ex-conjoint, père de ses quatre enfants. « On me demande souvent pourquoi je ne suis pas partie, confie la mère de famille. L’emprise qui s’installe petit à petit, on ne voit pas le piège qui se referme, enchaîne-t-elle. Il m’isole de mes proches, me dit que je ne suis rien sans lui. On perd confiance. On finit par ne plus avoir de liberté, on réagit en fonction de ce qu’il va dire mais finalement quoiqu’on fasse rien n’est bien, les moindres déplacements et dépenses sont surveillés… Psychologiquement, j’étais morte. »

Elle alerte les forces de l’ordre et la justice

Et puis le 8 octobre 2010, après une énième dispute, Karine Boucher prend son courage à deux mains pour « s’évader » – comme elle le dit – de chez elle. Les semaines qui suivent, la mère de famille entame toutes les démarches pour trouver un travail, un logement… « J’étais déterminée », se souvient-elle. Une période durant laquelle son ex-conjoint la menace de mort à plusieurs reprises. Karine Boucher en parle à la gendarmerie, écrit une lettre au procureur de la République et au président du tribunal de grande instance de Saint-Omer. « J’y expliquais les faits, qu’il me menaçait de mort, je leur ai dit que je craignais qu’un drame survienne. Le courrier a été envoyé le 12 novembre, ils l’ont reçu le 15, mais rien… »

Trois balles tirées sous les yeux de son fils

Le 16 novembre 2010, alors qu’elle va chercher son fils à la sortie de l’école, son ex-conjoint est là, fusil à la main. Il lui tire dessus à trois reprises sous les yeux de leur fils, mais aussi de ses camarades et des parents d’élèves. « J’étais dans ma voiture, mon fils a crié « attention maman, papa va te tirer dessus ». Je me souviens lui avoir dit « sauve-toi, ne t’occupe pas de maman » ». Les balles toucheront sa tête, son épaule et le pli de l’aine sectionnant une artère fémorale et une veine humérale. Les blessures conduiront à l’amputation de son bras droit. S’ensuivront de multiples interventions chirurgicales et des mois d’hospitalisation et de rééducation. « Des mois de souffrance », lâche-t-elle.

À cela s’ajoute l’épreuve du procès en 2013. « À cette période, j’étais encore très fragilisée par la douleur. Et c’est un moment où on prend cher, les faits sont minimisés par les avocats de l’accusé, il faut se justifier… J’ai été dégommée, je ne me suis pas sentie victime et on n’est pas préparé à cela. » Un procès qui ne lui a pas donné toutes les réponses qu’elle attendait : « Pourquoi la justice n’a pas réagi à mes alertes ? La justice s’occupe des auteurs, s’inquiète de leur réinsertion… Mais moi, est-ce que quelqu’un s’est posé la question de savoir si j’avais un logement lorsque ma rééducation s’est terminée ? On se sent abandonné, la justice doit aussi prendre en charge les victimes. »

Le golf comme thérapie

La force de vivre, de se reconstruire, Karine Boucher l’a trouvée notamment grâce à la bienveillance du personnel soignant. « Je devais réapprendre à vivre avec un seul bras. Moi qui étais droitière, j’ai dû devenir gauchère. Il faut aussi apprendre à accepter ce nouveau corps, sa nouvelle image. » Un processus qui demande du temps, « cela ne se fait pas du jour au lendemain », insiste-t-elle.

Le handigolf, qu’elle découvre alors qu’elle est en centre de rééducation à Berck-sur-Mer, a joué un grand rôle : « Je me suis prise de passion pour ce sport, cela a été véritablement thérapeutique. Le sport m’a ouvert une nouvelle voie et si cela a marché pour moi, c’est que ça marchera pour d’autres qui vivent une situation difficile que ce soit lié à un handicap ou non. Il ne faut pas hésiter à franchir les portes d’un club. » Un sport qu’elle pratique aujourd’hui à haut niveau, elle est n° 1 dans la catégorie dame amputée d’un bras. Elle est aussi déléguée régionale Hauts-de-France de l’association handigolf et ne manque pas une occasion de promouvoir ce sport auprès des personnes en situation de handicap. Le 3 juillet dernier, elle a d’ailleurs porté la flamme olympique, torche que le comité Paris 2024 lui a offerte après avoir été touché par son histoire.

« Faire bouger les choses »

Depuis quelques années, elle témoigne de ce qu’elle a vécu pour « faire bouger les choses. Si cela peut donner la force à une femme de quitter son conjoint violent, c’est une victoire. » L’ambition est aussi que la prise en charge des victimes continue de s’améliorer. Karine Boucher intervient dans les formations de gendarmes pour l’accueil des victimes.

Un parcours qu’elle a décidé de mettre par écrit : son autobiographie, De toutes mes forces, sortira en avril. « J’y raconte mon histoire, sans haine. » Un long cheminement qui fait qu’aujourd’hui, elle l’assure : « Je suis heureuse et bien dans ma vie. Mais si je suis encore en vie, ce n’est pas pour rien : je veux continuer mes combats pour aider les autres. » 

Lire aussi : Ruralité : la « double peine » des femmes victimes de violences

3919, Violences Femmes Info : c’est le numéro national de référence pour l’écoute et l’orientation des femmes victimes de violences.

Hélène Graffeuille

Retrouvez tous les podcasts liés à l'actualité agricule de Terres et Territoires ici.

Partager l'article

femmes Hauts-de-France
Voir plus
Lire le magazine

Le silo d'infos

il y a
3 jours

Ça roulait fort à Hardifort !

Ce lundi 7 juillet, sur la troisième étape du Tour de France, Hardifort était au centre de l’attention avec sa fresque réalisée par la FD [...] Lire la suite
il y a
1 semaine

Coup de chaud dans les élevages

La première canicule de l'année a mis à rude épreuve les organismes des animaux. Une situation qui nécessite anticipation, adaptation et une tec [...] Lire la suite
il y a
2 semaines

Quels sont les effets des fortes chaleurs sur la santé ?

La chaleur a de multiples conséquences sur l'organisme dépendant de multiples facteurs et du ressenti de chacun. La vigilance s'impose face à des [...] Lire la suite
il y a
2 semaines

Travail en cas de fortes chaleurs : l’essentiel à savoir

La chaleur et la moiteur estivales peuvent mettre les salariés en danger sur leur lieu même de travail. À partir de quand fait-il trop chaud  [...] Lire la suite
il y a
3 semaines

Tour de France. Arras, élue « ville à vélo 2025 »

À deux semaines du passage du Tour de France dans le Grand Arras, le 6 juillet, la ville d'Arras vient d'obtenir le label Ville à vélo du Tou [...] Lire la suite
il y a
1 mois

La solidarité syndicale, moteur du changement ?

Lors de l'assemblée générale de la FDSEA du Pas-de-Calais ce mardi 3 juin à Vimy, sportif, industriel et éleveur étaient autour de la tabl [...] Lire la suite
il y a
1 mois

Macron, Douai, et le renouveau industriel

Déterminé à défendre son bilan à deux ans de la fin de son mandat, Emmanuel Macron a choisi Douai et sa nouvelle usine de batteries électriques [...] Lire la suite
il y a
1 mois

Benjamin Morel : « Il n’y a pas de vraie République sans partis politiques »

À la télé comme à l'université, Benjamin Morel vulgarise le fonctionnement de nos institutions politiques. Sans caricature ni jargon. Benja [...] Lire la suite
il y a
1 mois

Quelle jeunesse agricole dans les années 50-70 ?

Marie-Christine Allart, chercheuse en histoire, recherche des témoignages d'agriculteurs-trices et ruraux ayant eu entre 14 et 21 ans dans les [...] Lire la suite
il y a
2 mois

Bailleul. La fermeture de l’abattoir inquiète la filière ovine

L'abattoir de Bailleul va fermer, c'est une certitude. La question qui reste en suspens est sous quel délai ? Une annonce qui met en péril la [...] Lire la suite

Ecoutez son histoire !

par Justine Demade Pellorce

<< Gérante de la brasserie Thiriez, Clara parle de son parcours - venue pour 3 mois... il y a 11 ans ! >>

écouter