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21-11-2024

Rochemara : des savons solides, mais surtout solidaires

L’Esat de Rocheville, basé à Croix, a lancé sa propre marque de savons solides baptisée Rochemara. Une fierté, aussi bien pour la direction que pour les travailleurs. Rencontre avec cette joyeuse équipe.

Quatre savons différents sont actuellement fabriqués dans l’atelier de Croix. Deux baumes pour le corps et un déodorant rejoindront bientôt la gamme de Rochemara. © H. G.

À l’établissement et service d’aide par le travail (Esat) de Rocheville, organisme qui dépend de l’association des Papillons blancs de Roubaix-Tourcoing, la spécialité, c’est le conditionnement de produits. Mais depuis un an, les travailleurs en situation de déficience mentale qui y travaillent se sont lancés dans une nouvelle aventure : la fabrication de savons solides saponifiés à froid certifiés bio.

L’histoire remonte à 2022. À l’époque, l’Esat de Rocheville, basé à Croix (59) près de Roubaix, s’occupe, entre autres, du conditionnement de savons pour une entreprise de cosmétiques jusqu’à ce que cette dernière décide de sous-traiter la partie industrielle et de fermer l’usine de fabrication. « J’ai alors informé l’établissement que la collaboration s’arrêterait, se souvient Aurélien Bayard. Et c’est à ce moment que le chef d’atelier, Laurent Deligny, m’a répondu : « Et pourquoi on ne les fabriquerait pas nous-même les savons ? » », poursuit l’ex-employé de l’entreprise de cosmétologie devenu aujourd’hui chef de projet à l’Esat de Rocheville.

L’idée fait doucement son chemin et chacun étudie la faisabilité du projet. La décision de tenter l’expérience est prise. Aurélien Bayard et sa collègue, Justine Detourne, fraîchement licenciés, sont alors embauchés en février 2023 pour lancer le projet. C’est ainsi qu’est née la marque Rochemara.

Les deux chimistes, experts en cosmétologie, créent leurs propres recettes. « Nous souhaitions un savon fabriqué à partir d’ingrédients biologiques et saponifié à froid pour garder tous les bienfaits des huiles végétales et ainsi avoir un savon qui lave, hydrate et nourrit. Bref un savon qui soit bon pour la peau mais aussi pour la planète », souligne Justine Detourne.

Quatre savons pour lancer Rochemara

Les travailleurs de l’Esat ont été associés au projet dès son lancement : « Nous avons choisi le nom de la marque ensemble, nous leur avons aussi demandé leur avis pour les parfums des savons, les couleurs… », détaille Justine Detourne.

Rochemara, c’est donc quatre savons : l’Agrume aux notes acidulées de citron et d’orange, le Gourmand au doux parfum de miel et de coco, le Fleuri qui sent bon la fleur d’oranger et enfin l’Essentiel adapté à toutes les natures de peaux, même les plus sensibles.

Les deux cosmétologues ont également adapté le processus de fabrication aux travailleurs de l’Esat, car tout, sans exception, est fabriqué dans l’atelier de Croix, de la confection du savon au conditionnement en passant par la préparation des commandes. « La saponification à froid est un savoir-faire, nous avons séquencé toutes les étapes afin de les rendre accessibles aux travailleurs », explique la chimiste. Pesée, chemisage, mélange, découpe, conditionnement… Les travailleurs de l’Esat interviennent à chaque maillon de la chaîne de conception. « Nous avons mis en place quelques astuces, nous avons pris notre temps pour les former et nous les faisons travailler en binôme », poursuit la chef de projet.

La marque est officiellement lancée il y a un an, en novembre 2023. Aujourd’hui, une trentaine de travailleurs de l’Esat de Croix, qui en compte 139, ont été formés. Ainsi chaque jour, entre 500 et 1 000 savons Rochemara sont fabriqués dans l’atelier croisien.

Un atelier où la bonne humeur des travailleurs se mêle aux doux parfums des savons. « On a remarqué que dans l’atelier de fabrication de savons, les travailleurs étaient généralement plus détendus que sur les autres postes », avance Aurélien Bayard. Dans l’atelier, on confirme : « Moi, j’aime bien travailler ici, c’est ici que je préfère être », lâche l’un des travailleurs alors qu’il est train de mélanger les ingrédients qui formeront le savon. Pour Jérôme et les autres, c’est une grande fierté de fabriquer les savons Rochemara : « Je les utilise chez moi, ma famille et mes amis aussi, ça marche très bien et ça sent très bon », assure Jérôme qui, en plus de la fabrication, maîtrise également parfaitement les rouages de la vente de son produit !

Lire aussi : Lupi Coffee : l’alternative au café d’Anaïs Marescaux

La belle aventure de Rochemara rend fier l’Esat de Rocheville dans son ensemble.

Et il n’y a pas que les travailleurs qui sont fiers de ce projet, le directeur de l’établissement, Ali Louani, a le sourire aux lèvres lorsqu’il évoque Rochemara : « L’objectif de l’Esat est de donner du travail aux personnes en situation de handicap mental afin qu’elles puissent s’épanouir mais aussi développer un savoir-faire et un savoir-être. Alors y créer une marque propre, c’est encore plus fort, c’est exceptionnel, c’est la première fois que cela arrive dans l’association ! »

Pour cette première année, près de 30 000 savons sont sortis de l’atelier de Croix. Ils sont vendus sur place, à l’Esat de Rocheville, mais aussi dans une centaine de points de vente, notamment des magasins bios, des concept stores ou encore quelques pharmacies dans les Hauts-de-France. « Nous faisons également quelques marchés, avec les fêtes de fin d’année qui approchent, nous arrivons sur notre grosse période ! », indiquent les deux chefs de projet.

Ces derniers fourmillent d’ailleurs d’idées pour développer Rochemara, « c’est aussi indispensable pour atteindre la rentabilité », insiste Justine Detourne. Alors après les quatre premiers savons, deux baumes pour le corps verront le jour en décembre et un déodorant solide rejoindra la gamme en février prochain.

Des travailleurs qui ont « toujours le sourire »

Une belle aventure où chacun a trouvé sa place. « En arrivant ici, nous ne savions pas vraiment à quoi nous attendre. Mais nous avons été surpris dans le bon sens du terme. Nous avons été bien accueillis, les travailleurs ont toujours le sourire, sont heureux de venir fabriquer leurs savons. Ils sont aussi sans filtre, s’ils vous trouvent mal habillés, ils vous le diront, mais s’ils aiment ils vous le diront aussi ! Il règne une bonne ambiance, il n’y a pas de coups bas. Ce sont des personnes très attachantes. Cette aventure a été l’opportunité pour nous qui venions de vivre un licenciement de remettre de l’humain et du social dans ce que nous faisions », confient Aurélien Bayard et Justine Detourne qui ne regrettent absolument pas de s’être lancés dans l’aventure.

Et de conclure : « Nous leur avons transmis notre savoir, mais nous avons reçu beaucoup plus en retour ! »  

Hélène Graffeuille Hgraffeuille@terresetterritoires.com

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Bio Hauts-de-France production

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