Connaissez-vous la différence entre un potiron et une citrouille ? Une question que Jean-Luc Baclez a coutume de poser à celles et ceux qui viennent à sa rencontre ! À Bazinghen, entre Boulogne-sur-Mer et Calais (62), cet ancien professeur de mathématiques aujourd’hui retraité de l’Éducation nationale a trouvé un moyen bien à lui de concilier son amour de la nature et sa passion pour la création artistique : il transforme les courges en oiseaux.
Dans son atelier, les calebasses (une espèce de courge qui, une fois séchée peut servir de récipient ou d’objet de décoration, ndlr) deviennent des rouges-gorges, des faisans ou encore des gorgebleues à miroir, cet oiseau rare vivant principalement dans les milieux humides, comme le marais de Bazinghen. Un travail de patience et de finesse que le premier adjoint du village partage avec le plus grand nombre depuis près de 30 ans.
Jean-Luc Baclez est né en 1953 à Leubringhen (62), dans une famille de cultivateurs. Enfant, il court dans les champs, grimpe aux arbres et passe des heures à observer la faune et la flore qui l’entourent. « J’ai été éduqué dans un monde rural, donc toujours très près de la nature. Je me baladais partout et j’observais beaucoup. »
Jeune homme, il rêve un temps de reprendre la ferme familiale, mais la réalité des années 70 l’oriente vers un autre destin. « On dissuadait les jeunes de reprendre la ferme des parents à l’époque. Et puis j’étais plutôt bon à l’école. J’ai toujours eu des bonnes aptitudes en maths et en géométrie dans l’espace.«
Au retour de son service militaire, en 1974, il devient professeur de mathématiques. Une matière qu’il enseignera pendant plus de 40 ans dans le même établissement, le collège Saint-Martin, à Marquise (62).
Bien que sa carrière se soit déroulée entre quatre murs, Jean-Luc Baclez a toujours gardé un lien profond avec la nature. Il observe d’ailleurs avec une pointe de regret le rapport des nouvelles générations à leur environnement. « Aujourd’hui, les enfants passent beaucoup de temps devant leurs écrans. C’est dommage car visuellement, leur regard s’adapte différemment aux distances. Ils observent de moins en moins ce qui les entoure. » Lui, en revanche, continue chaque jour d’aiguiser son œil sur le monde extérieur en pratiquant la chasse et en cultivant un grand potager.
En tant que jardinier amateur, Jean-Luc Baclez cultive notamment des calebasses, une variété de courges aux formes singulières. « Après quatre mois de séchage, leur texture se transforme. Elles durcissent tout en restant légères. C’est un matériau idéal pour la sculpture. Et l’avantage de la calebasse, c’est que c’est une matière facile à travailler. Elle se situe entre le carton et le bois. Le carton, c’est trop mou. Le bois, trop dur. Et ça se découpe très bien au cutter.«
S’il lui arrive de sculpter d’autres animaux, ce sont avant tout les oiseaux qui nourrissent son imagination. Et pour leur donner vie, il n’utilise ni clou ni vis : « Je n’utilise que de la colle. » Son processus créatif repose sur la forme naturelle de la courge. « C’est la forme de la courge qui m’inspire. Je la regarde, je l’observe, et je me projette assez vite dans la création. » Le cougourdonnier réussit à reproduire ses oiseaux préférés avec une précision remarquable, restituant fidèlement leurs postures et la richesse de leurs couleurs. « J’étudie beaucoup avant de me lancer. Je m’inspire des couleurs des vrais oiseaux. Et pour affiner mes créations, j’utilise des coloquintes, des petites courges qui sont parfaites pour façonner des crêtes ou des becs ».
Depuis son arrivée à Bazinghen en 1984, Jean-Luc Baclez n’a pas seulement trouvé un terrain d’expression pour son art, il a aussi transmis sa passion pour les courges à tout un village. Acteur incontournable de la vie locale, il s’est engagé d’abord comme conseiller municipal puis est devenu premier adjoint en 2014. Mais surtout, il fait vivre depuis 1984 Le Bazing’, une association qui rassemble les habitants autour de moments conviviaux et festifs.
Grâce à lui et à une poignée de passionnés, la fête des potirons, lancée en 1998, est aujourd’hui un rendez-vous attendu. Chaque année, une douzaine de retraités cultivent près de 80 variétés de courges, du rouge d’Étampes à la butternut, en passant par la courge spaghetti. Et en octobre, tous les deux ans, la fête attire des centaines de curieux, venus admirer les récoltes, échanger avec les passionnés et découvrir la richesse insoupçonnée des courges. « L’objectif de cette fête est pédagogique, on veut faire découvrir les variétés de courges aux visiteurs. L’année dernière on en a récolté quatre tonnes !« , s’enthousiasme l’artiste.
C’est ainsi que, loin de son ancienne salle de cours, Jean-Luc Baclez continue de transmettre son savoir. « Je suis un vrai passionné de courges. Un cucurbitophile, comme on dit ! » En hiver, le retraité passe des heures dans son atelier, sculptant avec minutie les courges qu’il a soigneusement sélectionnées. Et au retour des beaux jours, il retrouve son jardin, cultivant des courges avec la même patience et le même amour du détail.
Et cette fameuse différence entre un potiron et une citrouille alors ? « C’est simple, tout se joue au niveau du pédoncule. Celui du potiron est rond et bouchonné, tandis que celui de la citrouille est côtelé et strié » Si un cucurbitophile vous pose un jour la question, vous ne pourrez plus dire que vous ne saviez pas !
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Julien Caron
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