Léa Gotté est titulaire d’un Master en agroécologie. Elle a aussi passé de nombreuses heures « les deux mains dans la terre » dans des fermes, notamment biologiques et paysannes comme elle aime le souligner, pour son travail mais également dans le cadre de woofing. Des études et expériences qui l’ont menée à un constat : « Les paysans ont besoin de soutien. L’agriculture bio, et surtout le maraîchage, est intensive en termes de main-d’œuvre. Les agriculteurs y travaillent parfois jusqu’à 60 heures par semaine et ont peu de week-ends. Ils sont confrontés à des troubles musculo-squelettiques à force de tâches répétitives parfois sous des conditions météorologiques peu favorables. Cela génère un mal-être physique auquel peut s’ajouter une problématique d’isolement. Ils exercent ces métiers pour y mettre du sens et ils perdent parfois ce sens car cela devient trop dur… », souligne la jeune femme de 31 ans.
À cela s’ajoute la triste réalité des chiffres : en 1900, 50 % des personnes actives étaient des paysans, aujourd’hui ils ne représentent plus que 1,5 %. « Depuis le début des années 2000, nous avons perdu la moitié des agriculteurs. Qui fera l’agriculture de demain ? », s’interroge Léa Gotté.
En face, elle constate que « les citoyens vivent de plus en plus en ville, derrière des ordinateurs toute la journée. Ils exercent des métiers où ils ne trouvent plus de sens, s’exposant à une forte dose de stress ou de surmenage… Parallèlement, leur préoccupation écologique est de plus en plus forte. »
Des souffrances qui se font finalement écho… C’est ainsi qu’est née l’idée du Quart-temps paysan, association qu’elle crée en 2023. « Mon ambition est de recréer du lien entre ces deux mondes qui se sont éloignés. Que les citoyens mettent aussi les mains dans la terre afin de se reconnecter au monde agricole et de faire de l’alimentation et de l’agriculture une préoccupation collective. C’est aussi un moyen de sensibiliser la population à ce que signifie produire au quotidien, à la saisonnalité des produits… Faire comprendre pourquoi un poireau produit à quelques kilomètres de chez nous dans des conditions qui respectent l’environnement peut être un peu plus cher qu’un poireau qui a fait des milliers de kilomètres avant d’arriver sur nos étals », énumère Léa Gotté.
Elle souhaite donc permettre aux gens d’aller dans des fermes agroécologiques afin d’échanger avec les paysans et de (re) mettre les mains dans la terre en venant leur prêter main-forte. Léa Gotté n’y voit que des bénéfices : « D’un côté, nous aurons des personnes qui (ré) intégreront les enjeux d’une production agricole nourricière, se (re) connecteront au vivant, (re) trouveront du sens et de l’engagement. De l’autre, des paysans qui partageront leurs savoirs et leurs savoir-faire et (re) trouveront soutien et reconnaissance. »
Le problème : organiser ces moments sur le temps libre est parfois compliqué, « le rythme de vie et les contraintes de chacun font qu’il ne reste que peu de disponibilités sur le temps personnel », reconnaît Léa Gotté.
La solution ? Organiser ces moments sur le temps de travail. Mais, les entreprises, elles, qu’auront-elles à y gagner ? « Il n’y a pas de contrepartie financière », prévient d’emblée la fondatrice du Quart-temps paysan. Et de poursuivre : « Cependant il y aura un gain en termes de qualité de vie en entreprise, les salariés seront plus motivés, cela leur permettra de sortir la tête du guidon de temps en temps. Cela peut avoir une vocation de fédérer les équipes. D’autant que selon une étude 97 % des salariés estiment que leur entreprise se doit d’avoir un rôle écologique sur son territoire », souligne-t-elle. La fondatrice de l’association espère notamment toucher des entreprises de l’agroalimentaire, « elles auront un intérêt direct en allant voir ce qui se passe en amont de leur activité, les salariés pourront mieux connaître les produits qu’ils transforment. »
Le projet de Léa Gotté séduit puisqu’aujourd’hui il est soutenu par Bio en Hauts-de-France, a intégré Évident !, l’incubateur régional dédié aux entreprises utiles à la société, en 2024, ainsi que le dispositif Un coup de fourchette pour demain de la Métropole européenne de Lille qui soutient des projets engagés dont l’ambition est de transformer la société sur la thématique du bien-être alimentaire. Une dizaine de bénévoles ont également intégré l’association pour épauler sa fondatrice.
À l’image de Vincent Cattiau, maraîcher à Villeneuve-d’Ascq, qui est emballé par le concept : « Tout se fait à la main sur mon exploitation, il n’y a pas de motorisation. Mon activité est donc très demandeuse en main-d’œuvre », explique-t-il. Le maraîcher organise régulièrement des chantiers participatifs sur ses terres, « on fait du désherbage, de la plantation… Des travaux accessibles à tout le monde qui ne demandent ni connaissance spécifique ni outil. Et cela est toujours une réussite, on partage un bon moment, on échange. Les gens repartent heureux en me remerciant alors que c’est à moi de leur dire merci car pour moi c’est très bénéfique puisqu’en une demi-journée nous réalisons des travaux que j’aurai mis plusieurs semaines à faire si je les avais effectués tout seul ! » Vincent Cattiau pourrait donc bien faire partie de l’expérimentation que Léa Gotté souhaite lancer dès le mois de mai. Elle prospecte d’ailleurs activement des entreprises et des paysans, notamment des maraîchers qui ont besoin de main-d’œuvre pour participer à son projet. L’appel est lancé !
PRATIQUE
Vous êtes une entreprise ou un agriculteur et le projet du Quart-temps paysan vous intéresse :
rendez vous sur le site internet de l’association quart-temps-paysan.fr ou par téléphone au 07 77 89 42 63
Hélène Graffeuille
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