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Malgré différents programmes à l’échelle française et européenne, l’Europe reste très déficitaire en production de protéines végétales : 72 % de ses besoins sont importés, la plupart sous forme de soja. Ces 20 dernières années, une augmentation des surfaces de production de légumineuses à graines est constatée, mais l’augmentation reste insuffisante face à la demande, notamment en non-OGM.
Introduire plus de légumineuses dans notre alimentation et dans celle des animaux pourrait être l’un des enjeux des années à venir pour la filière agricole et agroalimentaire en France. Quels intérêts à les cultiver et comment favoriser le développement de cette filière ?
En Europe, une dizaine d’espèces majoritaires sont recensées, comme le soja, les lentilles, les haricots, le lupin, la gesse ou le pois chiche. Ce qui est faible en comparaison à la diversité mondiale. De même, dans le nord de la France, un nombre réduit de légumineuses à graines est cultivé, principalement le pois et la féverole.
Ces dernières années les habitudes et les attentes des consommateurs changent avec l’apparition des nouveaux régimes alimentaires et une plus forte demande de produits locaux et bio. Et la récente crise du Covid-19 semble renforcer cette tendance.
Du côté des agriculteurs, la pression sociale augmente pour qu’ils aient des pratiques respectueuses de l’environnement, en utilisant moins de produits phytosanitaires ou de fertilisants de synthèse.
L’Europe reste très déficitaire en production de protéines végétales : 72 % de ses besoins sont importés, la plupart sous forme de soja.
Pour répondre à ces tendances, l’une des solutions possibles consiste à diversifier les assolements avec des cultures à destination alimentaire, notamment des légumineuses à graines. En effet, l’implantation de ces dernières permet de fixer l’azote atmosphérique, ne nécessite pas (ou peu) de fertilisation azotée et fournit de l’azote également aux cultures suivantes. Selon la légumineuse cultivée, la présence des bactéries dans le sol et les conditions pédoclimatiques, l’azote disponible pour la culture suivante peut atteindre 400 kg N/ha.
Par ailleurs, ces légumineuses permettent de casser le cycle des cultures d’hiver et de mieux maîtriser les adventices, raison pour laquelle elles sont souvent mobilisées dans les systèmes bio.
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Enfin, d’un point de vue alimentaire, les graines des légumineuses possèdent une teneur en protéines allant jusqu’à 40 % ce qui conviendrait aux nouveaux régimes alimentaires en remplacement total ou partiel de la viande.
Dans le nord de la France, les agriculteurs constatent de nombreux problèmes avec la culture du pois et de la féverole, induisant des rendements très fluctuants. Toutefois, un groupe international de chercheurs a démontré en 2018 qu’en conditions expérimentales et contrôlées en Europe du Nord, les rendements des légumineuses à graines ne sont pas plus irréguliers que d’autres cultures de printemps et que leur présence dans les rotations assure une plus grande stabilité de rendement pour les cultures suivantes.
Par ailleurs, il est souvent dit que la marge nette des légumineuses serait inférieure aux autres cultures. Mais d’après des études menées au Canada, il est démontré que les rotations avec des cultures légumineuses sont plus profitables que la monoculture de blé ou les rotations plus fréquentes basées sur le blé et le colza.
Quelles solutions pour favoriser l’introduction de légumineuses à graines dans nos assolements ? Une première solution, engagée dans de nombreux projets, consiste à accompagner les agriculteurs à l’introduction de légumineuses à graines, notamment celles déjà cultivées en France.
Dans ce cadre, une étude récente montre qu’une adoption durable de ces cultures dans les exploitations agricoles est liée à la présence de références locales, la stabilité des débouchés et les échanges entre les pairs.
À Beauvais, l’université UniLaSalle est engagée sur ce volet avec les acteurs locaux dans la création de références sur les variétés précoces et très précoces de soja, ainsi que le partage d’informations entre agriculteurs ayant déjà introduit cette culture.
Une autre solution, aujourd’hui très peu explorée, consiste à exploiter la diversité mondiale de légumineuses à graines. En effet, de nombreuses cultures sont cultivées et consommées localement dans le monde, n’entrant pas ou peu dans les commerces internationaux.
Ces espèces sont adaptables à de nouvelles conditions climatiques en tant que cultures de printemps. Elles présentent aussi une teneur en protéines aussi élevée que d’autres légumineuses déjà cultivées, et n’ont aujourd’hui pas de ravageurs connus, ce qui limiterait l’usage de produits phytosanitaires.
Une première étude bibliographique sur la diversité mondiale de légumineuses à graines cultivées menée à UniLaSalle a permis d’identifier plus d’une quarantaine d’espèces d’intérêt comme le pois de terre, le dolique à œil noir et le pois d’Angole.
Certaines de ces espèces commencent déjà à être testées par des agriculteurs en France. Assurément des nouvelles opportunités s’ouvrent pour diversifier nos assolements y compris dans la région !
Alicia Ayerdi Gotor, Enseignante-chercheuse à Unilasalle